L’enfouissement des fils électriques comme protection contre les pannes dues au verglas devrait être davantage envisagé au Québec, même s’il est illusoire de croire que le réseau au complet pourrait être souterrain. Explications.

100 milliards

Le premier ministre François Legault a récemment affirmé qu’il faudrait prévoir 100 milliards de dollars pour enfouir les fils électriques au Québec.

Quartiers denses

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Vue de Montréal à partir du belvédère Camillien-Houde, le 6 avril. La métropole a été fortement touchée par les récentes pannes d’électricité massives.

Pour Normand Mousseau, professeur de physique et directeur scientifique de l’Institut de l’énergie Trottier à Polytechnique Montréal, le chiffre de 100 milliards « ne représente rien » parce que « personne ne défend » cette idée. « Ce qui serait souhaitable, ce sont des enfouissements ciblés, dit-il. Par exemple, en ville ou en banlieue, dans les quartiers denses, on pourrait le faire. Ça coûte un peu plus cher, mais ça nous donnerait un réseau plus fort parce que les pannes dans ces endroits affectent beaucoup plus de monde qu’à la campagne. »

Près de 30 %

C’est la proportion des nouveaux clients d’Hydro-Québec qui sont alimentés en souterrain depuis 2008.

Source : Hydro-Québec

51

C’est le nombre de projets d’enfouissement des réseaux câblés sur des sites d’intérêt patrimonial et culturel réalisés ou entrepris dans 48 municipalités depuis l’an 2000.

Source : Hydro-Québec

Occasions ratées

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Travailleur d’Hydro-Québec au travail pour rétablir le courant après les pannes dues au récent épisode de verglas, dans le quartier Pointe-aux-Trembles

Le meilleur moment pour enfouir des fils est lorsque la rue est à refaire. Mais le manque de coordination entre les villes et les différents services fait en sorte que des occasions sont manquées, croit M. Mousseau. « Depuis une dizaine d’années, Montréal refait son aqueduc, ses égouts. On a ouvert des rues, et les coûts d’enfouissement auraient été très réduits, mais on ne l’a pas fait, parce qu’il n’y a personne qui se parle. Il serait temps que chaque fois qu’on ouvre une rue à Montréal ou ailleurs […] on le fasse. »

Protéger les arbres

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Normand Mousseau, professeur de physique et directeur scientifique de l’Institut de l’énergie Trottier à Polytechnique Montréal

La crise causée par le verglas de 2023 entraînera une hausse de l’élagage des arbres à Montréal, ce qui « défigurera la ville », croit Normand Mousseau. « Élaguer, c’est une solution à court terme. On n’enfouira pas les fils du jour au lendemain, mais il faut le faire petit à petit quand c’est possible de le faire. »

4106 kilomètres à Montréal

À Montréal, ce sont la moitié des lignes de distribution environ qui sont souterraines, ce qui représente 4106 kilomètres de lignes de distribution, selon Hydro-Québec. Dans la province, c’est le cas d’environ 11 % des lignes de distribution. « Plus coûteux qu’un réseau aérien, l’enfouissement est une décision qui appartient aux autorités municipales ou gouvernementales, et non pas au fournisseur d’électricité », note Hydro-Québec.

Réseaux intelligents

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

Poteau électrique tombé sous le poids de la glace dans une rue d’Outremont, le 6 avril

Depuis 100 ans, l’électricité est passée d’un phénomène nouveau réservé à une élite à un service autour duquel toutes les facettes de la vie s’articulent. La résilience du réseau devrait refléter ce fait, croit Normand Mousseau.

« Avec les réseaux intelligents qui s’en viennent, on s’en va vers plus de production décentralisée. Les voitures électriques pourront fournir de l’électricité dans le réseau de temps en temps, ou des panneaux solaires peuvent le faire… Ces réseaux-là sont aussi une façon de réduire les risques, car s’il y a une panne localement, on peut avoir de l’électricité d’autres sources. »

Au bout du compte, ce sont les municipalités qui doivent décider de demander l’enfouissement des fils sur leur territoire dans les nouveaux quartiers, et Québec pourrait accélérer la cadence en obligeant les municipalités à le faire. « Si ça fait augmenter les coûts du branchement, ça force peut-être aussi à avoir des quartiers plus denses. Mais la densification, il y en a qui se battent contre ça aussi… »