Le maire de Maria se remémore un souvenir d’enfance. Un jour, un oncle et lui ont roulé en voiture sur la glace de la baie des Chaleurs. Ils se sont aventurés à environ un kilomètre de la berge.

L’histoire a des airs de science-fiction par les temps qui courent. Au passage de La Presse, à la mi-mars, la baie est dépourvue de glace.

« Il n’y a plus aucun couvert de glace dans la baie, à part quelques plaques. Donc les grandes marées frappent les berges. Il y a de l’érosion. Et avec les changements climatiques, il y a une hausse des niveaux de la mer », explique le maire Jean-Claude Landry lors d’une entrevue à l’hôtel de ville.

La route 132, qui relie toute la Gaspésie, est aussi frappée. « Voir des policiers faire la circulation sur une voie parce qu’il y a des débris de cailloux ou de bois projetés par les vagues sur la 132, avant je ne voyais jamais ça. On l’a vu le 13 janvier dernier », note le maire.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

La disparition de glace protectrice dans la baie des Chaleurs représente une menace pour les résidences situées en bord de mer.

L’hiver 2024 a fracassé des records. Le Service canadien des glaces a enregistré le plus faible couvert de glace dans le Saint-Laurent depuis le début des mesures, en 1969. Cet hiver a donc été exceptionnel, mais la tendance est à la baisse.

Cette disparition de la glace autour la Gaspésie en hiver doit même se poursuivre. Un document récent de la Direction de santé publique Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine prévoit que la couverture de glace dans la région aura diminué de 67 % en 2050 comparativement au début des années 2000 si les émissions de GES continuent à augmenter pendant les prochaines années, scénario le plus plausible.

« La glace protège de la formation de la houle et des vagues, plus la glace est importante. Plus la houle est réduite et moins la glace est importante, plus les vagues viennent frapper les côtes », explique Philippe Gachon, professeur d’hydroclimatologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

C’est l’hiver que les vagues ont le plus d’énergie et que les tempêtes sont les plus fréquentes. L’absence de cette glace protectrice est donc une menace pour les côtes. Au moment où les glaces disparaissent, le niveau des océans monte. Ces deux facteurs pris ensemble peuvent expliquer ce qui se passe dans la rue des Tournepierres.

PHOTO FOURNIE PAR PHILIPPE GACHON

Philippe Gachon, professeur d’hydroclimatologie à l’UQAM

Ça va être un enjeu au cours des prochaines années. La rapidité avec laquelle le changement climatique se fait… L’Atlantique se réchauffe à une vitesse extrêmement rapide. On vient de battre le 12e mois d’affilée le plus chaud depuis les années 1950.

Philippe Gachon, professeur d’hydroclimatologie à l’UQAM

« Est-ce que 2024 va continuer d’être dans cette tendance-là ? demande-t-il. On croit que le phénomène El Niño va se réduire. Mais El Niño ne suffit pas à tout expliquer. »

Le maire, qui a 71 ans et a vécu presque toute sa vie à Maria, a tendance à croire les prévisions des experts. « Moi, dans ma vie, j’ai vu de la glace très épaisse dans la baie. Et actuellement, il n’y en a pas ! À l’intérieur d’une période de 50 ans, il y a eu des changements énormes dans la baie des Chaleurs. Alors on peut penser qu’il va y en avoir encore dans les 50 prochaines années. »