Une route visant à relier les régions des Laurentides et de Lanaudière à travers le parc national du Mont-Tremblant est en préparation et pourrait même être réalisée sans évaluation environnementale.

Le projet de « route panoramique » de la Société des établissements de plein air du Québec (SEPAQ) consiste à élargir et asphalter sur une trentaine de kilomètres la route 3, qui traverse le plus vieux parc national de la province.

Les véhicules pourront ainsi circuler à 50 kilomètres à l’heure toute l’année sur ce tronçon, qui est actuellement un chemin de gravier fermé l’hiver, créant un raccourci entre les municipalités de Saint-Donat et de Saint-Michel-des-Saints.

Cette route permettra de « créer une boucle qui désenclavera le nord de Lanaudière », écrivait d’ailleurs le ministère du Tourisme dans un communiqué annonçant une contribution de 20 millions de dollars, en mars 2021.

Les automobilistes n’auront pas à payer le droit d’accès au parc s’ils ne font que le traverser, projette la SEPAQ.

Le projet prévoit également l’ajout d’une bande cyclable et de haltes panoramiques « pour bonifier l’expérience des usagers et mettre en valeur les beautés du territoire », indiquait le communiqué.

Pas d’évaluation environnementale

Même si des travaux préparatoires ont commencé, le projet de la route 3 ne figure pas au Registre des évaluations environnementales du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs.

« Le Ministère n’a reçu aucune demande d’autorisation environnementale pour un tel projet », a confirmé à La Presse son porte-parole Frédéric Fournier.

La SEPAQ a d’abord affirmé à La Presse que la réalisation d’une « étude d’impact globale du projet » n’est pas requise, avant d’indiquer le lendemain n’être « pas en mesure » de dire dans l’immédiat si une telle évaluation est requise.

« Il faudra attendre la réalisation des plans et devis du projet pour voir si un ou des éléments du tracé final font en sorte qu’une étude d’impact globale doit être menée », a déclaré le porte-parole de la SEPAQ Simon Boivin, assurant que la société d’État se conformera « de bon gré » aux exigences.

« C’est à la SEPAQ de s’assurer que ses projets sont conformes aux lois et règlements en vigueur [et] des sanctions seront données si une infraction est constatée », a indiqué Mélina Jalbert, l’attachée de presse du ministre Benoit Charette.

Jusqu’à maintenant, la reconstruction de deux ponts existants a été réalisée, avec « toutes les autorisations de voirie forestière nécessaires », assure la SEPAQ.

Des relevés topographiques et d’arpentage, des études géotechniques, hydrologiques et hydrauliques ainsi que des caractérisations écologiques et aquatiques ont également été réalisés ou sont en cours, mais la SEPAQ a invité La Presse à recourir à la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels pour en connaître les résultats — aucune réponse n’avait encore été fournie au moment de la publication de cet article.

Un tronçon de route de 24 kilomètres a aussi été refait sur le territoire de Saint-Michel-des-Saints, à l’automne 2020, en lien avec le projet de la SEPAQ.

Impacts sur la faune et la flore

Le parc national du Mont-Tremblant abrite quelque 40 espèces de mammifères et compte six grandes rivières ainsi que 400 lacs et ruisseaux, indique la SEPAQ.

La réfection de la route 3 générerait « des dizaines de milliers de jours supplémentaires de visites au parc national du Mont-Tremblant », selon une étude réalisée pour évaluer les retombées potentielles de ce projet, d’après le ministère du Tourisme.

« Ça risque d’augmenter la mortalité des animaux du parc, c’est un phénomène connu et documenté », s’inquiète la biologiste Louise Gratton, présidente de l’organisation Nature Québec.

C’est une très mauvaise idée de décider d’asphalter ça. […] Ça va miner l’intégrité du parc.

Louise Gratton

Il aurait fallu évaluer les espèces présentes et leur vulnérabilité pour mesurer les impacts d’une telle route, estime le biologiste Alain Branchaud, directeur général de la section québécoise de la Société pour la nature et les parcs (SNAP).

« Sans qu’il y ait une évaluation préalable, ça apparaît irresponsable d’autoriser ces travaux-là », dit-il.

Une évaluation aurait aussi permis d’identifier des milieux humides à éviter, sur lesquels la route risque d’empiéter, ajoute Louise Gratton, qui juge le projet contradictoire avec la mission de conservation de la SEPAQ.

Améliorer les infrastructures du parc pour en faciliter l’accès n’est « pas mauvais en soi », mais ouvrir une voie de transit dans une telle aire protégée n’est pas la même chose, ajoute M. Branchaud.

À titre d’exemple, l’accès au parc de la Gatineau est restreint depuis 2019 pour les véhicules automobiles afin d’assurer la sécurité du public et de protéger la faune et la flore, indique la Commission de la capitale nationale.

Cette décision est intervenue après de nombreux accidents et des plaintes concernant les courses automobiles dans ce parc fédéral de conservation de la nature.

Précision : Une version précédente de ce texte indiquait que l’accès des véhicules automobiles est restreint depuis l’an dernier dans le parc de la Gatineau, or, les premières restrictions datent de 2019. Nos excuses.

En savoir plus
  • 1510 km⁠2
    Superficie du parc national du Mont-Tremblant
    Source : Société des établissements de plein air du Québec (SEPAQ)