(Rouyn-Noranda) Le gouvernement Legault n’a pas consulté les résidants de Rouyn-Noranda qu’il veut reloger à l’écart de la Fonderie Horne. Il n’a pas d’échéancier précis et n’indique pas ce qu’il ferait en cas de refus de partir.

« En premier lieu, il fallait déterminer la zone tampon » avec la Santé publique, a justifié jeudi à Rouyn-Noranda la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest, venue annoncer le plan d’action gouvernemental pour soutenir la Ville.

Le déplacement de quelque 200 ménages vivant à proximité de la Fonderie Horne est la pièce maîtresse de ce plan de 88 millions, qui prévoit aussi des mesures pour améliorer l’image de la Ville, entachée par la polémique sur la contamination de l’air et des sols par l’entreprise.

Des lettres ont été envoyées jeudi matin aux ménages habitant dans le périmètre ciblé pour agrandir la « zone tampon » qui sépare la fonderie quasi centenaire du quartier Notre-Dame, invitant les citoyens à donner leurs coordonnées pour être contactés afin d’être sondés sur leurs besoins.

Des appels automatisés sont aussi prévus et la Ville de Rouyn-Noranda a mis sur pied des équipes affectées à l’accompagnement des personnes touchées.

« En consultation publique [en octobre dernier], ils n’ont jamais parlé de ça », a déploré Isabelle Fortin-Rondeau, de l’association Mères au front, qui manifestait avec une soixantaine de personnes devant le Centre de congrès, où se tenait la conférence de presse du gouvernement.

« Plutôt qu’exiger que la compagnie fasse mieux et plus vite, on tasse le monde ! », s’est aussi indigné dans un communiqué le comité de citoyens Arrêt des rejets et émissions toxiques de Rouyn-Noranda (ARET).

Pas de nouveau quartier

La Ville entend reloger les ménages concernés dans différents quartiers existants, où des terrains sont libres pour y construire des résidences ; aucun nouveau quartier ne sera donc créé, contrairement à ce que Québec avait laissé entendre.

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Une soixantaine de manifestants attendaient les ministres Benoit Charette et Andrée Laforest devant le Centre des congrès de Rouyn-Noranda.

Cette décision a été prise parce que Rouyn-Noranda ne dispose pas de l’espace qu’un tel aménagement nécessiterait, mais aussi pour assurer des services de proximité et du transport collectif aux résidants déplacés, indique la mairesse Diane Dallaire.

La Fonderie Horne paiera l’acquisition et la démolition des résidences et commerces concernés, ce qui pourrait coûter jusqu’à 30 millions de dollars, tandis que le gouvernement financera les coûts de réaménagement, notamment par la construction de logements sociaux.

De l’aide financière sera également offerte aussi longtemps que nécessaire pour aider les ménages qui ne retrouveraient pas un logement au même prix, par l’entremise du programme de supplément au loyer, assure la ministre Andrée Laforest.

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Andrée Laforest, ministre des Affaires municipales et de l’Habitation du Québec

« Personne ne sera à la rue », a-t-elle assuré, justifiant par ailleurs l’utilisation de fonds publics pour cette vaste opération afin d’assurer la santé de la population.

Le gouvernement affirme que personne ne sera forcé de partir, mais ne précise pas ce qu’il fera en cas de refus, se bornant à dire qu’il ne doute pas de « trouver des solutions ».

Autorisation « très ambitieuse », dit Glencore

Québec a aussi officiellement dévoilé jeudi la nouvelle autorisation ministérielle qui détermine les conditions d’exploitation de la Fonderie Horne pour les cinq prochaines années, dont les détails avaient été publiés le matin même par La Presse1.

L’entreprise appartenant à la multinationale anglo-suisse Glencore devra notamment réduire progressivement la concentration d’arsenic dans l’air qu’elle génère jusqu’à 15 nanogrammes par mètre cube (ng/m⁠3) en 2027, ce qui est cinq fois plus que la norme québécoise de 3 ng/m⁠3, mais six fois moins que sa limite précédente de 100 ng/m⁠3.

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Benoit Charette, ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs du Québec

Cette exigence est trop modeste et arrive trop tard, aux yeux des manifestants, qui ont accueilli en scandant « Quinze nanos, c’est beaucoup trop » et autres slogans le ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, Benoit Charette.

« L’autorisation accordée est semblable au plan jugé inacceptable par la population » lors de la consultation publique menée en octobre par Québec2, a en outre souligné le comité ARET.

Le ministre Benoit Charette répond que Québec a exigé le maximum possible.

« On est arrivés à la conclusion que ce n’était tout simplement pas possible d’y aller plus rapidement », a-t-il indiqué, vantant le « travail de moine » accompli par les fonctionnaires de son ministère pour étudier toutes les possibilités.

Les nouvelles conditions imposées à la fonderie ont d’ailleurs été accueillies « favorablement » par les autorités de santé publique nationale et régionale.

Si la Santé publique avait dit que ce sont des délais qui sont déraisonnables, que ça compromet la santé, naturellement, on serait arrivés à des obligations différentes.

Benoit Charette, ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs du Québec

La Fonderie Horne affirme qu’une équipe de plus d’une centaine de personnes s’active déjà afin de respecter les nouvelles cibles que lui impose Québec.

« C’est une autorisation qui est très ambitieuse, mais on l’accueille de façon favorable », a déclaré la directrice de l’environnement pour les opérations cuivre pour l’Amérique du Nord et les Philippines de Glencore, Marie-Élise Viger, dans un point de presse tenu dans le stationnement de l’entreprise.

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La directrice de l’environnement pour les opérations cuivre pour l’Amérique du Nord et les Philippines de Glencore, Marie-Élise Viger

« On va mettre tous les efforts, les gens sont mobilisés et on veut atteindre les objectifs », a-t-elle ajouté, expliquant que l’entreprise allait mettre en œuvre en cinq ans un plan initialement prévu sur huit ans.

« Techniquement, on ne peut pas le compresser plus que ça, a assuré Mme Viger. C’est une nouvelle technologie qu’on a développée et ce n’est pas quelque chose qu’on peut acheter au Canadian Tire. »

Le « plan d’action gouvernemental pour soutenir Rouyn-Noranda » en bref

  • 58 millions pour le relogement de quelque 200 ménages du quartier Notre-Dame, voisin de la Fonderie Horne – l’entreprise consacrera pour sa part jusqu’à 30 millions à l’acquisition et la démolition des résidences
  • 16,1 millions pour une « stratégie de mobilisation et d’attractivité de la Ville de Rouyn-Noranda », la « mise en valeur de terrains industriels contaminés » et « la mise en valeur du lac Osisko », au cœur de la ville.
  • 10 millions pour la création d’un observatoire de recherche en collaboration avec l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, pour approfondir les connaissances des impacts sur la santé et l’environnement des divers contaminants émis par la Fonderie Horne
  • Mise sur pied d’un « comité de vigie indépendant » composé notamment d’experts, de citoyens et d’organismes publics et sociaux pour permettre « un suivi rigoureux, transparent et indépendant » des travaux d’amélioration de la Fonderie Horne et du respect de ses obligations

Source : ministère des Affaires municipales et de l’Habitation du Québec

En savoir plus
  • 210 000
    Tonnes de cuivre et de métaux précieux produits annuellement par la Fonderie Horne de Rouyn-Noranda
    Source : Fonderie Horne
    650
    Nombre de personnes travaillant à la Fonderie Horne de Rouyn-Noranda
    Source : Fonderie Horne