Ajouter un garage pour entreposer les matières animales ne ferait que régler « une infirme partie » du problème à l’usine de Rivière-des-Prairies, rétorque Sanimax à la Ville de Montréal, au moment où celle-ci tente d’imposer un nouveau règlement municipal pour s’attaquer aux problèmes d’odeurs nauséabondes dans le secteur.

« On sait qu’à Montréal, le garage est une pièce parmi plusieurs qui devront être déployées, mais l’enjeu, c’est vraiment la rapidité. Moi, je dois agrandir pour ajouter des équipements et traiter la matière immédiatement. Je ne veux pas donner une seule occasion à la matière de se dégrader dans notre cour », explique le PDG de Sanimax en Amérique du Nord, Martial Hamel, en entrevue à La Presse.

Il réagissait ainsi à une sortie de l’administration Plante, qui a annoncé jeudi qu’en vertu d’un règlement adopté mi-juin par la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) – qui doit encore être entériné par Québec –, l’entreprise devrait bientôt entreposer les matières animales dans un bâtiment et ne pourra plus la conserver à l’extérieur. « C’est majeur, car c’est l’une des grandes causes des odeurs », avait soutenu la mairesse de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles, Caroline Bourgeois.

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Martial Hamel, PDG de Sanimax en Amérique du Nord

D’abord spécialisée dans la récupération d’animaux de ferme morts, Sanimax accumule les plaintes de résidants depuis des années, soit pour des carcasses animales laissées en pleine rue, soit pour des problèmes d’odeurs. À l’été 2021, notamment, les villes de Montréal, de Lévis et de Saint-Hyacinthe avaient reçu un nombre de plaintes inégalé à l’endroit de Sanimax. Depuis janvier de cette année-là, l’entreprise avait à elle seule fait l’objet de 46 % des plaintes relatives à la qualité de l’air enregistrées dans toute la métropole.

Or, pour M. Hamel, la solution réside dans un « plan global », qu’il affirme avoir déposé à la Ville en 2019. « Dans ce plan, on avait plusieurs solutions permanentes, dit-il. On parlait par exemple d’une nouvelle entrée pour éviter les camions en attente, d’un agrandissement de l’usine, d’une aire de chargement pour les produits finis, d’un garage, et de nouveaux bâtiments pour transvider la matière. »

« Si on avait conclu, en ce moment on serait en mesure de déployer les investissements. Mais en décembre 2021, tout a été arrêté. Et nous n’avons toujours pas les permis ni le zonage, ne serait-ce que pour construire un garage, et encore moins pour les autres équipements », poursuit le PDG, en se disant « frustré » par l’attitude des autorités à l’égard de son groupe.

Un appel au dialogue

À ses dires, les discussions se sont « nettement mieux déroulées » à Lévis et à Saint-Hyacinthe, où des mesures sont déjà en train d’être mises en place pour atténuer les odeurs. En avril, le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, avait d’ailleurs annoncé un plan gouvernemental pour réduire les odeurs à l’usine Sanimax de Lévis. « On a eu des discussions franches et ouvertes, et ça a fonctionné. On aura des agrandissements, des ajouts de traitement d’air. Ça se peut, la résolution », insiste l’entrepreneur, pour qui Montréal « fait cavalier seul ».

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Le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, lors d’une annonce d’un plan d’action pour réduire les odeurs à l’usine Sanimax de Lévis

Dans son ensemble, le règlement de la CMM compte aussi des modalités « extrêmement inquiétantes » pour la chaîne agroalimentaire, selon Martial Hamel.

« Autrement dit, on nous met un règlement entre les mains qui nous condamne à ne pas être capables d’atteindre les objectifs. Sauf que si on ne faisait pas ce qu’on fait, ça serait des conséquences en centaines de millions », illustre l’homme d’affaires.

La Ville de Montréal, elle, plaide avoir agi de bonne foi depuis le départ. « Pour nous, l’important, c’est que les citoyens retrouvent leur qualité de vie le plus rapidement possible. Nous avons toujours été ouverts à dialoguer avec l’entreprise afin qu’elle présente ses solutions conformément aux normes municipales en vigueur. Un plan qui correspond à ces critères n’a jamais été déposé à la Ville », affirme l’attachée de presse, Marikym Gaudreault, en rappelant qu’un plan gouvernemental comme celui de Lévis est urgent à Montréal.

Rappelons que Sanimax et la Ville de Montréal n’en sont pas à leurs premiers accrochages. En janvier, la Cour supérieure avait par ailleurs tranché que la multinationale québécoise avait pollué l’air et l’eau. Dans le jugement, on lisait que l’équarrisseur tente d’échapper à la loi au nom d’arguments « tordus », « effrontés », « absurdes », dénués de « toute base juridique valable » ou n’ayant « strictement aucun sens ». Au total, Sanimax a aussi été condamnée à au moins trois reprises par la cour municipale, dont deux fois en 2018.

Avec Marie-Claude Malbœuf, La Presse