Le gigantesque projet du REM doit faire face à toutes sortes de contraintes, qui compliquent le travail du constructeur et allongent les délais. L’un des derniers obstacles en lice : la petite tortue géographique, qui a été repérée en bordure de la rivière des Prairies, à Pierrefonds.

Des contorsions pour protéger une espèce vulnérable

Au début de l’été, le constructeur du REM a découvert des sites de ponte de la tortue géographique, une espèce vulnérable, sur l’un des chantiers du projet. Les tortues et leurs œufs ont été repérés dans le parc des Arbres, en bordure de la rivière des Prairies, à Pierrefonds.

Le constructeur NouvLR y érigera un nouveau pont qui enjambera la rivière jusqu’à l’île Bigras, à Laval, pour les besoins du train électrique. La structure sera adjacente au pont actuel.

Pour NouvLR, impossible de poursuivre les travaux sans se soucier du reptile. Le consortium chapeauté par SNC-Lavalin est légalement tenu de faire un suivi serré des enjeux environnementaux qui se présentent, notamment la gestion des sols contaminés et des milieux humides. Parmi ces enjeux figure la protection de certaines espèces végétales et animales le long des 67 km de chantier du REM.

Un résumé de ce suivi est incorporé au rapport de NouvLR du mois d’août que La Presse a obtenu. Sur la base de ce rapport, notamment, La Presse a révélé le 1er octobre que le constructeur prévoyait jusqu’à 20 mois de retard dans la livraison du segment qui va du centre-ville de Montréal à l’arrondissement de Saint-Laurent.

Le retard, qui soulève l’ire des résidants de Deux-Montagnes, est expliqué, entre autres, par le respect de normes de sécurité du tunnel du mont Royal*.

Une tortue vulnérable

Au début de l’été, donc, les experts de NouvLR ont constaté la présence de tortues géographiques et de leurs nids dans le parc des Arbres, à Pierrefonds. Or, depuis 15 ans, cette tortue est désignée comme vulnérable au Québec. On distingue cette tortue de 12 à 25 cm des sept autres espèces en eau douce par la partie supérieure de sa carapace, qui rappelle les courbes de niveau d’une carte topographique, d’où son nom de tortue géographique.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

La carapace de la tortue géographique rappelle les courbes de niveau d’une carte topographique, d’où son nom.

Cette découverte a provoqué une série de discussions entre NouvLR, la Caisse de dépôt et deux ministères du gouvernement du Québec, soit le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, d’une part, et le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs, d’autre part.

Les quatre parties se sont penchées sur les meilleures façons de protéger les nids potentiels et « prévenir toute mortalité de tortues durant les travaux », nous indique-t-on au ministère de l’Environnement, comme à celui de la Faune.

On a finalement convenu de modifier le chemin permettant aux machineries d’accéder au chantier et de déplacer les aires d’entreposage des matériaux nécessaires à la construction du pont ferroviaire. 

Des clôtures ont été mises en place au pourtour de toutes les aires de chantier afin de prévenir l’entrée ou l’utilisation des aires de chantier par les tortues et également éviter tout débordement du chantier vers les aires de ponte des tortues.

Le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs

Selon la fiche technique du ministère de la Faune, les principales menaces qui affectent cette espèce sont « la régularisation du niveau de l’eau lors de la période de nidification, la modification intensive des rives, de même que le dérangement, la prédation et la pollution de son habitat ».

La tortue géographique, faut-il savoir, ne se reproduit pas avant l’âge de 7 ans et 95 % de ses œufs sont victimes des prédateurs (ratons laveurs, poissons, etc.). De plus, certains poissons et oiseaux raffolent des bébés tortues en bas âge, lorsque leur carapace est encore molle.

Selon les scientifiques, la protection des espèces est cruciale pour la biodiversité. Lorsqu’une espèce disparaît, les autres qui en dépendent peuvent disparaître également, bouleversant ainsi la chaîne alimentaire, dont l’Homme dépend ultimement.

En fin de compte, les mesures d’atténuation de NouvLR ayant été jugées suffisantes par les deux ministères, un certificat d’autorisation a été délivré à NouvLR le 1er août.

Au parc des Arbres de Pierrefonds, nous avons effectivement pu constater la présence d’une barrière faite de toile géotextile, mais plusieurs des petits poteaux qui la maintiennent en place étaient brisés. Au ministère de la Faune, on nous indique qu’une vérification des installations sera faite en mai, soit après l’hiver et avant la période de ponte des tortues, en juin.

Couleuvres brunes

La tortue géographique n’est pas la seule espèce qui a causé des soucis au constructeur NouvLR. Pour respecter ses contraintes environnementales, NouvLR a aussi dû enquêter sur les couleuvres sur certains terrains des antennes Rive-Sud, Deux-Montagnes et Sainte-Anne-de-Bellevue du projet, entre autres. L’une des espèces, la couleuvre brune, est en péril dans la province.

L’enquête passe par des activités de capture des couleuvres durant la saison estivale, puis de déplacement, le cas échéant. La capture est réalisée grâce au déploiement de certains bardeaux d’asphalte sur le sol, dont l’accumulation de chaleur attire ces reptiles. La plupart des sites visés ont mis fin à leurs activités de capture-relocalisation durant l’été, étant donné le faible taux de capture, est-il indiqué dans le rapport de NouvLR.

Le bureau du projet du REM, chapeauté par la Caisse de dépôt, a assuré que les activités sont contrôlées par des experts en environnement, en respect des normes applicables.

«  Nous avons effectivement installé des barrières de géotextile pour nous assurer que le chantier soit exempt de la présence de tortues géographiques. Une vigilance accrue est en place puisque ces barrières sont souvent déplacées par les citoyens qui approchent les berges pour aller pêcher  », a expliqué le porte-parole Jean-Vincent Lacroix.

*En plus du tunnel, le constructeur doit composer avec une série de contraintes, selon le rapport, dont fait partie la gestion environnementale. La Caisse de dépôt et placement du Québec, promoteur du projet, conteste ces retards.

Un premier tronçon fonctionnel dans un an

Une visite du vaste chantier du Réseau express métropolitain (REM) était organisée pour la toute première fois, hier, par le bureau de projet. 

Les premiers rails


Au détour d’un chantier, dans le prolongement du boulevard de Rome, à Brossard, des ouvriers travaillent à l’installation des rails dans la courbe ferroviaire longeant les vastes terrains où sera implanté le « centre de commandement » du futur Réseau express métropolitain (REM) à l’intersection des autoroutes 10 et 30.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Station Rive-Sud


Les premières rames du train léger de 67 km de long, avec passagers, partiront d’ici vers la gare Centrale de Montréal dès la fin de 2021, selon la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui finance le projet de 6,3 milliards. Le squelette d’acier de la station terminale du réseau, appelée Rive-Sud, se dresse déjà à l’ouest du site. Dans un an à peine, elle deviendra le point de départ d’un premier « segment représentatif » du réseau, entièrement fonctionnel, qui servira de banc d’essai, sans passagers, mais en situation réelle, durant plus d’un an.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Segment représentatif


Selon le responsable de la construction de ce tronçon du REM au consortium NouvLR, Xavier de Nettancourt, ce segment représentatif s’étendra sur environ cinq kilomètres, en direction de Montréal, à partir de la station Rive-Sud jusqu’aux abords de la station Panama, près du pont Samuel-De Champlain (dont on aperçoit le grand mât en arrière-plan). En vertu du contrat signé avec la Caisse de dépôt, NouvLR doit livrer ce premier tronçon de deux stations, fonctionnel, électrifié et équipé de tous les systèmes de guidage et de télécommunications nécessaires à l’opération sécuritaire d’un train sans conducteur, dès le mois d’octobre 2020.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Treize mois de tests


Selon M. de Nettancourt (au centre de la photo), la livraison du segment représentatif permettra au constructeur des voitures du REM, le Groupe des partenaires pour la mobilité et des Montréalais (GPMM), de mettre ses voitures à l’essai en situation réelle pendant une période d’au moins 13 mois « avant l’ouverture commerciale » du réseau, prévue à la fin de 2021. Le fonctionnement des voitures et de l’ensemble des systèmes sera donc testé durant un hiver complet.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Centre nerveux


Pendant ces 13 mois, les automobilistes qui empruntent l’autoroute 10, les simples curieux et la population locale pourront donc voir les voitures du REM rouler à vide au centre de l’autoroute 10, entre son « centre nerveux », situé juste au sud de l’A30, et la future station Panama. Ces tests ne serviront pas qu’à tester le matériel roulant, mais aussi à faire l’essai de tous les éléments du réseau sur lequel il devra rouler, et dont NouvLR a la responsabilité.

Entretien et contrôle


L’architecture du réseau du REM « a la particularité de se conclure en une boucle où se trouve le centre de commandement de tout le projet », explique M. de Nettancourt. Sur la photo, il s’agit du grand bâtiment en construction, en arrière-plan, où seront aménagés le centre d’entretien principal et le centre de contrôle du réseau. « C’est un système sans conducteur, tout se dirige donc de là. Un bouton appuyé ici ouvre une porte à [la station de] Deux-Montagnes. C’est le centre nerveux. »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Un vaste complexe


Au moment de la mise en service du tronçon du REM entre la Rive-Sud et la gare Centrale, à Montréal, à la fin de 2021, le complexe à l’intersection des autoroutes 10 et 30 comprendra une station, un grand stationnement incitatif de 3000 places, le centre d’entretien principal et le centre de contrôle de tout le réseau, regroupés sur un seul vaste site, qui était encore vierge de toute construction, il y a à peine 18 mois.

Impressionnante plongée


Le Bureau de projet du REM a rendu publiques, hier, trois vidéos filmées à l’aide de drones qui offrent des vues en plongée spectaculaires des chantiers du REM. Celle-ci montre l’excavation de la future station Édouard-Montpetit, près de l’Université de Montréal, qui sera aménagée à 60 m de profondeur, sous le mont Royal. La vidéo se termine sur les images de la première galerie horizontale creusée à 58 m de profondeur juste au-dessus du tunnel ferroviaire qui passe sous le mont Royal. Il s’agit de la première des galeries à partir desquelles on accédera aux quais de la station, qui seront creusées dans les prochains mois autour du tunnel.