Aux Pays-Bas, l’un des aéroports les plus achalandés du monde a décidé de tenir tête au puissant secteur de l’aéronautique en mettant de l’avant des mesures visant à diminuer la pollution sonore.

Le gouvernement néerlandais a adopté un plan pour diminuer de près de 10 % le nombre de décollages et d’atterrissages. Concrètement, le nombre maximum de vols par an à l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol pourrait passer de 500 000 à 452 500 à partir de novembre 2024, a précisé l’exécutif du gouvernement qui a dû défendre sa décision jusqu’en Cour d’appel face à la grogne du secteur aéronautique.

Dans plusieurs quartiers densément peuplés de l’île de Montréal, le bruit provenant du ciel est abrutissant. « Particulièrement la nuit », déplore Pierre Lachapelle, un résidant d’Ahuntsic qui milite depuis 10 ans au sein du regroupement « Les pollués de Montréal-Trudeau. »

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Pierre Lachapelle, du regroupement Les pollués de Montréal-Trudeau

Le ciel est devenu une véritable passoire, c’est un bar ouvert, avec des avions qui vont dans tous les sens.

Pierre Lachapelle, résidant d’Ahuntsic

Lui et son équipe de citoyens réclament l’application d’un couvre-feu complet la nuit, à partir de 23 h jusqu’à 7 h le matin. Ils ont installé des stations pour mesurer la pollution sonore avant d’obtenir finalement, en 2018, une autorisation d’action collective. Aujourd’hui, ils documentent ce bruit en se gardant le droit d’aller devant les tribunaux.

Tony Leroux, professeur titulaire à la faculté de médecine de l’Université de Montréal, consacre ses travaux de recherche aux effets du bruit sur l’audition et la santé. Il estime qu’il serait temps que le Canada envisage des pénalités pour les vols non urgents en dehors des heures normales.

« Il y a un bruit qui rend sourd, et il y a un bruit qui a un effet sur la santé. On parle de 80 décibels et plus sur une longue période, pour un effet sur l’audition. Mais quand on parle d’un bruit environnemental, par exemple pour réveiller quelqu’un au beau milieu de la nuit, dans sa chambre, on parle de 30 à 35 décibels. Les avions sont des sources intermittentes de bruit, provoquant des éveils soudains. C’est reconnu qu’ils ont un impact sur la qualité du sommeil, sur la santé cardiovasculaire, sur la régulation des hormones du stress. »

À l’aéroport Montréal-Trudeau (YUL), le trafic aérien a repris de plus belle depuis la fin du confinement, avec une prévision de près de 20 millions de passagers en 2023.

À la direction d’Aéroports de Montréal (ADM), le porte-parole Éric Forest indique qu’il existe des mesures d’atténuation du bruit. Et qu’il y a « un plan pour mettre en place plusieurs mesures afin de poursuivre la réduction des impacts sonores auprès des communautés riveraines ».

À l’heure actuelle, les gros jets de plus de 45 000 kilogrammes (un Airbus 319 pèse 35 400 kg) doivent voler durant les heures normales, de 7 h à minuit, pour les décollages, et de 7 h à 1 h pour les atterrissages. Toutefois, l’ADM se garde le pouvoir d’accorder des exemptions pour des urgences médicales, des retards ou de mauvaises conditions météorologiques.

Aéroport Montréal Saint-Hubert

Sur la Rive-Sud, les citoyens sont nombreux à être dérangés par le bruit provenant de l’aéroport Montréal Saint-Hubert (YHU). Le « Comité anti-pollution des avions Longueuil » veut limiter l’impact de l’expansion des activités aéronautiques. Jadis une petite école de pilotage, l’aéroport est devenu une plaque tournante du transport vers le nord du Québec.

Au printemps 2022, des consultations publiques ont eu lieu avec l’appui du député bloquiste Denis Trudel. Selon lui, les citoyens ne veulent rien savoir d’un aéroport international, avec des destinations soleil.

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Les citoyens de la Rive-Sud ne veulent d’un aéroport international, selon le député bloquiste Denis Trudel.

« Ce n’est pas normal qu’un aéroport ne compense pas son empreinte carbone, affirme le député joint par téléphone. En même temps, ça n’a pas d’allure de payer 2000 $ pour un vol vers l’Abitibi. Maintenant, il me semble qu’on peut offrir des vols de façon écoresponsable. Et en ce sens, l’aéroport a accepté d’installer des stations de bruit pour qu’on mesure en temps réel ce qui vole au-dessus de nos têtes. Je milite entre autres pour qu’on déménage les écoles de pilotage. »

Membre du Comité anti-pollution des avions Longueuil, Marie-Pierre Brunelle demeure réaliste.

« La demande des grands acteurs économiques est forte. Montréal-Trudeau (YUL) roule à plein régime. On a approché les élus pour leur parler des vols de nuit. Mais le lobby de l’aéronautique est fort au Québec. Le nerf de la guerre, c’est l’argent. Et, à ce jour, ça n’existe pas, un avion commercial silencieux. »

Exposition au bruit

L’Agence européenne pour l’environnement (AEE) estime que l’exposition à long terme au bruit dans l’environnement provoque 12 000 décès prématurés et contribue à l’apparition de 48 000 nouveaux cas de maladies cardiaques ischémiques chaque année en Europe. Ces bruits comprennent ceux provenant de l’aviation, également des axes routiers, des chemins de fer et de l’industrie.

Source : AEE

Amsterdam-Schiphol

Au regard des destinations et correspondances, l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol est le deuxième aéroport mondial et est également au troisième rang des aéroports les plus fréquentés à l’échelle mondiale.

Source : Forum Économique Mondial (FEM)

En savoir plus
  • 1 tonne
    Un vol aller entre Montréal et Paris pour une personne représente à lui seul environ une tonne d’équivalent CO2.
    Source : Centre international de référence sur l’analyse du cycle de vie et la transition durable (CIRAIG)