Malgré l’ouverture par la Ville d’un refuge pour sans-abri à proximité, les occupants du campement Notre-Dame ne le quitteront pas de sitôt. Préoccupé par la situation, le maire de l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, Pierre Lessard-Blais, demande à Québec de prendre ses responsabilités eu égard au besoin criant de logements sociaux.

Jeudi au petit matin, à travers les tentes, filtrent des conversations animées ponctuées de rires. Alex, 22 ans, sirote une bière à côté de son chien Mowgli. La vie ne lui a pas fait de cadeaux : il a quitté le foyer familial à l’âge de 12 ans. Ça n’allait pas avec ses parents, ajoute-t-il en détournant le regard. Il est parvenu à trouver des logements abordables dans le passé, mais les dernières années ont été plus difficiles. Il se retrouve à la rue.

À quelques coins de rue, un refuge de soir a été mis en place par la Ville le 31 août dans l’aréna de l’ancien YMCA, rue Hochelaga. On espérait que les campeurs se dirigent vers ce refuge, mais seulement trois d’entre eux l’ont fait.

« Dans les ressources, tu es avec du monde qui a besoin d’aide psychiatrique. Du monde qui fait de la grosse drogue dure. Moi, je vais là pour me laver et manger un sandwich. C’est devenu un handicap pour moi d’aller là », rétorque Alex, qui a décidé de rester au campement où il s’est établi en juillet.

Il s’est vite lassé de l’horaire strict des ressources pour sans-abri. « J’ai plus 12 ans, là. Ici, je suis autonome », laisse-t-il tomber.

Même son de cloche pour Manon, une femme au regard timide et à la voix douce rencontrée près de sa tente.

« Dans les refuges, je me sens dénigrée, jugée, infantilisée », déplore-t-elle, avant de lever les yeux au ciel. « Moi, ce que je veux, c’est une place à moi, sans couvre-feu et sans horaires. »

Les refuges sont un cercle vicieux, une solution temporaire à ses problèmes de longue date, pense-t-elle.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Manon, occupante du campement Notre-Dame

J’aimerais une place où on m’aide vraiment à me sortir de là. La rue, ce n’est pas un choix quand c’est ton seul choix.

Manon

Non seulement une solidarité s’est forgée entre les campeurs, mais l’endroit est sûr pour une femme, précise-t-elle. « On l’a souvent dit aux médias : les gens qui ont fait du trouble, on ne les laisse pas s’installer ici. »

Regards tournés vers Québec

Les occupants ont été mis au fait de l’option qui s’offre à eux depuis lundi : un refuge de soir composé de 65 lits établis dans l’aréna de l’ancien YMCA.

« Le provincial a mis zéro sou là-dedans. C’est l’argent du fédéral et de la Ville, qui nous prête l’espace. Dans toute cette histoire de campement, je n’ai pas vu d’intervention concrète de Québec », signale d’emblée Michel Monette, directeur de CARE et responsable de la nouvelle ressource.

La transition du campement à la nouvelle ressource sera graduelle.

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Un refuge de soir a été mis en place par la Ville, lundi dernier, dans l’aréna de l’ancien YMCA d’Hochelaga-Maisonneuve. On y retrouve 65 lits, mais jeudi matin, seulement 3 étaient occupés.

« Ça va se remplir au mois de novembre quand la température refroidira. Pour l’instant, ils préfèrent le campement, et je les comprends », admet M. Monette.

Le cadre contraignant des refuges ne convient pas à tout le monde et des liens se sont tissés dans le petit camping qui compte encore plus de 40 occupants.

« Ils ont besoin de socialiser. On va essayer de créer ici l’ambiance qu’ils ont là-bas », assure-t-il.

Le campement Notre-Dame est le symptôme d’une grave maladie. La maladie, c’est notre échec social à offrir un toit à tout le monde.

Pierre Lessard-Blais, maire de l’arrondissement Hochelaga

M. Lessard-Blais souhaite que le gouvernement provincial prenne ses responsabilités dans les enjeux d’itinérance et d’habitation. Il reproche à Ottawa et à Québec de ne pas s’entendre sur l’accès au logement depuis les deux dernières années, ce qui empêche de faire des gestes concrets.

« On peut faciliter la mise en œuvre de certains projets, mais les sommes injectées et les grandes orientations sur l’itinérance et le logement social, c’est Québec. Ce n’est pas une compétence municipale », plaide le maire d’arrondissement.

La popularité du camping qui ne cesse de grandir donne lieu à de possibles enjeux de sécurité publique. « S’il y a un acte dangereux, oui, il faudra démanteler », admet M. Lessard-Blais.