Comment ils sont passés de la parole aux actes.

Une idée qui paraît saugrenue au départ, mais qui pourrait connaître un franc succès tellement son concept est presque banal. Louer des piles rechargeables et offrir le service de recharge, telle est la mission d’Aisen, une jeune pousse fondée par Robert Eisenbruk en 2018.

En 2020, il s’est vendu quelque 300 millions de piles AA à usage unique au Canada. Or, selon diverses études, ces piles sont beaucoup plus dommageables pour l’environnement que les piles rechargeables Ni-MH.

Mécanicien industriel de formation, Robert Eisenbruk était loin de se douter qu’il se lancerait un jour en affaires en proposant de louer des piles rechargeables aux entreprises. L’idée lui est venue après avoir constaté l’impressionnante quantité de piles AA à usage unique utilisée par son ancien employeur, une importante entreprise du secteur des pâtes et papiers.

En parallèle, il met aussi au point un chargeur pour piles plus simple d’utilisation que les chargeurs traditionnels. Mais dans ce cas-ci, l’affaire est plus compliquée : un tel projet requiert des investissements importants.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Robert Eisenbruk, fondateur d’Aisen

Il se lance d’abord dans ce qu’il appelle un service clé en main de gestion de parc de piles pour les entreprises. En 2018, il fonde officiellement Aisen, dont il s’occupera à temps partiel pendant quelques années. Il décroche quelques contrats, notamment pour le réseau TVA et la Société Radio-Canada. Ces deux médias utilisent une importante quantité de piles AA pour faire fonctionner divers appareils, dont les enregistreurs et les micros. Dans les deux cas, il réussit à les convaincre des avantages de confier à son entreprise l’entière responsabilité de la gestion d’un parc de piles rechargeables.

« Je rencontre le client et on évalue la quantité de piles qu’il utilise annuellement. En fonction de leur utilisation, on établit une période de livraison », explique Robert Eisenbruk. Le client est assuré de toujours pouvoir compter sur des piles chargées et n’a pas à se préoccuper de gérer des chargeurs, encore moins de la gestion des piles.

Rechargeables 150 fois

Aisen livre les piles rechargées et récupère celles qui doivent être rechargées. En trois ans, Robert Eisenbruk estime avoir livré 4000 piles rechargées à ses clients, soit l’équivalent de 57 000 à usage unique.

Un bilan qui n’est pas à négliger, précise le fondateur d’Aisen. M. Eisenbruk cite entre autres une étude californienne qui estime que la production de 1 kg de piles à usage unique émet 9 kg de CO2 dans l’atmosphère.

Une autre étude, réalisée en France en 2007 pour l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), a calculé que les piles rechargeables utilisent notamment 23 fois moins de ressources fossiles et minérales que les modèles à usage unique.

L’entreprise ne fabrique évidemment pas ses piles, celles-ci sont commandées d’un fournisseur chinois, s’excuse presque Robert Eisenbruk. Les piles d’Aisen peuvent être rechargées jusqu’à 150 fois. Elles sont livrées en paquet de quatre unités aux clients.

Une vingtaine de chargeurs servent à recharger les piles qu’il récupère chez ses clients, à une fréquence déterminée à l’avance. Pour certains, il passe une fois par mois alors que pour d’autres, ses visites sont hebdomadaires. Pour chaque client, il s’assure que celui-ci aura suffisamment de piles rechargées entre deux visites.

Pour l’instant, Robert Eisenbruk ne loue que des piles AA, bien que des clients lui demandent des piles AAA et même des 9 volts. Il envisage d’offrir la location de piles AAA rechargeables, mais le gros de la demande, c’est pour les piles AA, rappelle-t-il. « Entre 60 et 70 % des piles utilisées, ce sont des AA. »

Depuis un an, Robert Eisenbruk travaille à temps plein pour Aisen. Il devait choisir entre consacrer plus de temps à son entreprise, et faire le saut dans le vide, ou laisser tomber son projet et continuer à travailler comme mécanicien industriel.

S’il ne regrette pas son choix, il admet avoir eu des périodes de doute. « Ça a vraiment décollé depuis 12 mois », dit-il. Il a pu notamment consacrer plus de temps au démarchage, afin de trouver de nouveaux clients. Il reconnaît aussi avoir eu un peu de chance dans ses démarches.

« Après une entrevue à l’émission de Catherine Perrin à Radio-Canada [Feu vert], j’ai reçu un appel d’un gros client qui voulait me rencontrer », souligne-t-il. Le contrat a été signé, mais n’a pas encore été officialisé, précise-t-il. « Nous sommes en phase finale avec la Ville de Montréal », ajoute-t-il.

Aisen recevra aussi une bourse de 135 000 $ de Recyc-Québec dans le cadre d’un appel de propositions visant la réduction de plastiques et de produits à usage unique.

Parmi ses projets, il travaille actuellement avec un consultant en environnement pour être capable de fournir des données à ses clients, afin qu’ils puissent les utiliser pour leurs rapports ESG, de plus en plus courants chez les entreprises qui se soucient de l’environnement. Un tel rapport fourni par Aisen mettrait de l’avant les nombreux avantages environnementaux pour les clients d’utiliser des piles rechargeables plutôt que des modèles à usage unique.

Mais si les choses vont plutôt bien, il admet manquer de temps pour tout faire. « Je suis à la recherche de partenaires, dit-il. Des gens avec des idées différentes pour faire avancer l’entreprise. » Plus de clients, cela signifie aussi plus de piles à recharger et à livrer. « Je suis juste un gars qui a eu une idée », lance Robert Eisenbruk.

Consultez le site d’Aisen