La Fonderie Horne de Rouyn-Noranda est en voie de respecter les nouvelles limites d’arsenic et d’autres contaminants dans l’air fixées par le gouvernement québécois, malgré de nombreux pics importants dans la dernière année.

La concentration moyenne d’arsenic dans l’air a été de 45,2 nanogrammes par mètre cube (ng/m⁠3) depuis l’entrée en vigueur de sa nouvelle autorisation ministérielle, le 16 mars 2023, bien en deçà de la limite de 65 ng/m⁠3 imposée pour la première des cinq années couvertes par le document dictant les conditions d’exploitation du complexe industriel.

Cette moyenne n’est toutefois pas définitive, car elle est calculée sur un peu plus de 11 mois, les données les plus récentes datant du 20 février ; la tendance laisse néanmoins entrevoir une baisse significative par rapport à la moyenne de 73 ng/m⁠3 enregistrée en 2022.

La moyenne de 45,2 ng/m⁠3 reste toutefois 15 fois plus élevée que la norme québécoise pour l’arsenic de 3 ng/m⁠3.

« Pour nous autres, ce n’est pas encore acceptable », a déclaré à La Presse Nicole Desgagnés, porte-parole du comité de citoyens Arrêt des rejets et émissions toxiques (ARET) de Rouyn-Noranda, estimant que Québec n’avait pas été suffisamment exigeant envers l’entreprise appartenant à la multinationale anglo-suisse Glencore.

« Chaque pas vers le respect des normes, c’est une bonne chose, [mais] on continue de recevoir ces contaminants sur la tête chaque jour », a ajouté Isabelle Fortin-Rondeau, chargée de projet pour l’association Mères au front de Rouyn-Noranda, réitérant la demande que la Fonderie Horne soit assujettie aux normes québécoises.

Pics importants

Cette concentration annuelle moyenne cache d’importantes disparités : 33 des 139 mesures quotidiennes prises dans l’année dépassaient la barre de 65 ng/m⁠3, soit 24 % du total, et parfois de beaucoup, dont un pic record de 517,4 ng/m⁠3 enregistré le 5 juin 2023.

Ces données proviennent de la « station légale » d’échantillonnage de l’air de Rouyn-Noranda, qui est située aux limites du terrain de la Fonderie Horne, dans l’axe des vents dominants, là où les concentrations de contaminants dans l’air ambiant provenant de l’entreprise sont normalement les plus élevées.

Cette station a d’ailleurs été éloignée de quelques dizaines de mètres du complexe industriel dans la dernière année, après l’acquisition et la démolition de résidences par la Fonderie Horne.

Mais d’autres stations d’échantillonnage mesurent aussi les taux de contaminants ailleurs dans la ville, et elles ont toutes enregistré d’importants pics de concentration d’arsenic dans l’air à différents moments dans la dernière année.

Cadmium et plomb

Les concentrations dans l’air ambiant de cadmium et de plomb, que la Fonderie Horne est aussi tenue de limiter depuis l’entrée en vigueur de sa nouvelle autorisation ministérielle, sont également en baisse et devraient respecter les limites imposées par Québec, bien qu’elles demeurent elles aussi supérieures aux normes québécoises.

Ces concentrations annuelles moyennes cachent elles aussi d’importantes disparités quotidiennes ; un taux record de cadmium de 100,7 ng/m⁠3 a par exemple été mesuré le 19 janvier, tandis qu’un taux record de plomb de 2847,9 ng/m⁠3 a été mesuré le 5 juin.

Les concentrations annuelles de plomb dans l’air sont d’ailleurs en hausse dans le secteur de l’école primaire Notre-Dame-de-la-Protection, dans le quartier Notre-Dame, où est située la fonderie.

Elles sont passées de 118 ng/m⁠3 en 2022 à 151 ng/m3 en 2023, montrent les données de la station d’échantillonnage du Réseau de surveillance de la qualité de l’air du Québec située à l’école (données du 1er janvier au 31 décembre).

« Ça monte au lieu de descendre », s’inquiète Nicole Desgagnés, du comité ARET.

Entreprise optimiste

La Fonderie Horne dit avoir « confiance que la tendance observée jusqu’à maintenant se maintienne » et lui permette notamment de respecter la nouvelle limite imposée par Québec pour l’arsenic, a déclaré à La Presse Cindy Caouette, porte-parole de l’entreprise.

« Les résultats enregistrés depuis le début de l’année suivent la tendance à la baisse que nous avions évaluée selon nos modélisations », a-t-elle aussi indiqué, attribuant cette baisse à différentes mesures mises en place, dont l’installation de quatre nouveaux dépoussiéreurs, la construction d’un nouveau dôme d’entreposage, l’asphaltage de chemins et l’amélioration de leur nettoyage.

« Ce sont toutes des mesures qui auraient dû être faites en 2020 », après l’étude démontrant la forte teneur d’arsenic dans les ongles des enfants du quartier, tonne Nicole Desgagnés, du comité ARET.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Un joggeur court sur l’avenue Portelance, devant la Fonderie Horne.

« Ça aurait pu marcher avant, on aurait peut-être eu quatre ans de moins avec des taux [élevés d’arsenic dans l’air] », ajoute-t-elle, accusant la fonderie d’avoir tardé à agir.

La limite pour l’arsenic passera à 45 ng/m⁠3 pour les trois prochaines années, puis à 15 ng/m⁠3 en 2027, selon l’autorisation ministérielle délivrée en 2023.

« Nous sommes conscients des défis qui sont à relever [et] nous sommes confiants et engagés à poursuivre les efforts pour atteindre nos cibles », a indiqué Mme Caouette.

Les données pour l’année entière devraient être disponibles à la fin d’avril, a indiqué Mme Caouette, expliquant que ce délai est attribuable à « la collecte de l’échantillon, la transmission au laboratoire, les prélèvements pour l’envoi aux différents laboratoires pour certains paramètres, l’analyse des échantillons, la compilation des résultats [et leur] validation ».

Avis de non-conformité

Malgré l’amélioration de son bilan, la Fonderie Horne a reçu 10 avis de non-conformité pour des manquements à la Loi sur la qualité de l’environnement et à ses règlements, dans la dernière année. « Les manquements constatés en lien avec l’autorisation concernent notamment les effluents d’eaux industrielles et des émissions de poussières », ainsi que pour des travaux réalisés sans autorisation, a indiqué à La Presse Sophie Gauthier, porte-parole du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs. Le Ministère a invité La Presse à faire une demande en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels pour obtenir les avis, un processus qui prend généralement plusieurs semaines.