Des changements systémiques à l’échelle mondiale sont nécessaires afin de respecter les principales limites planétaires favorables à la survie de l’espèce humaine. C’est le plaidoyer d’une quarantaine de scientifiques qui signent une étude parue mercredi dans la revue Nature.

Assurer la stabilité du système terrestre

Sept limites ont déjà été dépassées, en raison « des systèmes sociaux et économiques fondés sur l’extraction et la consommation de ressources non durables ». L’étude intitulée Des frontières sûres et justes pour le système terrestre (Safe and Just Earth System Boundaries) détermine huit limites planétaires qui permettent d’assurer « la stabilité et la résilience du système terrestre ». Une quarantaine de scientifiques affirment que des « transformations systémiques dans les secteurs de l’énergie, de l’alimentation et de l’urbanisme » sont requises afin de rétablir l’équilibre du système terrestre.

Des limites affectées par les activités humaines

Le climat, des écosystèmes intacts, des écosystèmes fonctionnels dans les zones d’activités humaines, l’eau potable de surface, les sources d’eau souterraines, les niveaux d’azote et de phosphore dans l’environnement ainsi que les polluants atmosphériques sont les huit limites déterminées par les chercheurs. Ces limites couvrent les principales composantes du système terrestre et ses processus interdépendants, dont les cycles du carbone, de l’eau et des nutriments. Elles sont menacées par les activités humaines et pourraient affecter l’avenir du système terrestre. Sept limites ont déjà été excédées. Bien que les polluants atmosphériques dépassent la norme établie dans certaines régions du monde, cette limite est la seule qui n’a pas encore été franchie à l’échelle planétaire.

La limite climatique déjà dépassée

Selon l’étude, la limite climatique a déjà été dépassée. Les scientifiques ont déterminé qu’un réchauffement de 1 ℃ par rapport à l’ère préindustrielle représentait le seuil jugé « sécuritaire et équitable » à l’échelle planétaire. Or, la planète s’est déjà réchauffée de 1,2 ℃ et les experts estiment que la cible de 1,5 ℃ sera pratiquement impossible à respecter, à moins de réductions draconiennes des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030. Dans certaines régions du monde, un réchauffement de 1,2 ℃ entraîne déjà des conséquences dramatiques.

« Une base scientifique solide »

Cette étude a été dirigée par Johan Rockström, directeur de l’Institut de recherche Potsdam sur les effets du changement climatique, Joyeeta Gupta, professeur à l’Université d’Amsterdam, et Dahe Qin, directeur du comité académique de l’Académie chinoise des sciences. « Nous sommes dans l’Anthropocène, ce qui met en péril la stabilité et la résilience de la planète entière. Pour la première fois, nous présentons des chiffres quantifiables et une base scientifique solide pour évaluer l’état de santé de notre planète, non seulement en termes de stabilité et de résilience du système terrestre, mais aussi en termes de bien-être humain et d’équité et de justice », a déclaré Johan Rockström.

Biodiversité, eau potable et nutriments

En matière de biodiversité, l’étude fixe deux limites essentielles : maintenir au moins de 50 à 60 % d’écosystèmes intacts sur la planète et un minimum de 20 à 25 % d’écosystèmes fonctionnels pour chaque kilomètre carré dans les zones habitées. Ce dernier seuil permet notamment de maintenir des services écosystémiques essentiels pour les humains. En raison de l’agriculture intensive, les niveaux de phosphore et d’azote dans l’environnement dépassent les seuils recommandés par les scientifiques. Les eaux de surface et les eaux souterraines constituent deux autres limites importantes, qui ont malheureusement été dépassées.

De dangereux points de bascule

En 2022, une étude parue dans la revue Science concluait que la planète s’approchait de cinq points de bascule sur le front climatique. « Nos résultats sont assez préoccupants, signale Johan Rockström. Dans les cinq domaines analysés, plusieurs frontières, à l’échelle mondiale et locale, sont déjà transgressées. Cela signifie qu’à moins d’une transformation rapide, il est très probable que des points de bascule irréversibles et des impacts étendus sur le bien-être humain soient inévitables. »

En savoir plus
  • 20 %
    Selon l’étude de Nature, il ne faut pas bloquer plus de 20 % du débit des rivières d’un bassin versant, sinon cela entraîne une baisse de la qualité de l’eau et une perte d’habitats pour les espèces d’eau douce. Cette limite a été franchie sur 30 % de la surface du globe.
    Source : Des frontières sûres et justes pour le système terrestre
    47 %
    Les nappes phréatiques ne doivent pas se vider plus rapidement qu’elles ne se remplissent, mais 47 % des bassins dans le monde s’épuisent à un rythme alarmant, constate l’étude de Nature.
    Source : Des frontières sûres et justes pour le système terrestre