L’inspectrice générale de Montréal affirme avoir découvert des manquements « graves et sérieux » dans l’attribution des contrats pour la construction du nouveau centre de transport Bellechasse de la Société de transport de Montréal (STM), une construction souterraine destinée à accueillir 300 autobus dans Rosemont–La Petite-Patrie.

Les irrégularités auraient justifié une résiliation des contrats dans ce dossier, selon l’inspectrice, MBrigitte Bishop. Mais il est trop tard pour ce faire, car les travaux ont déjà été exécutés.

Le Bureau de l’inspecteur général (BIG) souligne qu’un contrat de nature inhabituelle a été accordé à la firme Pomerleau pour agir comme gérant de construction sur ce projet, au coût de 27,5 millions de dollars. Pomerleau devait aider à préparer les appels d’offres pour les différents entrepreneurs intéressés à réaliser des travaux de construction sur le nouveau centre. L’appel d’offres prévoyait toutefois qu’une enveloppe fixe de 4 millions de dollars devait être réservée à des travaux imprévus réalisés par le gérant de construction lui-même, en cours de projet.

Cette enveloppe pour des travaux de 4 millions non définis « ne permet aucune compétition entre les soumissionnaires quant au prix, ce qui va à l’encontre de l’objectif même des appels d’offres publics », précise le rapport du BIG.

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L’inspectrice générale de Montréal, MBrigitte Bishop

Lorsque les enquêteurs du BIG ont questionné la STM à ce sujet, la réponse de l’organisme démontrait « une méconnaissance profonde du cadre normatif qui lui est applicable », dénonce MBishop. Aucun reproche n’est fait à Pomerleau en tant que tel dans le rapport.

Entrepreneurs lésés

L’inspectrice générale reproche aussi à la STM de ne « pas avoir fait preuve de bonne foi » envers des entrepreneurs ayant soumissionné pour réaliser des travaux de coffrage. Durant le processus de soumissions, l’organisme avait déjà décidé de faire réaliser les travaux par Pomerleau, à partir de l’enveloppe de 4 millions réservée pour des travaux imprévus. Mais elle a quand même laissé des entrepreneurs monter leur dossier, préparer leurs propositions, payer leurs cautions, réserver leur personnel.

Ces soumissions ont demandé d’importants investissements en temps et en argent, souligne l’inspectrice, notamment pour l’achat d’une caution, de la part des entrepreneurs, et les empêchaient potentiellement de poursuivre d’autres projets, alors que la partie était perdue d’avance pour eux, sans qu’ils le sachent.

Mme Bishop a déposé son rapport au conseil municipal lundi, et recommande une série de mesures pour s’assurer que l’octroi des contrats par la société de transport est fait dans un respect minutieux des règles de saine concurrence. Les travaux du nouveau centre de transport Bellechasse doivent être menés à terme d’ici l’automne prochain, selon l’opérateur.

« Dans l’intérêt du projet »

La STM n’a pas tardé à réagir au rapport, lundi. Le président de son conseil d’administration, Éric Alan Caldwell, affirme que l’organisation a « agi dans l’intérêt du projet et en ayant à l’esprit la saine gestion des fonds publics » ainsi que « le traitement équitable des soumissionnaires ».

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Le président du conseil d’administration de la STM, Éric Alan Caldwell

M. Caldwell soutient que la société « a confié, de bonne foi, certains travaux au gérant et constructeur, ce qui a permis d’économiser plus de deux millions », d’autant plus qu’un report des travaux aurait eu « des impacts financiers et opérationnels majeurs », notamment sur le plan de la sécurité.

« C’est la première fois qu’on testait ce type de contrat à la STM, donc c’est sûr qu’il y aura un travail à faire avec le BIG pour s’accorder sur les actions à prendre pour les prochains projets à venir. S’il faut s’ajuster, on le fera », concède-t-il toutefois en entrevue à La Presse.

Il reste que « ce mode de réalisation a bien servi le projet », assure M. Caldwell. « La gérance de construction, c’est un type de contrat qui permet d’être agile et d’agir rapidement, pour dans ce cas-ci se doter d’un garage qui pourra recevoir plus d’autobus et, surtout, des [autobus] électriques », justifie-t-il, rappelant que ces pratiques sont utilisées dans d’autres projets comme le Réseau express métropolitain (REM) et les chantiers de la Société québécoise des infrastructures (SQI).

Quant à la provision de 4 millions, la STM affirme qu’elle servait à « l’exécution par le gérant de construction d’éventuels travaux accessoires en régie contrôlée, ce qui représentait 2 % de la valeur totale projetée des travaux, soit 190 millions ». « Le fait de prévoir la réalisation de travaux accessoires en régie contrôlée permettait un suivi rigoureux de l’échéancier et des coûts lors de l’exécution des travaux, et ce, tout en préservant l’équité entre les soumissionnaires », a expliqué la société.