Cinq ans après la fameuse Pitoune, c’est au tour d’un autre legs d’Expo 67 de faire de discrets adieux aux Montréalais. La Ronde procède actuellement au démantèlement du Minirail, qui compte près 60 ans de loyaux services.

D’abord destiné aux centaines de milliers de visiteurs de l’exposition universelle, le train léger faisait encore le tour du parc d’attractions en 2019. Il n’a cependant jamais été remis en fonction après la pandémie de COVID-19.

« C’était la fin de vie du manège, a expliqué Nathalie Béland, porte-parole de La Ronde, en entrevue téléphonique. C’était un manège qui contenait beaucoup de souvenirs pour beaucoup de gens. Mais malheureusement, on était rendus à ce point-là. »

C’est une inspection effectuée après la fonte des neiges, le printemps dernier, qui a signé son arrêt de mort. Un rapport d’expert a déterminé que la structure de plusieurs centaines de mètres n’était plus assez sécuritaire.

« Dans le temps de l’Expo, ces manèges-là n’avaient pas nécessairement été conçus pour durer 55 ans, surtout avec les hivers. On l’a entretenu tout ce temps-là, on a été chanceux de l’avoir tout ce temps-là, a dit Mme Béland. Les pièces n’existent plus depuis longtemps. Les équipes de La Ronde ont dû machiner des pièces pour le réparer. »

PHOTO PIERRE MCCANN, ARCHIVES LA PRESSE

Le Minirail au troisième jour d’Expo 67, en avril 1967

La porte-parole a souligné que l’aspect historique du Minirail avait été pris en considération avant de commencer le démantèlement. Le parc d’attractions réfléchit actuellement à un moyen de rendre hommage à cet attrait.

« La décision prise par La Ronde a été une surprise, a indiqué le cabinet de la mairesse Valérie Plante. Considérant l’importance historique du Minirail, qui a transporté des générations de Montréalaises et de Montréalais, nous aurions aimé être avisés en amont des enjeux relatifs à la préservation du manège afin de pouvoir discuter des possibilités de préservation du train. » Une réunion est prévue avec la direction du parc pour « réitérer » les préoccupations de la Ville quant à la sauvegarde du patrimoine.

« Ils effacent l’histoire »

Julie Bélanger, fondatrice d’un groupe voué à la mémoire d’Expo 67, accepte avec philosophie le sort du Minirail.

« C’est sûr que c’est dommage qu’il disparaisse, a-t-elle dit en entrevue téléphonique. C’est déjà exceptionnel qu’il se soit rendu à 58 ans d’existence […] avec nos hivers. »

Mme Bélanger a appris au début de novembre – par des employés de La Ronde – que la structure était en cours de démantèlement. Elle a aussitôt contacté le parc d’attractions afin de sauver tout ce qui pouvait l’être.

Elle a notamment pris contact avec Exporail, musée ferroviaire situé à Saint-Constant, sur la Rive-Sud de Montréal, afin d’explorer la possibilité qu’au moins une rame de train soit conservée. La porte-parole d’Exporail, Caroline Lebon, a confirmé que l’institution étudiait cette possibilité. « Le comité va étudier la requête cette semaine, on devrait avoir une réponse au courant de la semaine prochaine », a-t-elle dit à La Presse.

PHOTO FOURNIE PAR UNE SOURCE ANONYME

Une partie de la structure du Minirail en cours de démantèlement

Sur la page Facebook Expo 67, gérée par Mme Bélanger, des internautes sont autrement plus critiques.

« L’art de tout scraper… Ils effacent l’histoire d’Expo 67 », déplore l’un. « Disons que certains ont les notions d’Histoire assez loin, malheureusement », assène un deuxième. « Vraiment triste. Avec un peu de volonté, tout se répare », écrit un troisième.

« On peut questionner l’entretien de Six Flags. On peut aller jusqu’à remettre en question la décision de la Ville de Montréal de confier l’entretien de La Ronde à Six Flags. Mais le fait est qu’on en est là. […] Ce train-là a beaucoup d’histoire, c’est même très surprenant qu’il soit arrivé jusqu’à maintenant », leur a répondu Mme Bélanger. « On ne pourra pas tout sauver. On ne pourra pas. » Elle a souligné que les efforts des aficionados d’Expo 67 devraient se concentrer sur la restauration de la place des Nations, au parc Jean-Drapeau.

Un vrai réseau de transport

Le Minirail de La Ronde faisait partie d’un vaste réseau de transport imaginé pour déplacer les visiteurs jusqu’au site d’Expo 67 et à l’intérieur de celui-ci. Un métro de surface de cinq stations et 5,7 kilomètres (l’Expo Express) avait été bâti entre la Cité du Havre et l’île Sainte-Hélène. Une autre section du Minirail – beaucoup plus grande que celle de La Ronde – quadrillait les îles Notre-Dame et Sainte-Hélène.

Le matériel ferroviaire utilisé pour bâtir le Minirail de La Ronde avait été acheté de l’Exposition nationale de Lausanne, tenue en 1964. Il était donc déjà usagé au moment de son inauguration.

Lundi, Héritage Montréal a souligné les efforts faits par les citoyens comme Julie Bélanger et l’ouverture de La Ronde en vue de sauver des souvenirs du Minirail.

« C’est certain qu’on regrette qu’il soit démantelé. L’idéal, c’est qu’il reste sur le site et qu’il soit toujours en fonction », a affirmé Anthony Plagnes Payá. Mais « l’essentiel, c’est qu’il y ait soit une préservation sur le site lui-même ou que d’autres institutions puissent garder des parties du Minirail ». Quant aux déclarations des dirigeants de La Ronde voulant que le manège ait atteint la fin de sa vie utile, « on les croit », a-t-il dit.

Le ministère de la Culture et le cabinet du ministre de la Culture n’ont pas répondu à la demande de commentaire de La Presse.