La société québécoise est plus polluante qu’on pense. Voilà ce que révèle l’estimation de l’empreinte carbone publiée lundi par l’Institut de la statistique du Québec (ISQ).

Plus de GES

En 2018, les Québécois ont émis 11,3 tonnes de gaz à effet de serre (GES) par habitant, selon l’estimation de l’ISQ. Il s’agit d’une empreinte carbone plus élevée que celle révélée dans le bilan annuel du gouvernement du Québec, qui indiquait plutôt 9,6 tonnes de GES. La différence s’explique en partie par la prise en compte des émissions qui sont générées par la production qui se trouve à l’extérieur du pays. L’estimation de l’ISQ mène le total de l’empreinte carbone à 95 millions de tonnes de CO2 pour l’ensemble de la société québécoise.

Consommation

La particularité de la méthode de l’ISQ est qu’elle mesure les émissions de GES selon la consommation, et non selon la production, informe Charles Séguin, professeur au département des sciences économiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Si les entreprises ne semblent pas responsables des émissions de GES, c’est parce que l’ISQ s’intéresse à celles émises où le bien est consommé. Selon Annie Chaloux, professeure de politique appliquée à l’Université de Sherbrooke, cette manière de calculer l’empreinte carbone permet de rendre compte plus justement des sources des émissions puisque « le problème des changements climatiques est un problème de consommation ».

Produits importés

La fabrication de produits, qui est située en bonne partie à l’extérieur du pays, est celle qui engendre le plus de GES pour l’ISQ. La Chine représente le quart des importations québécoises en termes d’émissions, suivie de très près des États-Unis. Ces derniers sont pourtant un partenaire commercial bien plus important, souligne Charles Séguin, professeur au département des sciences économiques de l’UQAM. Les normes environnementales du pays ont alors un rôle à jouer sur le poids final des GES dans la balance.

Vision individuelle

PHOTO JENS MEYER, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le principal secteur d’émissions au Québec est celui du transport.

Le principal secteur d’émissions au Québec est celui du transport. Pour Annie Chaloux, professeure de politique appliquée à l’Université de Sherbrooke, ce n’est donc pas étonnant que la part des ménages québécois soit élevée dans l’estimation de l’ISQ, soit 72 % de l’empreinte totale de la société québécoise. « Ça met la loupe sur le ménage québécois, mais ça ne veut pas dire que ça met la responsabilité d’agir sur le citoyen », souligne la professeure. Le citoyen prend ses décisions de déplacement et de consommation selon ce qui est accessible, précise-t-elle.

Politiques publiques

Le premier ministre François Legault ne brosse pas un portrait adéquat de l’empreinte carbone du Québec lorsqu’il affirme que les émissions de GES du Québec sont négligeables, soutient Annie Chaloux, professeure de politique appliquée à l’Université de Sherbrooke. L’estimation de l’ISQ corrigerait le tir en présentant également la part d’émissions provenant de produits d’exportation. « Le gouvernement Legault devra se retrousser les manches », affirme-t-elle. Andréanne Brazeau, analyste des politiques climatiques et porte-parole chez Équiterre, juge également qu’il faut lire cette estimation comme dotant « d’outils pour faire de meilleures politiques publiques ».

Difficulté d’agir

Pour Charles Séguin, professeur au département des sciences économiques de l’UQAM, il sera difficile pour le gouvernement d’agir selon les données de l’ISQ. À l’international, la prise de décision se fait plutôt selon les émissions générées sur un territoire donné. Il serait donc plus facile pour un pays, ou pour une province comme le Québec, de contrôler les émissions qui sont produites sur son territoire que celles qui découlent des importations. Le professeur de sciences économiques juge que la mesure permet plutôt une « conscientisation individuelle » qu’une incitation à agir pour le gouvernement.