(Rouyn-Noranda) La Fonderie Horne avait jusqu’à maintenant une seule limite à respecter, pour l’arsenic ; elle en aura maintenant une vingtaine, a appris La Presse. L’entreprise devra aussi mettre en place une multitude de mesures de contrôle. Et faire preuve de plus de transparence.

Réduction des rejets de nombreux contaminants, surveillance et transparence accrues ; Québec serre la vis à la Fonderie Horne de Rouyn-Noranda et lui impose de se conformer d’ici quatre ans soit aux normes en vigueur, soit aux seuils jugés acceptables par l’Institut national de santé publique du Québec.

L’entreprise devra notamment réduire la concentration d’arsenic générée par ses activités à une moyenne annuelle maximale de 15 nanogrammes par mètre cube (ng/m⁠3) d’ici 2027, stipule sa nouvelle autorisation ministérielle quinquennale que Québec dévoilera ce jeudi et dont La Presse a obtenu les détails.

La limite, qui est actuellement de 100 ng/m⁠3, passera d’abord à 65 ng/m⁠3 cette année, puis à 45 ng/m⁠3 pour les années 2024 à 2026 – la concentration d’arsenic dans l’air s’est élevée à 73 ng/m⁠3 en 2022, indiquait l’entreprise la semaine dernière1.

Québec exige par ailleurs que l’entreprise appartenant à la multinationale anglo-suisse Glencore lui soumette un plan pour atteindre la norme québécoise de 3 ng/m⁠3 d’ici le 31 décembre 2027.

Nouveaux contaminants visés

La Fonderie Horne devra dorénavant respecter des limites pour une multitude d’autres contaminants, dont le cadmium et le plomb, qui sont particulièrement toxiques et qu’elle émet en grandes quantités2.

Les concentrations annuelles moyennes maximales autorisées devront diminuer progressivement pour atteindre les normes québécoises en 2027 pour ces deux contaminants, tandis que la norme pour le nickel s’appliquera dès cette année.

En plus des limites annuelles, l’entreprise se verra également imposer des limites quotidiennes à partir de 2027 pour les principaux contaminants qu’elle rejette, comme l’arsenic, le cadmium, le plomb et le nickel, ainsi que les particules fines et de dioxyde de soufre ; une limite annuelle s’ajoutera aussi pour le chrome hexavalent.

Québec dit fixer à 2027 ces nouvelles exigences pour donner le temps à la fonderie d’acquérir et d’installer les équipements nécessaires et faire les ajustements requis.

La Fonderie Horne, qui n’était soumise à aucune de ces exigences jusqu’à maintenant parce qu’elle a commencé ses activités avant leur adoption, sera à terme assujettie à des conditions d’exploitation semblables à celles d’un nouvel établissement industriel, a indiqué à La Presse un fonctionnaire ayant eu accès au dossier, mais qui n’était pas autorisé à en parler publiquement.

La nouvelle autorisation ministérielle resserre en outre les exigences ou en ajoute de nouvelles concernant les eaux usées de la fonderie, notamment à propos de leur teneur en cuivre, en cadmium, en zinc et en hydrocarbures.

Québec exige notamment des actions pour réduire la toxicité de l’« effluent final » numéro 12, par lequel l’eau provenant d’un bassin de décantation de la fonderie se jette dans le ruisseau Osisko, puis dans le lac Rouyn.

Transparence

Une plus grande transparence est aussi exigée de la Fonderie Horne, qui sera tenue de divulguer publiquement les données de ses stations d’échantillonnage de l’air, ce qu’elle refusait de faire jusqu’à maintenant, se contentant de publier une moyenne annuelle – la mesure sera effective 90 jours après la délivrance de sa nouvelle autorisation, ce jeudi.

L’entreprise devra par ailleurs augmenter la fréquence d’échantillonnage de l’air, qui sera dorénavant faite tous les deux jours, plutôt que tous les trois jours.

Des stations d’échantillonnage seront ajoutées, tant par la Fonderie Horne que par le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, de façon à avoir des données sur la qualité de l’air « à 360 degrés » autour de l’entreprise.

La gestion des intrants utilisés par la fonderie dans son procédé sera aussi bonifiée : chaque livraison sera consignée, car la relation entre la teneur en arsenic dans les intrants et la concentration en arsenic dans l’air est indéniable, estime Québec.

Une caractérisation des sols de la fonderie et un suivi annuel de la qualité des eaux souterraines du secteur seront également effectués.

Accueil mitigé

Les nouvelles exigences imposées à la Fonderie Horne reçoivent un accueil mitigé du comité de citoyens Arrêt des rejets et émissions toxiques de Rouyn-Noranda.

« Les espoirs sont dans quatre ans », quand les limites imposées seront à leur plus bas, a réagi sa porte-parole Nicole Desgagnés.

Il y a certaines choses [pour lesquelles] il me semble que ça ne se peut pas qu’ils ne puissent pas aller plus vite.

Nicole Desgagnés, porte-parole du comité de citoyens Arrêt des rejets et émissions toxiques de Rouyn-Noranda

Un certain scepticisme demeure par ailleurs quant à l’atteinte de ces nouvelles exigences : « On a tellement été échaudés qu’on a de la misère à y croire », indique Mme Desgagnés à La Presse.

Elle salue néanmoins l’augmentation de la fréquence d’échantillonnage de l’air tous les deux jours, qui permettra de combler en partie un déficit de données qui pouvait masquer certains pics importants de rejets de contaminants.

La Fonderie Horne n’a pas souhaité faire de commentaire « sur un sujet pour lequel aucune annonce officielle n’a été faite », a indiqué sa porte-parole Cindy Caouette.

La mairesse de Rouyn-Noranda, Diane Dallaire, n’a pas non plus réagi, réservant ses commentaires pour l’annonce officielle à laquelle elle prendra part, a indiqué son cabinet.

1. Lisez « Rejets de contaminants : la Fonderie Horne publie ses données » 2. Lisez « Fonderie Horne de Rouyn-Noranda : cocktail toxique »
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  • 1927
    Année du début des activités de la Fonderie Horne de Rouyn-Noranda, qui comprenait aussi une mine jusqu’en 1976
    SOURCE : FONDERIE HORNE