La pandémie, les fusillades, la question raciale, les pressions de plus en plus grandes sur les policiers qui marquent un « point de bascule » : les trois années à la tête du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ont été « un feu roulant » pour Sylvain Caron, qui affirme que l’accumulation de plusieurs facteurs l’incite à prendre sa retraite pour des raisons personnelles, avant la fin de son mandat.

« Le cumul de tout fait en sorte qu’un moment donné, tu dis : “C’est assez, là !” J’ai la santé, je veux la préserver et retrouver un certain équilibre. Ça fait quand même sept ans et demi que je suis dans une haute direction, en incluant mes années à la Sûreté du Québec. Je pense que j’ai bossé pas mal d’affaires. Il y a un moment pour arriver et un autre pour partir. J’ai décidé que le moment de partir était venu. »

Après plus de 40 ans de service, je crois qu’il est temps de laisser la place à la relève et j’ai le sentiment du devoir accompli. Je pars pour des raisons purement personnelles. À mon âge, j’ai encore du bon temps à vivre. Je veux profiter de la vie avec mes proches.

Sylvain Caron

Surpris par le départ de Martin Prud’homme, dont il aurait souhaité qu’il reste à la tête du SPVM, Sylvain Caron est devenu directeur du service sans trop s’y être préparé en décembre 2018. Son mandat devait être de cinq ans et prendre fin en décembre 2023. Il dit avoir demandé un mandat de trois ans plutôt que cinq, mais que cela lui a été refusé.

Un feu roulant

Durant les trois années et quelques mois où il a été à la tête du SPVM, il a vécu deux ans de pandémie, une hausse dramatique des fusillades au cours desquelles des adolescents ont notamment été tués, l’affaire Camara, des débats sur le racisme systémique, le profilage racial, la santé mentale, les itinérants et le définancement de la police, l’adoption d’une nouvelle politique d’interpellation, un projet avorté de fusion de postes de quartier (PDQ), le désengagement des policiers, les patrouilleurs régulièrement filmés lors des interventions qui se retrouvent au « cœur des tribunaux populaires des réseaux sociaux », déplore-t-il.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Sylvain Caron, en août dernier, à l’occasion d’une conférence de presse sur les évènements impliquant des armes à feu à Montréal

« C’est un autre monde, Montréal ! Il y a beaucoup de pression médiatique et de pressions de toutes sortes d’évènements qui se produisent sur le territoire. C’est un feu roulant et malheureusement, le contexte dans lequel on évolue depuis deux ou trois ans fait en sorte que nos policiers trouvent ça plus difficile. On est à un point de bascule », prévient Sylvain Caron.

Le plus difficile : la COVID-19

Le chef sortant affirme que, de tous les éléments énumérés plus haut, c’est la pandémie qu’il a trouvée le plus difficile, mais aussi les fusillades et les meurtres, de victimes très jeunes entre autres. « Ça n’a pas de bon sens », dit-il.

Il assure que ses relations avec la mairesse Valérie Plante ont toujours été excellentes et que c’est en décembre dernier qu’il a annoncé au directeur général de la Ville de Montréal, Serge Lamontagne, son intention de partir en 2022.

Sylvain Caron dit être « tombé en amour avec le SPVM ».

Ses plus grandes fiertés, c’est d’avoir pu, avec son personnel, assurer la sécurité des Montréalais, conserver un bon climat de travail et garder les policiers et les civils motivés. Il remercie d’ailleurs ceux-ci pour leur engagement et leur « grande résilience », et la population pour lui avoir fait confiance.

Au sujet du projet de fusion de certains postes de quartier sur lequel il a dû reculer, Sylvain Caron croit que la ou le futur chef devra repenser la structure et la desserte des services au SPVM, sans nécessairement que cela passe par des fermetures de PDQ. Il souligne qu’il manque actuellement 270 policiers au SPVM, en plus des 270 qui sont en congé prolongé chaque année pour toutes sortes de raisons, médicales, parentales ou autres.

Actuellement, je dépense de l’argent dans des structures alors que je devrais le faire sur le terrain.

Sylvain Caron

La crise qui a amené l’arrivée de Martin Prud’homme et de Sylvain Caron au SPVM a eu notamment comme toile de fond une guerre de clans au sein des anciennes directions.

Est-ce que les clans sont chose du passé au SPVM ? lui a demandé La Presse.

« De ce que je vois, il n’y a pas de clans. Est-ce qu’il y a des alliances ? Oui. C’est normal, il y en a dans toutes les organisations. Mais les alliances ne doivent pas empêcher une organisation d’être fonctionnelle », répond Sylvain Caron, qui croit que la relève est prête et que la ou le prochain chef pourrait provenir des rangs du SPVM.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.

Quelques candidats potentiels

Sophie Roy 

Elle a accumulé plus de 34 années d’expérience au SPVM. Elle est actuellement directrice adjointe des enquêtes et a auparavant occupé cette fonction supérieure à la gendarmerie.

Anne Chamandy

Civile et criminologue de formation, elle est directrice adjointe aux communications. Elle a notamment piloté le dossier du Livre vert présenté au ministère de la Sécurité publique du Québec.

Vincent Richer 

Policier depuis 28 ans, Vincent Richer est directeur adjoint et responsable des dossiers sociaux et de prévention. Il est à l’origine du forum contre la violence armée et de la politique sur les interpellations policières.

Marc Charbonneau 

Cet ancien enseignant est policier depuis 23 ans. Il est actuellement directeur adjoint à la Direction de l’intégrité et des normes professionnelles.

Des réactions

Le président de la Fraternité des policiers et policières de Montréal, Yves Francœur, a salué la contribution de M. Caron, « notamment sa stabilité en période trouble, ainsi que l’esprit de collaboration dont il a su faire preuve ». « Il aura été présent à un moment charnière. Je lui souhaite la meilleure des continuités », a déclaré M. Francœur.

« Refus d’embaucher les 250 nouveaux policiers promis, élimination surprise des postes de quartier, positions changeantes sur le projet des caméras corporelles, définancement du SPVM, policiers au bord du gouffre : il suffit de faire le bilan de la dernière année pour constater à quel point l’administration n’a pas su maintenir de bonnes communications et de bonnes relations avec son service de police et son chef », a pour sa part déclaré le chef de l’opposition officielle, Aref Salem, en écorchant l’administration de Valérie Plante.

La mairesse Valérie Plante doit réagir lors d’une conférence de presse commune avec le directeur du SPVM, Sylvain Caron, à 9 h ce mardi matin.

Avec la collaboration d’Henri Ouellette-Vézina, La Presse