(Québec) Environ 200 ménages de Rouyn-Noranda seront relocalisés avec la création d’une « zone tampon » aux abords de la Fonderie Horne, dans le secteur le plus exposé aux émissions d’arsenic et d’autres polluants dans l’air. Le gouvernement Legault allongera autour de 85 millions de dollars pour notamment construire un nouveau quartier et appuyer la Ville dans sa diversification économique.

Selon le plan d’action que le gouvernement Legault présentera jeudi et dont La Presse a obtenu les grandes lignes, la multinationale Glencore paiera pour l’acquisition et la démolition des 80 immeubles situés dans le nord du quartier Notre-Dame, voisin de la fonderie, là où sera délimitée la zone tampon. L’entreprise assumera les coûts du verdissement de cette zone.

Québec dévoilera également jeudi la nouvelle autorisation ministérielle de la Fonderie Horne. S’il resserre certaines obligations, il maintient une position qui a fait l’objet des plus vifs débats : il exigera que la fonderie atteigne, d’ici cinq ans, une moyenne annuelle de 15 nanogrammes d’arsenic par mètre cube d’air, ce qui est cinq fois plus élevé que la norme québécoise. Élément nouveau, il obligera tout de même Glencore à lui présenter un plan en vue d’atteindre éventuellement cette norme de trois nanogrammes.

Les ministres Benoit Charette (Environnement) et Andrée Laforest (Affaires municipales) se rendront à Rouyn-Noranda pour donner les détails de l’autorisation ministérielle et du plan d’action du gouvernement.

Après bien des discussions avec la Ville et Glencore, Québec va de l’avant avec la création d’une « zone tampon » afin de protéger la santé de la population. Il s’agit de l’élargissement de la « zone de transition » qui a été créée dans le passé ; Glencore a fait l’acquisition de quelques maisons et les a démolies dans le cadre d’un programme volontaire.

Québec vise à ce que la relocalisation des 200 ménages habitant dans la nouvelle zone tampon se fasse de gré à gré, au terme de discussions. Personne ne sera forcé de quitter sa demeure avant d’avoir trouvé un nouveau toit. L’opération s’échelonnera sur deux à trois ans.

Les 80 immeubles concernés seront achetés et rasés par l’entreprise. La valeur foncière de ces propriétés et des terrains s’élevait à 20 millions de dollars en 2021.

Dans son plan d’action, Québec prévoit une aide pour relocaliser les ménages et construire un nouveau quartier. La Ville a déjà déterminé des sites potentiels. Les locataires d’appartements situés dans la zone tampon auront droit à un accompagnement ; le versement d’une compensation est évoqué en coulisses.

La zone tampon débattue depuis 2019

La création d’une zone tampon fait débat depuis un bon moment à Rouyn-Noranda. En 2019, la Direction de santé publique de l’Abitibi-Témiscamingue recommandait l’établissement d’une telle zone parmi « des solutions [qui] pourraient être jumelées aux efforts de Glencore » pour réduire ses émissions de polluants. Elle est revenue à la charge avec cette proposition dans un avis rendu public l’an dernier.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

En août dernier, le gouvernement a exigé que la fonderie atteigne, d’ici cinq ans, une moyenne annuelle de 15 ng/m3 d’arsenic, ce qui est cinq fois plus élevé que la norme québécoise. Les résidants du quartier Notre-Dame ont rejeté cette proposition à hauteur de 70 %.

De son côté, Glencore évoquait en 2019 la possibilité d’une zone tampon dans un « plan d’action pour la réduction des émissions atmosphériques ». Elle était toutefois réfractaire à cette option l’an dernier, mais elle n’avait pas fermé la porte à double tour.

La Ville s’était montrée ouverte à une zone tampon. Dans son mémoire déposé lors de consultations publiques du ministère de l’Environnement l’an dernier, elle soulignait toutefois que « le manque d’information entourant une possible zone tampon ainsi que les différentes mesures recommandées par la Santé publique pour limiter l’exposition des individus créent un milieu de vie particulièrement anxiogène ».

Lors de son passage à Rouyn-Noranda en campagne électorale, le premier ministre François Legault avait évoqué des discussions avec Glencore autour de la création d’une zone tampon. Il avait alors rencontré les membres du conseil municipal. La Ville avait demandé par la suite au gouvernement un plan d’action pour l’aider dans sa relance.

Le gouvernement Legault débloque environ 85 millions en cinq ans pour aménager un nouveau quartier, revaloriser des terrains contaminés, diversifier l’économie et augmenter l’attractivité de la région.

Québec mettra également sur pied un comité de vigie indépendant pour s’assurer que la Fonderie Horne respecte les exigences de sa nouvelle autorisation ministérielle.

Resserrer les exigences en matière d’émissions

En raison d’une controverse sur les émissions de polluants par la fonderie et les risques sur la santé de la population qui y sont associés, le gouvernement Legault s’était engagé à relever les exigences imposées à l’entreprise en vertu de l’autorisation précédente. Jusqu’ici, la limite imposée à la fonderie s’élevait à 100 nanogrammes d’arsenic par mètre cube d’air.

Il a proposé en août dernier d’exiger que la fonderie atteigne d’ici cinq ans une moyenne annuelle de 15 nanogrammes d’arsenic par mètre cube d’air, ce qui est cinq fois plus élevé que la norme québécoise (3 ng/m3).

La Santé publique a soutenu que ce seuil est acceptable comme « étape intermédiaire, en chemin vers l’atteinte de la norme » de 3 nanogrammes.

Le gouvernement a plaidé – tout comme Glencore – qu’il est techniquement impossible pour la fonderie d’atteindre la norme québécoise d’émissions d’arsenic pour le moment.

Or, une majorité de citoyens de Rouyn-Noranda (58 %) ont rejeté la proposition d’un plafond de 15 nanogrammes (70 % dans le quartier Notre-Dame), selon les résultats de la consultation publique du gouvernement dévoilés en décembre. Et 63 % se sont dits en désaccord avec l’idée d’accorder à l’entreprise un délai de cinq ans pour abaisser ses émissions sous ce plafond (76 % dans le quartier Notre-Dame).

Benoit Charette a déclaré fin janvier que les exigences imposées à Glencore dans la nouvelle autorisation seront « renforcées » par rapport à la proposition faite l’an dernier grâce à une analyse indépendante sur la capacité de l’entreprise à réduire ses émissions de contaminants. Il annoncera le resserrement de certaines obligations tout en maintenant le nouveau plafond d’émissions d’arsenic à 15 nanogrammes d’ici cinq ans.