De nouvelles données fédérales suggèrent que les émissions de gaz à effet de serre (GES) des sables bitumineux de l’Alberta pourraient être considérablement sous-estimées, ce qui s’ajoute à un nombre croissant d’études qui indiquent que notre compréhension de ce qui se passe dans l’atmosphère est incomplète.

Dans un article publié la semaine dernière dans une importante revue scientifique américaine, les chercheurs d’Environnement et Changement climatique Canada ont utilisé de nouvelles façons de mesurer les émissions des sables bitumineux qui ont donné des chiffres au moins 65 % plus élevés que ceux rapportés par l’industrie.

« Nous avons constaté que [les émissions] sont plus élevées que les estimations de CO2 qui sont déclarées dans le programme de déclaration des gaz à effet de serre », a déclaré l’autrice principale de l’étude, Sumi Wren, d’Environnement Canada.

L’article, publié dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences, décrit comment les chercheurs ont combiné les mesures des survols, des satellites et des données historiques pour parvenir à leurs conclusions.

En 2018, l’équipe a effectué 30 vols au-dessus de la région des sables bitumineux pour établir le rapport entre les oxydes d’azote et le dioxyde de carbone dans les émissions de l’industrie. Ce rapport correspondait à celui obtenu à la suite de vols similaires en 2013. Ils ont ensuite établi des estimations des émissions de dioxyde d’azote de 2005 à 2020 en combinant les données satellitaires avec les valeurs rapportées par l’industrie.

En s’appuyant sur ces données et sur le rapport constant entre les oxydes d’azote et le dioxyde de carbone, l’équipe a ensuite pu calculer la quantité de dioxyde de carbone qui avait été libérée au fil des ans.

Leurs chiffres suggèrent que les sables bitumineux pourraient relâcher dans l’atmosphère environ 31 millions de tonnes de dioxyde de carbone non déclarées par an. De plus, cette sous-déclaration potentielle remonte au moins à 2018.

Leur marge d’erreur est de ± 8 millions de tonnes.

Un écart important

Mais la différence entre leurs chiffres et les chiffres rapportés par l’industrie est suffisamment grande pour suggérer qu’il se passe quelque chose.

L’écart est assez important. C’est assez grand pour souligner la nécessité de comprendre pourquoi nous voyons cela.

Sumi Wren, autrice principale de l’étude

L’industrie estime généralement ses émissions en comparant les entrées connues aux sorties, avec des compensations pour les fuites et autres rejets fugitifs – une approche dite « ascendante ». La méthode est considérée comme fiable et précise, a déclaré le coauteur John Liggio, également d’Environnement Canada.

« La méthode ascendante est assez bonne », estime-t-il.

Mais lorsque les chercheurs utilisent la mesure atmosphérique – l’approche « descendante » –, ils obtiennent systématiquement des lectures plus élevées de tout ce qu’ils étudient. Ce modèle est apparu dans des articles sur les émissions de méthane, de suie, de composés organiques volatils et de dioxyde de soufre.

Critiques de l’industrie

Mark Cameron, du groupe de producteurs de sables bitumineux Pathways Alliance, a critiqué l’étude.

« Nous mettons fortement en garde contre l’interprétation de cette étude selon laquelle l’échantillonnage aérien de l’air […] est une meilleure approche d’estimation des émissions », a-t-il soutenu, ajoutant que l’industrie utilise des pratiques standard utilisées partout dans le monde.

« Les faiblesses inhérentes aux méthodes de recherche réduisent notre confiance dans ses résultats. »

M. Cameron a qualifié de simpliste l’utilisation d’un rapport unique. Il a souligné que le nombre de vols était insuffisant et que l’étude ne tenait pas compte des jours où les sites de sables bitumineux étaient fermés pour des raisons comme l’entretien.

Mais John Liggio a dit que la différence entre les deux systèmes de mesure est suffisamment importante pour que cela demande une explication.

« Les approches ascendantes et descendantes ont toutes deux leurs incertitudes inhérentes, a-t-il rappelé. L’approche descendante est un moyen complémentaire de déterminer s’il y a des lacunes. »

« Nous devons commencer à penser à utiliser les mesures atmosphériques avec l’approche ascendante. Cela s’en vient, mais nous n’en sommes pas encore là. »