Le ministère de l’Environnement accuse Hydro-Québec d’avoir empiété illégalement sur des milieux humides pour y installer des aires de travail, sur un chantier de transport électrique dans les Laurentides. Selon Québec, la société d’État a enfreint la Loi sur la qualité de l’environnement à sept reprises entre 2017 et 2019.

Dans une déclaration du Ministère qui paraîtra vendredi, et dont La Presse a obtenu copie, Hydro-Québec est accusée d’avoir aménagé des aires de travail et des chemins sur des rives de cours d’eau et dans des milieux humides de type tourbière, sans obtenir les autorisations nécessaires. On reproche également à la société d’État d’avoir exécuté des travaux dans une tourbière sans avoir obtenu préalablement un certificat d’autorisation.

Appelée à réagir, Hydro-Québec a déclaré à La Presse avoir plaidé non coupable aux accusations. « Hydro-Québec demeure soucieuse de respecter les normes environnementales en vigueur et cherche toujours à atténuer les impacts de ses activités sur l’environnement », a indiqué le responsable des affaires publiques et médias, Francis Labbé.

Ces infractions, qui contreviennent à la Loi sur la qualité de l’environnement, auraient été commises entre le 15 décembre 2017 et le 31 août 2019. Elles se seraient produites dans le cadre du chantier du projet de ligne de transport électrique à 120 kV entre le poste du Grand-Brûlé à Mont-Tremblant et la municipalité de Saint-Sauveur, dans les Laurentides.

Ces accusations de matière pénale découlent d’une « enquête exhaustive » menée par le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs. Pour ces infractions, Hydro-Québec est passible d’une amende minimale de 15 000 $ par chef d’accusation.

Un maire « extrêmement déçu »

Joint au téléphone jeudi, le maire de Saint-Sauveur, Jacques Gariépy, s’est dit « surpris », mais surtout « extrêmement déçu » de la situation.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Le maire de Saint-Sauveur, Jacques Gariépy

Je pensais que c’était primordial pour Hydro-Québec de suivre les recommandations, les instructions et la loi [du] ministère de l’Environnement. Surtout qu’on le sait que le nerf de la guerre, aujourd’hui, c’est de protéger notre environnement.

Jacques Gariépy, maire de Saint-Sauveur

Il affirme que quand les municipalités ont des travaux à faire, elles doivent demander « un certificat d’autorisation qui est extrêmement long et lourd ». « J’en ai d’ailleurs fait part au ministre, récemment, que le ministère [de l’Environnement] devait diminuer les délais. Mais on les respecte, les règles, même si ça met parfois en péril des projets. Donc voir aujourd’hui qu’Hydro-Québec ne se conforme pas, ça me déçoit énormément », poursuit M. Gariépy au bout du fil.

Sanctions administratives

Les besoins en électricité dans les MRC des Pays-d’en-Haut et des Laurentides ont augmenté de 20 % entre 2004 et 2012, une croissance deux fois plus élevée que la moyenne provinciale. Pour répondre à cette demande, Hydro-Québec a mis en place une nouvelle ligne reliant le poste du Grand-Brûlé, situé à Mont-Tremblant, à une ligne existante, située entre les postes de Saint-Sauveur et de Sainte-Agathe-des-Monts.

Depuis le début du projet en 2017, le ministère de l’Environnement a indiqué avoir constaté de nombreux manquements. Au total, 14 avis de non-conformité ont été transmis à Hydro-Québec ainsi qu’à deux entrepreneurs en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement. Deux sanctions administratives de 5000 $ et 10 000 $ ont également été imposées par le ministère à Hydro-Québec pour des manquements à cette loi.

Le 12 février 2019, le ministère de l’Environnement avait ordonné à Hydro-Québec de cesser les rejets de sédiments dans les milieux humides et hydriques susceptibles d’être affectés par le projet.

Contestation citoyenne

À Saint-Adolphe-d’Howard, où passe la ligne à haute tension, des citoyens contestaient le projet et les méthodes d’Hydro-Québec depuis plusieurs années, notamment en ce qui concerne le déversement de sédiments. En raison du déboisement pour installer les pylônes électriques, l’eau entraîne sur son passage différents éléments du sol qui se déversent dans les cours d’eau et la rendent boueuse.

Déjà, en février 2019, le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, avait affirmé qu’Hydro-Québec devrait prendre les mesures adéquates pour protéger l’environnement sur son chantier de transport de ligne électrique.

« La société d’État doit cesser les rejets de sédiments dans les milieux humides et hydriques susceptibles d’être affectés par le projet. Elle doit aussi implanter dès maintenant, sur tout le territoire couvert par le chantier, les mesures de contrôle de sédiments appropriées », avait-il dit en conférence de presse.

Avec la collaboration de Janie Gosselin, La Presse