Les fermetures d'autoroutes prévues durant des jours de semaine dans l'échangeur Turcot, entre les 9 et 13 novembre, vont avoir sur l'industrie du camionnage des effets « catastrophiques » qui prendront plusieurs jours à se résorber, dit l'Association du camionnage du Québec (ACQ).

Selon le président et directeur général du puissant lobby des transporteurs routiers, Marc Cadieux, la moitié des grandes flottes de l'industrie du Québec risque de souffrir des effets directs d'entraves majeures prévues au cours des deux prochaines fins de semaine sur les autoroutes 20 et 40, dans l'île de Montréal.

« Montréal, ce n'est pas seulement que la base d'opérations de plusieurs entreprises, dit-il. C'est une plaque tournante pour tout le transport des marchandises, qu'elles arrivent par bateau ou par train. Ce sont des milliers et des milliers de camions qui empruntent ces deux axes, chaque jour, vers l'Ontario et l'ouest du Canada. »

Selon Marc Cadieux, les entraves majeures causées par les projets du Réseau express métropolitain (REM) et du nouvel échangeur Turcot « vont avoir des répercussions dans les entreprises pendant plusieurs jours, après ces deux week-ends, parce que les livraisons qui ne pourront pas se faire sont décalées sur la journée suivante, où d'autres livraisons seront retardées à leur tour, et ainsi de suite. »

M. Cadieux ne peut estimer les pertes que l'industrie pourrait encourir durant ces entraves, dont les répercussions pourraient s'étendre sur toutes les autoroutes de la région métropolitaine.

« Il suffit de savoir qu'un poids lourd sur la route coûte entre 80 et 90 $ à opérer, que des dizaines de milliers de camions risquent de perdre des heures dans cette congestion et qu'on va avoir plusieurs jours de congestion semblables. La somme grimpe rapidement », dit le PDG de l'ACQ.

DEUX WEEK-ENDS D'ENFER

En fin de semaine, la démolition d'un pont ferroviaire, au-dessus de l'autoroute 40, en prévision du projet du REM, entraînera la fermeture complète de l'autoroute 40 durant 36 heures, et ce, dans les deux directions, entre l'autoroute 13 et le boulevard Saint-Jean, dans la municipalité de Pointe-Claire (voir autre onglet).

Puis, entre le 9 et le 13 novembre, jusqu'à 5 h du matin, ce sera au tour de l'autoroute 20, l'autre grand axe de circulation est-ouest de l'île de Montréal, d'être partiellement entravée. La circulation sera complètement interdite sur des tronçons de quelques kilomètres de l'autoroute 20 et de la route 136, dans l'échangeur Turcot.

Mais pour les camions, la circulation en période de pointe sera interdite sur un long corridor qui dépasse largement les voies routières fermées. En pointe du matin et du soir, les poids lourds seront complètement bannis de la route 136 et de l'autoroute 20 à partir du centre-ville jusqu'à la hauteur du pont Mercier.

C'est ce second épisode d'entrave majeure qui fait le plus sourciller les transporteurs du Québec, précise Marc Cadieux.

DES RETARDS DE 1000 $

Pour l'homme d'affaires Éric Gignac, président de Transport Guilbault, l'un des gros transporteurs du Québec, le plus grave, avec les fermetures dans l'échangeur Turcot, c'est qu'elles s'étendront sur des journées ouvrables, le vendredi 9 novembre et le lundi 12, où le volume des marchandises à livrer est constant, important et ne souffre d'aucun retard.

« On s'est habitués aux fermetures de fin de semaine sur les autoroutes, surtout dans l'échangeur Turcot, dit-il. C'est moins grave, le volume des affaires est moindre, le trafic est moins lourd.

« Mais les jours de semaine, les magasins sont ouverts, les entreprises roulent, il faut qu'on livre, à l'époque du just in time. Je ne nommerai pas personne, mais avec les grosses entreprises de détail, c'est 1000 $ de pénalité, forfaitaire, en cas de retard. Même si c'est une livraison Montréal-Québec qui ne me rapporte même pas autant. »

Les cas de force majeure, comme une fermeture d'autoroute, ne sont pas une excuse.

« Les grosses entreprises de commerce de détail qui ont un siège social aux États-Unis s'en fichent complètement de l'échangeur Turcot. » - Éric Gignac

Selon lui, la circulation des conteneurs qui sortent du port de Montréal, dans l'est de Montréal, et qui doivent être livrés aux gares de triage ferroviaire du CN et du CP, situées dans l'ouest, sera elle aussi profondément perturbée durant ces fermetures.

L'OPTION DE L'A30

Les usagers de la route qui se dirigent vers Montréal et qui ne font que traverser l'île vers une autre destination seront invités à emprunter l'autoroute 30, qui contourne l'île de Montréal par la Montérégie, au cours des deux prochains week-ends.

Pour les camions de Transport Guilbault, dont la principale base d'opérations est à Boucherville, à quelques centaines de mètres à peine de l'autoroute 30, ce ne sera pourtant pas vraiment une option, dit M. Gignac.

« Aujourd'hui, à tout moment de la journée, l'autoroute 30 est très congestionnée, de Boucherville jusqu'à l'autoroute des Cantons-de-l'Est (A10), à Brossard. Si on détourne une partie du trafic de l'A20 vers l'A30, il y a des milliers d'automobilistes qui vont en subir les impacts », affirme l'homme d'affaires.

Transport Guilbault a un autre centre d'opérations secondaire dans l'arrondissement de Lachine, près de l'autoroute 20. L'entreprise y effectue chaque jour entre 40 et 50 sorties de camions. M. Gignac affirme qu'il songe à fermer complètement la base secondaire pour les journées du 9 ou du 12 novembre, puisque les camions qui en sortent risquent de rester coincés dans une congestion monstrueuse.

En hiver, explique le transporteur, lorsqu'on suspend les opérations de camionnage en raison des conditions météo, les retards de livraison peuvent chambouler les activités de l'entreprise durant des jours.

« Pour un arrêt de huit heures en cas de tempête, ça peut nous prendre de trois à quatre jours pour récupérer le retard, à cause du volume des livraisons. Ça va nous prendre combien de temps pour récupérer des deux jours de fermeture de Turcot ? Je ne sais pas, mais les inconvénients sont majeurs. »