Depuis le début de la campagne, notre journaliste Gabriel Béland traverse le pays en train. D'Halifax à Vancouver, il s'arrête là où les caravanes électorales s'attardent peu. Hier, il a visité la circonscription de Saanich Gulf-Islands.

Georges Laraque a eu une dure journée. Elle a commencé dans un Canadian Tire de Victoria, en Colombie-Britannique. L'ancien joueur du tricolore a ensuite visité un pub, un magasin d'aliments naturels et une succursale de Boston Pizza. Plus tard en soirée, il doit participer à un important rassemblement du Parti vert.

Pour l'instant, Georges Laraque est planté au milieu d'un bar qui diffuse le dernier match de la série opposant le Canadien aux Bruins. Il est ici pour signer quelques autographes, même si le lieu est plutôt dégarni: il est tôt dans l'Ouest et les gens ont une autre équipe en tête.

Les yeux fixés sur la télé, il regarde ses anciens coéquipiers. Est-il nerveux lors d'un match du Canadien? «Oui, je suis stressé, lance-t-il en détournant le regard de l'écran géant. Mais pas pour les gars. Je suis stressé pour le 2 mai. On a mis tellement d'efforts. Et il faut dire que la politique, c'est pas mal plus important que le hockey, on s'entend.»

Georges Laraque, l'ancien hockeyeur devenu militant écologiste, est en campagne. Le leader adjoint du Parti vert - c'est son titre - est venu prêter main-forte à sa chef. Elizabeth May mène une lutte extrêmement serrée dans la circonscription de Saanich-Gulf Islands, qui pourrait avoir d'importantes répercussions pour son parti.

C'est en quelque sorte un «septième match» qui se joue pour les verts en Colombie-Britannique. Après de bons résultats aux élections de 2008 qui n'ont rapporté aucun siège, le Parti de Mme May veut faire élire au moins un député cette fois-ci. Les verts fondent beaucoup d'espoirs sur deux candidates de la région pour y arriver: Adriane Carr dans Vancouver-Centre, mais surtout Elizabeth May dans Saanich-Gulf Islands.

«En 2008, la priorité n'était pas de me faire élire, mais plutôt d'obtenir de bons résultats à travers le pays, rappelle la chef alors que le match défile sur les télés autour d'elle. On est allés chercher près d'un million de votes. C'était très bien, mais on n'avait toujours pas de député. On a réalisé qu'on pourrait recueillir 15% des voix et toujours être absents du Parlement. Alors, on a décidé de changer de stratégie.»

Cette fois-ci, Mme May a moins voyagé au pays. Elle s'est concentrée sur sa campagne et la stratégie semble fonctionner. Un sondage, commandé par le Parti vert et dévoilé cette semaine, la place au premier rang dans la circonscription avec 44,5% des intentions de vote. Le député sortant, le conservateur Gary Lunn, la talonne avec 37,8%.

Les candidats du NPD et du Parti libéral ont dénoncé le coup de sonde de la firme Oraclepoll - qui leur accorde respectivement 9,1% et 8,5% des voix. Mais Elizabeth May note qu'ils n'ont toujours pas dévoilé leurs propres sondages internes. «Peut-être qu'ils ne sont pas si bons qu'ils le prétendent», dit-elle.

À cinq jours des élections, la circonscription de Saanich-Gulf Islands pourrait être la première au pays à élire un député du Parti vert. «Mais c'est trop serré pour se prononcer», note Mme May, qui refuse aussi de dire ce qu'il adviendrait de son avenir à la tête du Parti si elle échouait.

«On doit avoir un siège cette année, tranche Georges Laraque, qui prend son rôle de porte-parole au sérieux. Les dernières semaines ont été pas mal occupées. Ma secrétaire a pris mon agenda, et chacun des trous que j'avais a été consacré à la campagne. J'ai parcouru le Québec, l'Alberta, la Colombie-Britannique...Ça n'a pas arrêté.»

L'ancien homme fort du Canadien s'est engagé dans la cause écologiste en 2009 après avoir vu Earthlings, un documentaire sur la cruauté envers les animaux. «Après ça, j'ai changé de maison pour une plus petite, j'ai changé de char pour un hybride et j'ai arrêté de manger de la viande. Je me suis débarrassé de mes vêtements en cuir, de mes souliers en cuir. Ç'a changé ma vie.»

Il n'a pas voulu être candidat lors de ces élections, car il estime qu'il n'était pas prêt. «Regarde Jean-François Mercier! Moi, si je me présente, ce ne sera pas une joke, dit-il, envoyant un jab à l'humoriste qui s'est porté candidat dans Chambly-Borduas. C'est sérieux, la politique. Les gens vont te faire confiance, alors t'es mieux de pas niaiser avec ça!»

Avant qu'il ne se rende au rassemblement, dernier événement de sa journée, on demande ses prédictions à Georges Laraque. «Pour le hockey?» demande-t-il avec un air confus.

Non, pour les élections! «Ah, parce que, habituellement, on me demande toujours des prédictions sur le hockey...Bon, pour le hockey, je pense que ça va être difficile pour le CH», dit-il, juste avant la défaite du Canadien en prolongation.

«Mais pour Elizabeth... lâche-t-il en souriant. Pour Elizabeth, je n'ai aucun doute.»