Les trois principaux candidats à la mairie se sont affrontés jeudi dans un ultime débat télévisuel en anglais, durant lequel le bilinguisme, l’inclusion et la sécurité publique ont marqué les échanges, à moins de 48 heures de l’ouverture des bureaux de vote par anticipation.

« On peut valoriser la langue. Le français devrait être le ciment, mais il faut protéger le droit des anglophones. » C’est ainsi que Valérie Plante a d’emblée résumé sa position sur la question linguistique et le projet de loi 96 modernisant la Charte de la langue française.

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Valérie Plante, mairesse sortante et cheffe de Projet Montréal

Elle dit comprendre qu’il s’agisse d’un « débat passionné » et que certains Montréalais de langue anglaise « soient inquiets » que leurs droits ne soient pas reconnus. « Je soutiens le projet de loi 96, mais je suis aussi allée en commission pendant la campagne pour faire part de mes attentes », a-t-elle dit, en rappelant notamment avoir demandé à Québec d’exclure le service téléphonique 311 de l’application de la loi.

Le chef d’Ensemble Montréal, Denis Coderre, lui, a semblé vouloir se poser en médiateur. « Je suis d’accord avec l’objectif de la loi de promouvoir la langue française, mais en tant que gouvernement local, la question de l’applicabilité va être essentielle. On a besoin d’une approche de bon sens. Mon devoir va être de m’assurer que Québec comprenne les besoins qu’on a pour servir notre communauté anglophone », a-t-il expliqué, en promettant d’être le « maire de l’unité » et un « allié » du vivre-ensemble.

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Denis Coderre, chef d’Ensemble Montréal

Chez Mouvement Montréal, Balarama Holness a de nouveau plaidé pour faire de la ville une « métropole multilingue » qui refléterait son caractère « unique ». « On doit s’assurer de construire une maison pour tous les Montréalais, où vous pourrez éprouver un sentiment de sécurité et obtenir n’importe quel emploi, saisir n’importe quelle occasion », a-t-il plaidé, rappelant qu’il est « le seul candidat qui rejette » la loi 21 et le projet de loi 96. Sous son administration, « tous les commerces, tous les Montréalais pourront avoir des services et faire des affaires dans la langue de leur choix, particulièrement en anglais et en français », a aussi assuré M. Holness.

Malgré des accrochages, les échanges ont été assez cordiaux, du moins plus qu’ils ne l’avaient été lors du premier débat en français. Plusieurs médias anglophones (Montreal Gazette, Global News, CBC, CJAD 800, City News et CTV News) ont participé à l’organisation de cet ultime débat.

Arrondissements « sous-financés »

La sécurité publique a aussi été un enjeu de taille dans ce débat, alors que le nombre de fusillades se multiplie dans la métropole. « Notre parti va amener le SPVM dans le XXIsiècle, avec des pratiques innovantes comme les caméras corporelles dès le départ », a d’abord assené M. Coderre, en promettant d’être aussi « dur avec le crime et les causes du crime ». Il s’est déjà engagé à embaucher 250 policiers en plus.

Accusée par son principal rival de vouloir définancer la police, Valérie Plante a réitéré qu’elle n’en avait aucunement l’intention.

La solution, ce n’est certainement pas le définancement de la police. Ce qu’on veut avec le SPVM, c’est faire en sorte que les policiers restent dans leur quartier pour au moins trois ans, même cinq idéalement. C’est la façon de faire en sorte qu’ils connaissent les réalités. Et c’est très précieux, ça peut prévenir plusieurs homicides.

Valérie Plante, mairesse sortante et cheffe de Projet Montréal

Balarama Holness, lui, a rappelé que les arrondissements où le plus d’évènements violents se produisent « sont ceux qui ont été sous-financés pendant des décennies ». « Pour prévenir les crimes, il faut commencer à donner à ces jeunes de vraies perspectives », a-t-il jugé, en promettant un plan de 1 milliard pour réinvestir dans les infrastructures de loisirs, de sports et de santé dans les communautés marginalisées.

« Nous sommes la diversité »

À ceux qui le talonnaient sur sa volonté d’en faire davantage pour la diversité, M. Coderre a répliqué par une phrase qu’il avait déjà prononcée, plus tôt dans la journée. « Dans notre parti, nous ne faisons pas d’études. Nous sommes la diversité », a-t-il lancé en énumérant plusieurs candidats de sa formation politique.

Valérie Plante, elle, a fait valoir qu’elle avait mis sur pied « un plan très solide en matière d’embauche » de la diversité. « Notre objectif, c’est d’atteindre 33 % de personnes issues des minorités visibles et ethniques travaillant au sein de la police », a-t-elle illustré. Actuellement, ce chiffre oscille autour des 10 %.

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Balarama Holness, chef de Mouvement Montréal

« La réalité, c’est que la mairesse ne voulait même pas reconnaître le racisme systémique au départ. Ça a pris 22 000 signatures et 300 organismes communautaires pour la forcer à le faire », a ensuite fustigé M. Holness, dont la carrière politique a été lancée par son passage à la direction de Montréal en action, un organisme qui a forcé la Ville – par le droit d’initiative – à tenir une consultation publique sur le racisme systémique et, éventuellement, à le reconnaître.

« Je pense que notre PIB va doubler au cours des 20 prochaines années si nous dégageons réellement le pouvoir ethnique que nous avons », a conclu M. Holness.