Pour tenter de juguler la crise du logement, la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) se fixe des objectifs ambitieux, dans sa première politique d’habitation dévoilée jeudi, mais plusieurs des actions qu’elle doit entreprendre dépendent de la collaboration et du financement qui proviendront du gouvernement du Québec.

« Il est urgent d’agir », a lancé Stéphane Boyer, maire de Laval et vice-président du conseil de la CMM, en conférence de presse. « On doit trouver des solutions pour réduire la facture de logement des citoyens. »

Dans le document de plus de 80 pages, la CMM souligne à quel point la crise actuelle affecte toutes les tranches de la population, surtout les ménages à faible revenu, dans les 82 municipalités de son territoire.

« Depuis 2011, le prix de vente des logements dans le Grand Montréal a augmenté de 90 %, alors que le revenu des ménages n’a augmenté que d’environ 40 %. En ce qui concerne les loyers, les taux d’augmentation au cours des trois dernières années sont les plus importants observés en près de 20 ans », note le document.

On constate aussi qu’un tiers des locataires (200 000 ménages) consacre plus de 30 % de ses revenus aux frais de logement, ce qui est considéré comme inabordable.

Parmi les objectifs fixés par la politique métropolitaine d’habitation, on vise à réduire du quart, d’ici 2031, le nombre de ménages éprouvant des besoins impérieux en logement – ceux qui occupent un logement inadéquat, inabordable ou d’une taille non convenable. En 2021, on comptait 132 000 ménages dans cette situation sur le territoire de la CMM.

Autre but : augmenter le rythme des mises en chantier à plus de 35 000 logements par année, alors qu’il ne s’est construit que 25 000 logements en moyenne annuellement au cours des cinq dernières années. Il faudrait toutefois 55 000 mises en chantiers par année pour assurer l’abordabilité des logements, reconnaît la CMM.

On entend aussi rétablir un taux d’inoccupation de 3 % dans le marché locatif, soit un taux équilibré, alors que ce taux est de moins de 1 % dans plusieurs secteurs du Grand Montréal, notamment les couronnes nord et sud.

Pour y arriver, la politique d’habitation présente 26 actions à entreprendre, notamment la mise en place d’un programme d’accompagnement pour les plus petites municipalités, pour les aider à trouver des stratégies pour densifier leur territoire et augmenter la mixité sociale.

Les municipalités peuvent aussi agir en requalifiant différents espaces pour de l’habitation et en favorisant les organismes à but non lucratif, les coopératives ou les fiducies qui veulent développer le parc immobilier.

Mais surtout, on souligne qu’il faut faire des représentations auprès de Québec afin qu’il augmente le financement pour le logement social.

« Le message qu’on passe, c’est que Québec a la responsabilité de bouger, il y a beaucoup de pression. Les villes sont prêtes à bouger, mais on a besoin du financement de Québec », lance Guillaume Tremblay, maire de Mascouche et président de la commission de l’habitation et de la cohésion sociale.

« On ne veut pas juste construire des logements, on veut créer des milieux de vie qui vont être mixtes, inclusifs, où le transport en commun aura une part importante et qui vont favoriser une façon de vivre sur notre territoire qui s’inscrit dans le développement durable », affirme Stéphane Boyer.

Selon le Collectif de recherche et d’action sur l’habitat (CRACH), cependant, le plan de la CMM rate sa cible et est trop timide pour avoir un réel effet sur la crise du logement. Le porte-parole du groupe, Martin Blanchard, estime que la politique d’habitation aurait dû exiger plus de logements sociaux.

Alors que le marché immobilier est la proie d’une folie spéculative, « la CMM laisse ce marché spéculatif définir ce qu’est un logement abordable », dénonce-t-il.

Il déplore aussi que des solutions qui relèvent des pouvoirs municipaux n’aient pas été retenues, comme la réglementation des Airbnb, la mise en place d’un registre des loyers pour contrôler les hausses, des suivis plus serrés des permis de construction qui peuvent servir à faire des rénovictions et une meilleure application des règlements sur la salubrité.

En savoir plus
  • 90 %
    Augmentation du prix de vente des logements depuis 10 ans dans le Grand Montréal
    Source : Statistique Canada
    40 %
    Augmentation du revenu médian des ménages depuis 10 ans dans le Grand Montréal
    Source : Statistique Canada