(Édimbourg, Royaume-Uni) François Legault n’est pas « écoanxieux ». Critiqué pour son projet de troisième lien routier entre Québec et Lévis, il se présente plutôt au sommet des Nations unies sur le climat comme un « optimiste » qui anticipe « beaucoup d’opportunités » pour le Québec en électrification des transports. Il promet qu’augmenter la desserte routière n’empêchera pas d’atteindre les objectifs de réduction de gaz à effet de serre (GES) fixés par la province.

« Je partage le sentiment d’urgence. […] Il y a un coup de barre à donner et c’est une des raisons pourquoi je suis ici. Je joins ma voix à tous ceux qui disent qu’il faut agir et que ça presse, mais sans devenir anxieux. Je reste quand même optimiste », a affirmé le premier ministre à La Presse lors d’une entrevue à son arrivée en Écosse pour la COP26.

L’« écoanxiété », qui se traduit chez certains par de l’angoisse face aux conséquences des changements climatiques, est un phénomène de plus en plus discuté dans la sphère publique. L’été dernier, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a rappelé qu’il était minuit moins une pour limiter le réchauffement planétaire à 2 °C. À Glasgow, des négociateurs de près de 200 pays tenteront de trouver au cours des prochains jours des mécanismes pour que la hausse des températures ne dépasse pas 1,5 °C par rapport à l’époque préindustrielle.

« Sans être anxieux, je pense qu’on a quand même un énorme défi [pour convaincre] la Chine, l’Inde, d’aller plus vite. […] Quand on regarde les résultats, et moi je suis un gars de résultats, ça progresse bien au Québec », affirme M. Legault, alors qu’un document gouvernemental préparé pour la COP26 rappelle que la province est « l’État en Amérique du Nord qui émet le moins de GES par habitant ».

Des cibles compromises ?

Dans ce document, qui porte le titre Incontournable Québec (qui donne le ton de la délégation québécoise à Glasgow), le gouvernement rappelle qu’il s’est fixé comme objectif pour 2030 de réduire de 37,5 % ses émissions de gaz à effet de serre par rapport au niveau de 1990, en plus d’atteindre la carboneutralité en 2050. « Les efforts collectifs à déployer dans les prochains mois et les prochaines années sont considérables », admet le gouvernement, alors que son propre Comité consultatif sur les changements climatiques le pressait récemment d’en faire davantage pour réduire ses émissions de GES.

Le premier ministre affirme que ces cibles de réduction de GES ne seront pas compromises par le mégaprojet de troisième lien, même si les émissions du secteur des transports ont augmenté au Québec et que des experts, dont ceux du Centre de recherche en aménagement et développement (CRAD) de l’Université Laval, mardi dans les médias de Québecor, estiment que le projet risque d’accroître l’étalement urbain.

« On a besoin au Québec d’avoir beaucoup d’investissements en transport collectif et là, on est à un niveau historique avec 55 milliards sur 10 ans », se félicite M. Legault, en citant en exemple un projet comme le Réseau express métropolitain (REM) à Montréal. Mais convertir le troisième lien – qui pourrait coûter jusqu’à 10 milliards – en un projet entièrement destiné aux transports en commun n’est pas dans les plans du gouvernement, affirme-t-il.

« Dans [la région de Chaudière-Appalaches], il n’y a pas un volume, une concentration suffisante [de population] pour offrir du transport en commun partout. […] [Et] par le temps qu’on va arriver à la construction du troisième lien, il y aura plus d’autos électriques. […] On va atteindre notre cible de 2030 », promet le premier ministre.

Investir dans les technologies propres

Le président et chef de la direction d’Écotech Québec, Denis Leclerc, qui fait partie de la délégation québécoise qui accompagne le premier ministre à la COP26, milite pour sa part pour que la province se dote d’une Politique d’intégration de technologies propres aux nouveaux bâtiments et sites gouvernementaux. Selon lui, 1 % du budget des nouveaux projets publics devrait être voué aux technologies vertes.

« Il faut que le gouvernement montre l’exemple en utilisant les organismes publics et les ministères comme bancs d’essai, [en appuyant] des projets de démonstration des innovations locales. Les innovateurs en technologies propres ont besoin d’un lieu pour démontrer les bénéfices économiques et climatiques de leurs innovations », a-t-il dit à La Presse en marge d’une table ronde de la délégation commerciale québécoise à Édimbourg.

En matière de technologies propres, François Legault entrevoit de « belles opportunités » pour le Québec, notamment dans les secteurs de l’hydroélectricité et de l’hydrogène vert, « qui va éventuellement remplacer le gaz ou le mazout utilisé par plusieurs industries », dit-il. Le premier ministre, qui sera à Glasgow mercredi et jeudi pour la COP26, promet de faire des annonces pour démontrer qu’on peut jumeler l’économie verte à la réduction des GES. Il rencontrera également le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, Andrew Furey, ainsi que le directeur général de Rio Tinto, Jakob Strausholm, entre autres.