(Québec) À un peu plus de deux semaines de l’ouverture à Glasgow de la Conférence des Nations unies sur le climat, la COP26, Québec est pressé par son propre Comité consultatif sur les changements climatiques d’en faire davantage pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) et pour atteindre son objectif de carboneutralité d’ici 2050.

Ce comité, composé de membres pour la plupart issus du milieu scientifique et qui travaille de façon indépendante, a transmis plus tôt cette semaine au gouvernement une première série de recommandations, obtenues par La Presse, afin qu’il opère « une réduction profonde de ses émissions de GES ».

Le Québec doit et peut en faire plus pour apprendre à mieux vivre avec une partie [des] changements climatiques et surtout pour mener une réduction profonde de ses émissions de GES et ainsi contribuer à éviter des impacts généralisés et irréversibles atteignant une ampleur dangereuse pour l’humanité.

Propositions du Comité consultatif sur les changements climatiques

Le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, accompagnera le premier ministre François Legault au début de novembre à la conférence de Glasgow. En entrevue avec La Presse, il affirme que le Québec souhaite « rehausser [ses] ambitions climatiques » et promet qu’il n’arrivera pas « les mains vides » devant les autres États réunis en Écosse.

Pour un budget carbone

Dans sa lettre transmise au gouvernement, le Comité consultatif sur les changements climatiques – qui a été mis en place l’an dernier par l’adoption de la nouvelle loi sur la gouvernance du Fonds vert – suggère à Québec d’instaurer un « budget carbone », en élaborant une planification quinquennale des émissions totales de GES pouvant être émises annuellement au Québec.

Le Comité détaille cette idée, qui a également été proposée plus tôt cette année par le député péquiste Sylvain Gaudreault, en suggérant d’y inclure les « plafonds d’émission du marché du carbone établis par règlement, les émissions pour l’ensemble des secteurs non couverts par le marché du carbone, la contribution du secteur Affectations des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie, [ainsi que] la contribution des autres solutions de séquestration de GES ».

À La Presse, Benoit Charette répond que cette démarche n’est pas privilégiée par Québec « dans l’immédiat ». Il ajoute que « sans parler de fausse bonne idée, à court terme, notre système de Bourse du carbone couvre la très grande majorité de nos émissions de GES à la hauteur de 80 % ».

Atteindre des cibles déjà « ambitieuses »

Le ministre de l’Environnement est également soulagé que le Comité consultatif sur les changements climatiques ne recommande pas, selon son interprétation, de rehausser la cible de réduction des GES que le Québec s’est fixée pour 2030 (soit une réduction de 37,5 % par rapport au niveau de 1990). Les plans environnementaux des gouvernements précédents n’ont pas permis d’atteindre la cible prévue pour 2020, rappelle-t-il.

« Je suis heureux que l’on considère que cette cible n’est pas remise en question parce qu’elle est extrêmement ambitieuse, si l’on considère le retard qu’on a pris par le passé. […] Dans les prochaines semaines et les prochains mois, on aura l’occasion de confirmer de nouvelles mesures qui vont s’ajouter [à notre Plan pour une économie verte] et qui auront pour l’essentiel un impact positif sur la réduction des émissions de GES en sol québécois », affirme M. Charette.

S’il s’appuie sur la cible de réduction des GES prévue pour 2030 et sur l’objectif d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050, le Comité propose toutefois au gouvernement d’encadrer son action climatique avec une « Stratégie de décarbonisation du Québec à l’horizon 2050 » qui devrait « amener la société québécoise au-delà de la carboneutralité, vers un bilan carbone négatif ».

« On va [commencer] par se fixer comme objectif la carboneutralité d’ici 2050, ce qui est déjà ambitieux. Si on peut aller au-delà, ça sera à voir », répond prudemment le ministre.

Enchâsser les cibles dans la loi

Dans ses autres recommandations, le Comité consultatif sur les changements climatiques suggère à Québec de majorer son soutien à la lutte contre les changements climatiques pour les pays vulnérables et en développement, ainsi que d’interdire sur le territoire québécois toute exploration et exploitation de nouveaux puits de pétrole ou de gaz naturel, une avenue déjà étudiée par Québec.

Le Comité propose aussi « d’enchâsser la cible de carboneutralité » dans sa Loi sur la qualité de l’environnement, « étant donné que son atteinte relève de l’intérêt supérieur du Québec et devra faire l’objet d’une mobilisation soutenue de la part des gouvernements successifs ».

Benoit Charette affirme que des consultations préalables doivent d’abord être tenues pour réaliser cette recommandation et qu’elles se tiendront « bien avant 2025 », date butoir actuellement prévue pour les réaliser.

À la COP26 à Glasgow, le ministre de l’Environnement entend rappeler la récente entente entre Hydro-Québec et l’État de New York, qui l’a choisie comme fournisseur pour les 25 prochaines années, comme un exemple d’accomplissement du Québec pour la lutte contre les changements climatiques. En entrevue, il cite également les investissements du gouvernement dans le Plan pour une économie verte et les projets de transports collectifs, « quand on sait que les transports demeurent et de loin notre principale source d’émissions de GES ».

À ce sujet, M. Charette balaie du revers de la main les critiques concernant le mégaprojet de tunnel qui passerait sous le fleuve Saint-Laurent entre Québec et Lévis. Ce chantier est nécessaire pour des raisons stratégiques, plaide-t-il à nouveau, ajoutant qu’il est soumis à une procédure d’évaluation environnementale et qu’il engendra selon lui une hausse « non significative » des GES liés à une hausse du parc automobile, puisque « dès 2035, ce ne sont que des véhicules électriques qui seront vendus au Québec ».