Malgré les perturbations climatiques, un fournisseur d’électricité du Vermont promet d’éliminer les pannes de courant en finançant, notamment, l’installation de batteries chez des clients résidentiels. Une stratégie que teste actuellement Hydro-Québec dans l’ouest de l’île de Montréal, a appris La Presse.

Green Mountain Power (GMP), dont le siège social se trouve à une vingtaine de minutes de Burlington, au Vermont, a présenté son approche « zéro panne » (Zero Outages Initiative) aux autorités réglementaires de l’État le 9 octobre.

Elle prévoit investir jusqu’à 30 millions US en stockage d’énergie, principalement en installant des systèmes de batteries chez ses clients résidentiels, en 2025 et en 2026. Ces systèmes seront fournis à « ceux qui vivent dans les régions rurales du Vermont les plus durement frappées par les dommages causés par les tempêtes, et qui sont souvent les moins en mesure de payer [pour des batteries] », explique GMP dans sa demande d’autorisation.

GMP compte environ 3000 clients déjà équipés de batteries louées ou achetées.

Durant les tempêtes de l’hiver dernier, les clients avec des systèmes de batteries ont conservé le courant durant environ 2300 évènements distincts, pendant plus de 77 000 heures. Plusieurs s’en sont tirés durant l’entièreté de la panne.

Extrait de la demande d’autorisation de Green Mountain Power

GMP prévoit donc installer « 1500 à 1600 batteries » supplémentaires en deux ans, nous a précisé une porte-parole.

À l’étude au Québec

Dans le cadre d’un projet pilote démarré à la fin de 2022, Hydro-Québec a installé des batteries chez des clients des arrondissements de L’Île-Bizard, Pierrefonds-Roxboro et Saint-Laurent, et des municipalités de Kirkland, Dollard-des-Ormeaux, Pointe-Claire et Dorval.

« Nous évaluons l’impact de ces batteries résidentielles pour nos clients et notre réseau en cas de pannes et en période de pointe de consommation hivernale », a précisé un porte-parole d’Hydro, Cendrix Bouchard, par courriel.

Les 20 foyers participants ont été sélectionnés parmi les abonnés au tarif Flex D (tarification dynamique) qui avaient manifesté leur intérêt à la suite d’une infolettre envoyée dans le secteur. Ils sont équipés d’une batterie aux ions de lithium (Li-ion) de 10 kWh, dont Hydro n’a pas voulu divulguer le modèle ni le coût, « puisque le pilote n’est pas terminé ».

Ce projet devant durer trois ans, « il est trop tôt pour conclure à un programme subventionné ou toute autre initiative ».

Ces batteries offrent d’autres avantages que le dépannage, a souligné GMP dans sa demande au Vermont. L’énergie accumulée peut par exemple servir à réduire la consommation en période de pointe, ou aux heures où les tarifs sont les plus élevés.

Cette « formidable ressource » devrait être accessible à tous les clients qui en ont besoin « et non pas seulement à ceux qui peuvent acheter ou louer un système », plaide GMP.

Parer aux changements climatiques

Les changements climatiques augmentent la fréquence, l’ampleur et les ravages des tempêtes, témoigne le fournisseur vermontois, en évoquant les inondations de juillet dernier et la neige de l’hiver passé.

GMP propose donc d’investir massivement dans son réseau pour « créer d’ici 2030 un système énergétique où les consommateurs pourront bénéficier de zéro panne ».

Outre les batteries, le fournisseur veut investir jusqu’à 250 millions US pour rendre son réseau plus résistant aux tempêtes. Dans certaines zones, il enfouira les lignes. Dans d’autres, il les protégera des chutes d’arbres, en utilisant des « conducteurs recouverts avec espaceur » (spacer cables).

Au Québec, l’idée d’enfouir les lignes est revenue en force après le verglas d’avril dernier. Enfouir tout le réseau n’est pas réaliste, car il en coûterait environ 100 milliards de dollars, avait alors déclaré le premier ministre François Legault.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

Une équipe d’Hydro-Québec est mobilisée à Montréal après qu’un pylône est tombé après la tempête de pluie verglaçante d’avril dernier.

« Ce n’est pas 100 milliards en une année [mais] probablement sur 25 à 30 ans, donc il faut être un peu plus logique », objecte François Bouffard, professeur au département de génie électrique et de génie informatique de l’Université McGill.

Il faudrait au moins enfouir les câbles dans tous les nouveaux lotissements résidentiels, estime-t-il. « De cette manière, à terme, on aura éventuellement un réseau beaucoup plus résilient et fiable. »

L’enfouissement « fait partie de nos stratégies afin de réduire les pannes », mais il « n’est pas applicable partout », nous a-t-on répondu chez Hydro, en mentionnant deux projets pilotes d’enfouissement allégé : plutôt que de passer par des conduits bétonnés, les câbles sont déposés sur un lit de sable sous un grillage, ce qui réduit les coûts et les délais des travaux.

Les « conducteurs recouverts avec espaceur » ont aussi fait l’objet d’un projet pilote, mais celui-ci a mené à une autre solution « sur traverse, sans espaceur », dont le déploiement devrait débuter en 2024. Des poteaux en bois sont aussi remplacés par d’autres en composite, plus résilients et durables.

Hausse des pannes

Même en excluant les évènements météorologiques majeurs, la durée moyenne des pannes par client a augmenté de 63 % chez Hydro entre 2012 et 2022, a dénoncé la vérificatrice générale du Québec en décembre dernier.

Le temps moyen annuel d’interruption du service par client, qui est très influencé par les évènements météorologiques, est aussi en hausse, montrent les données fournies par Hydro. Cet « indice de continuité brut » a atteint 848 minutes par client en 2022, presque quatre fois plus qu’en 2015 (213 minutes), entre autres à cause du derecho de mai 2022.

D’autres gestes visent à améliorer la résilience du réseau, avait fait valoir Hydro après le verglas d’avril dernier. La végétation étant jugée responsable de 40 à 70 % des pannes, la société d’État consacre près de 120 millions de dollars à la maîtriser, presque deux fois plus qu’en 2018.

Qui est Green Mountain Power ?

GMP est le plus important distributeur d’électricité du Vermont, avec plus de 270 000 clients. Filiale de la société québécoise Énergir, GMP est gérée indépendamment, et réglementée par le Vermont. Elle a figuré aux palmarès 2022 des 100 entreprises les plus influentes (magazine TIME) et des cinq entreprises les plus innovantes (magazine Fast Company).

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