Derrière les portes des laboratoires du campus MIL de l’Université de Montréal, des chercheurs relèvent un défi écologique. Celui de recycler fioles, flacons, pipettes et embouts, bouchons et contenants en plastique ayant servi à mener des expériences en chimie.

En apparence, le défi est simple. Mais c’est tout le contraire. Il est très complexe de donner une seconde vie à ce plastique, explique le professeur titulaire Kevin James Wilkinson, en ouvrant la porte qui donne sur ses laboratoires. Des locaux où il enseigne la biophysicochimie des systèmes biologiques et environnementaux.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Un bac de recyclage du campus MIL presque rempli de contenants utilisés en laboratoire.

« Au départ, quand j’ai soumis l’idée à la direction de l’université, on a pensé à recycler avec les services de la Ville de Montréal, mais on a vite frappé un mur. Leurs centres de tri ne prennent pas nos matières, même rincées. Elles auraient été détournées vers l’enfouissement. En fouillant plus loin, j’ai été mis sur la piste d’une firme aidant les établissements de santé à implanter des pratiques environnementales. »

En 2021, l’entreprise SSE (Synergie Santé Environnement) a procédé à l’échantillonnage, au rinçage et au triage du plastique souillé, pour constater qu’il était constitué de matières rigides de numéros 2 et 5, soit du polyéthylène et du polypropylène. Ce sont les plastiques utilisés dans la fabrication des bouteilles de lait et du mobilier de jardin, entre autres.

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Houssane Eddine, agent de sensibilisation, et Kevin James Wilkinson, professeur de chimie à l’origine du projet de recyclage, dans un laboratoire de l’Université de Montréal

Une soixantaine de laboratoires de l’Université de Montréal ont ensuite accepté de participer au projet-pilote. Des bacs de recyclage et des affiches avec la procédure à suivre y ont été installés. Afin de convaincre les étudiants d’adhérer au projet, l’agent de sensibilisation Houssane Eddine procède encore aujourd’hui à une tournée régulière des labos.

Transformés en billes de plastique à Farnham

Marc Legault est propriétaire de l’entreprise de recyclage de plastique CED-LO, dont les installations sont situées à Farnham, en Estrie. Le passionné de recyclage et de transformation de plastique a accepté le mandat de l’Université de Montréal, malgré le défi de trouver des preneurs pour les fioles et pipettes transformées en billes de plastique.

PHOTO FOURNIE PAR CED-LO

Dany Parent, directeur des opérations de CED-LO, à côté de l’une des machines de la chaîne de production transformant les fioles, les pipettes et autres objets de plastique utilisés en laboratoire en billes.

Les billes de plastique servent notamment à concevoir les gros bacs de vêtements ou d’autres articles dans les magasins à grande surface.

Marc Legault, propriétaire de l’entreprise de recyclage de plastique CED-LO

À l’heure actuelle, son usine transforme environ 30 000 kg de matériel en plastique provenant des laboratoires du campus MIL. Il a aussi décroché des contrats avec trois hôpitaux, de Longueuil, Saint-Hyacinthe et Sorel. Des pourparlers sont en cours avec le Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), dit-il. L’entrepreneur transforme des contenants de pilules, de savon, et de la matière provenant des sarraus d’hôpital.

« La matière récupérée dans les laboratoires ne représente environ que 2 % de la quantité de plastique que je transforme par année. Ça ne rapporte pas financièrement. Je le fais pour la cause. C’est en quelque sorte ma bonne œuvre écologique », ajoute M. Legault.

L’Université paie le transport du plastique

En raison des coûts, l’Université de Montréal assure pour l’instant le transport des matières à recycler vers l’usine de granulation de Farnham. Luc Surprenant, conseiller en développement durable à l’Université de Montréal et responsable du projet au campus MIL, affirme qu’au moins deux gros sacs sont remplis chaque semaine. Pour le moment, la collecte des bacs est assurée par le service d’entretien des immeubles.

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Au campus MIL, des sacs de plastique sont prêts à être acheminés au recyclage chaque semaine.

Maintenant que le projet-pilote est terminé, on aimerait que la récupération s’étende à d’autres laboratoires. À l’Université de Montréal, on compte au moins un millier de portes de laboratoires. Ça vous donne une idée de la portée possible du projet.

Luc Surprenant, conseiller en développement durable à l’Université de Montréal et responsable du projet au campus MIL

Le professeur de chimie à l’origine de l’idée, M. Wilkinson, espère que le recyclage en laboratoire s’étendra à d’autres universités, notamment à McGill et à l’UQAM. Et pourquoi pas dans des laboratoires privés ?

Son prochain défi consiste à trouver des usines prêtes à récupérer et à recycler les gants en nitrile protégeant des produits chimiques. La quantité de gants jetés aux poubelles est difficilement quantifiable tellement elle est énorme, tant dans les laboratoires que dans les hôpitaux et les cliniques.

Marc Legault, dirigeant de CED-LO, ajoute que le coût de tout le processus de recyclage demeure le principal problème.

« Encore aujourd’hui, ça revient moins cher pour les fabricants d’acheter des feuilles de plastique neuves, fabriquées aux États-Unis, plutôt que des billes provenant du recyclage. Par exemple, il serait possible de transformer le plastique des poches médicales et des solutés. On en aurait des millions de kilos. Mais personne n’en veut. »

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  • 2,4 millions de kilos de plastique
    L’usine CED-LO de la rue Collins, à Farnham, produit 200 000 kg de flocons de plastique par mois (2,4 millions de kilogrammes par an), utilisés pour fabriquer des jouets, des tuyaux, des chaudières, des bacs roulants, etc. L’entreprise emploie 25  personnes.
    Source : CED-LO