Ajouter des voies d’évacuation
« Il ne faut pas que les routes d’évacuation soient coupées par des incendies et que les gens se retrouvent enclavés », prévient l’ingénieure forestière Évelyne Thiffault, professeure à l’Université Laval.
En Colombie-Britannique, en août, des habitants de Kelowna ont dû se jeter dans le lac Okanagan pour sauver leur vie.
En banlieue d’Halifax, d’autres voyaient à peine à travers la fumée dense et ont été ralentis dans des embouteillages, parce que leurs quartiers comptaient trop peu d’issues. Le danger avait vainement été dénoncé aux autorités municipales il y a 10 ans.
De nombreuses solutions existent, assure Stéphane Caron, coordonnateur en prévention à la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU). En 2016, 88 000 habitants de Fort McMurray ont vécu une fuite cauchemardesque. « Ensuite, la Ville a par exemple asphalté un passage à travers un parc, pour ajouter une voie d’évacuation. »
Améliorer les systèmes d’alerte
« Achetez-vous une radio à piles ! » Les experts en mesures d’urgence donnent unanimement ce conseil, qui peut sauver des vies quand une catastrophe cause des pannes.
À Chapais, dans le Nord-du-Québec, des policiers ont cogné aux portes le 1er juin, parce que le feu se trouvait à quelques kilomètres. Mais cette solution est mal adaptée aux grands centres.
Les gens inscrits au système automatisé d’alertes de leur municipalité reçoivent des messages par courriel, texto ou téléphone. Mais faute d’électricité, ceux envoyés à Maui ne se sont jamais rendus.
Le coordonnateur des mesures d’urgence de Sept-Îles, Denis Clements, a prévu le coup. « Après le verglas de décembre, on n’avait ni électricité, ni internet, ni réseau cellulaire. Même les walkies-talkies fonctionnaient mal, parce que les génératrices des tours de communications ont manqué d’essence. » Lors du méga-incendie de juin, il s’est donc assuré que les réservoirs soient pleins. « On a aussi un deuxième téléphone satellite et des liens avec des clubs de radio amateur. »
Coordonner l’accueil à distance
« D’habitude, nos centres d’hébergement se trouvent tous sur nos territoires respectifs, souligne Joël Sauvé, directeur sécurité incendie à Sept-Îles. On ne planifie pas avec nos voisins, comme on a dû le faire en envoyant nos gens à Port-Cartier [à 62 km]. »
Le 6 juin, des habitants de Lebel-sur-Quévillon ont roulé 156 km pour se réfugier à Val-d’Or, l’une des rares villes déjà dotées d’un plan d’évacuation de masse. Dans la nuit, Éric Hébert a appris que les occupants de deux réserves arrivaient. « À 5 h du matin, des autobus complets rentraient. C’était un peu le free for all ! Mais on a été impressionnés par la résilience des Autochtones. Ils ont l’habitude de vivre ensemble. »
La piscine de la polyvalente et le cinéma ont ouvert leurs portes gratuitement. Des entreprises ont acheté des jeux pour les enfants, des Xbox pour les adolescents, et même des cages et de la nourriture pour 150 chiens.
Les intervenants sociaux ont par ailleurs dû protéger l’intimité d’une personne en fin de vie. Et aider les non-Autochtones à cohabiter entre eux. « Des gens alcooliques allaient être en sevrage et d’autres, qui ne devaient pas être en contact à cause d’affaires judiciaires, se retrouvaient dans le même gymnase ! raconte M. Hébert. On ne pensait jamais devoir gérer ça ! »
Bloquer le chemin au feu
Les parcs et terrains de football érigés entre les habitations et la forêt agissent comme des coupe-feux, souligne Stéphane Caron. « À Baie-Johan-Beetz [Côte-Nord], l’église s’accotait sur la forêt, poursuit-il. La dégager sur une dizaine de mètres fait une différence énorme, parce que le feu emprunte le chemin où il trouve du combustible. Pas besoin de déboiser au complet. »
Cette année, des villes menacées ont été protégées par de larges tranchées. « Mais le feu s’y réintroduira si on laisse la nature reprendre ses droits, prévient M. Caron. Elles pourraient être transformées en parcs linéaires pour le ski de fond, la motoneige ou la marche. »
Quand le temps n’est pas trop sec, les autorités allument par ailleurs des brasiers, lors de « brûlages dirigés », qui rendent la forêt moins dense. Sinon, l’accumulation de combustible rend les incendies imprévus plus destructeurs.
Protéger sa demeure
Comme la petite maison blanche, célèbre pour avoir survécu au déluge du Saguenay, une demeure au toit rouge a miraculeusement échappé aux flammes à Maui. Ses propriétaires venaient d’installer un toit de métal et d’émonder.
Depuis quelques mois, le site web de la SOPFEU prodigue des conseils semblables au grand public. « On pourrait réfléchir à des programmes d’aide aux particuliers », avance Stéphane Caron. Dans l’Ouest canadien, des gens ont par exemple reçu des subventions pour remplacer leurs toits de bardeaux, très inflammables.
Le guide Intelli-feu explique en détail quels matériaux et végétaux privilégier, et comment distancer les arbres et nettoyer son terrain.
Consultez le guide Intelli-feuFormer des pompiers 2.0
Les pompiers forestiers manquaient autant que les infirmières, cette année. La SOPFEU aimerait donc pouvoir compter sur les pompiers municipaux québécois (en plus des renforts étrangers) quand les besoins se révèlent criants. Mais c’est un casse-tête administratif, déplore M. Caron.
En Abitibi, Val-d’Or a envoyé de son propre chef une dizaine de pompiers suivre une formation à la SOPFEU et va se procurer de l’équipement, pour qu’ils puissent agir quand celle-ci est débordée, indique le directeur de la sécurité incendie, Éric Hébert. Son homologue de Sept-Îles, Joël Sauvé, compte l’imiter sur la Côte-Nord.