Pour la première fois de son histoire, le NPD se hisse en deuxième place au Québec avec 24% des intentions de vote, selon un sondage Angus Reid. Selon vous, est-ce un feu de paille ou, au contraire, un mouvement qui sera durable ? À quoi attribuez-vous ce gain de popularité du parti de Jack Layton ? Quel parti fera davantage les frais de cette montée si elle se poursuit : le Bloc québécois ou le Parti libéral ?

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Gaétan Frigon

Président exécutif de Publipage Inc. et ancien président-directeur général de la Société des alcools du Québec et de Loto-Québec

UN FEU DE PAILLE

Le Québec ne s'est jamais vraiment identifié au NPD, un parti dont l'origine représente plus l'Ouest du pays. Que ce parti se hisse en deuxième place au Québec pendant une campagne électorale ne peut être qu'un feu de paille temporaire. Au cours des quelques 20 dernières années, la majorité des Québécois a soit voté pour le Bloc, soit voté pour le Parti libéral. Mais le scandale des commandites a changé cette donne. Aujourd'hui, le Parti libéral n'a pas retrouvé sa gloire d'antan et les Québécois sont incapables de s'identifier avec son chef, Michael Ignatieff. Quant aux conservateurs, ils font toujours peur avec certaines de leurs politiques de droite qui passent plutôt mal au Québec et seuls certains irréductibles vont continuer à voter pour eux. Alors, ceux qui ne veulent pas voter pour le Bloc peuvent temporairement aller du côté du NPD, et ainsi contribuer à éviter un gouvernement conservateur majoritaire. C'est ce qui se passe et le Parti libéral risque d'en faire les frais. Malheureusement, ce n'est pas dans l'intérêt du Québec qui risque de se retrouver encore plus isolé sur la scène nationale.

Pierre-Yves McSween

Comptable et chargé de cours à HEC Montréal

JACK LAYTON LE SYMPATHIQUE

Le NPD a deux cartes importantes dans son jeu : le sympathique Jack Layton et le respecté Thomas Mulcair. Pendant que Michael Ignatieff et Stephen Harpeur font de la politique négative en cherchant des failles à l'adversaire, Jack demeure souriant. Peu importe nos allégeances politiques, on a de la sympathie pour Jack Layton. Il est positif comme Jacques Demers durant la finale de la Coupe Stanley 1993. Ses efforts pour perfectionner son français et les publicités très réussies du NPD ne peuvent pas nuire à la hausse du niveau de popularité de ce parti. De son côté, Thomas Mulcair est respecté, il a l'image d'un politicien intègre. Ainsi, tant que ces deux figures dominantes demeureront au sein du NPD, il ne serait pas surprenant de voir ce parti maintenir une certaine popularité au Québec. Qui perd des votes au Québec au profit du NPD ? Je dirais autant le Bloc Québécois que le Parti Libéral du Canada. D'ailleurs, on remarque que les Libéraux tentent désespérément de faire des promesses électorales pour gagner la faveur du public. On n'a qu'à penser à leur promesse de fournir davantage de fonds aux étudiants, une intrusion directe dans un champ de compétence du Québec. Au niveau du Bloc Québécois, les Québécois commencent peut-être à se demander réellement où cette opposition politique les mènera à long terme. Les Québécois ne voteront pas nécessairement NPD, mais ils aimeraient sûrement inviter Jack Layton à souper. Dans le climat politique actuel, toutes les conditions sont remplies pour rendre le vote volage.

Mélanie Dugré

Avocate

FEU, FEU, JOLI FEU

Aussi sensé, intelligent et charismatique que soit son chef Jack Layton, le NPD jouit en ce moment d'un succès qui est en fait un dommage collatéral de l'impopularité des grands partis et de leurs chefs. Ces derniers brassent plus ou moins la même sauce, pour l'un en l'épiçant vers la droite et pour l'autre vers la gauche. Mais dans les deux cas, le résultat a laissé un arrière-goût dans la bouche des québécois qui cherchent maintenant une saveur nouvelle à la gastronomie politique. Le NPD semble offrir une assiette diversifiée quoique certaines des idées qu'elle contient sentent le réchauffé. Le populaire Thomas Mulcair est certainement un des ingrédients qui contribuent à la montée actuelle du NPD au Québec. Quant à savoir qui verra sa part du gâteau être amputée, je croirais que les libéraux resteront le ventre creux. Depuis sa création, le Bloc québécois peut compter sur ses fidèles partisans alors que plusieurs libéraux fédéraux ont fait défection depuis le départ de Jean Chrétien qui, sans faire l'unanimité, avait un grand pouvoir rassembleur. Le débat des chefs permettra de déterminer si ce joli et divertissant feu de paille allumé par le NPD s'intensifiera suffisamment pour illuminer cette campagne électorale.

Mathieu Bock-Côté

Chargé de cours en sociologie à l'UQAM

UNE PERCÉE SYMPTOMATIQUE?

S'il faut relativiser le sondage annonçant une percée québécoise du NPD, on peut néanmoins expliquer l'engouement qu'il semble susciter. D'abord, on ne peut nier la sympathie que suscite son chef, avec son charisme de proximité, semblable à celui d'un charmant voisin, qui rejoint la sensibilité culturelle d'un peuple ayant fait du tutoiement une seconde nature. Mais l'intérêt pour le NPD est probablement symptomatique d'une mutation plus profonde: on peut y voir le signe d'une dépolarisation progressive de la question nationale. Une portion de l'électorat, mineure mais appelée à croître, se positionnera à Ottawa sur l'axe gauche-droite, pour peu que les partis fédéraux adaptent leur discours au Québec. Pour l'instant, le NPD semble prendre ses votes au Bloc. Il ne faudrait pas croire toutefois que l'électorat bloquiste peut se transvider seulement vers le NPD. Une bonne partie de l'électorat bloquiste est plutôt de sensibilité conservatrice et se retrouverait davantage au sein du Parti conservateur, si celui-ci prenait la peine d'esquisser un discours québécois allant au-delà des slogans anti-montréalais. À tout le moins, les nationalistes de gauche tentés par le NPD ne devraient pas oublier que ce parti est encore plus centralisateur que ne l'est le PLC. Ils bémoliseraient alors leur enthousiasme.

Marc Simard

Professeur d'histoire au collège François-Xavier-Garneau, à Québec

UNE VALEUR REFUGE

Les courts gains du NPD (+4 %) semblent s'être faits aux dépens du Bloc (-2%) comme du PLC (-2%). Ils s'expliquent par une conjonction de facteurs. D'abord par le fait que les libéraux semblent incapables de se refaire une virginité au Québec depuis le scandale des commandites : seule l'élection d'un sauveur québécois comme chef pourra éventuellement conjurer ce mauvais sort.

Ensuite parce que la rengaine du Bloc à l'effet qu'il est le seul parti capable de barrer la route à Harper se délite : plusieurs électeurs en ont assez de ce cul-de-sac, de cette impuissance maquillée en triomphe. En troisième lieu par le discrédit qui touche la classe politique au Québec, le sympathique Jack Layton et son lieutenant Mulcair y jouissant de la présomption d'innocence. Enfin parce que les trois principaux partis qui luttent contre le PC sont des partis sociaux-démocrates, tenants de conceptions de l'État analogues, de sorte que le passage de l'un à l'autre n'a rien d'une hérésie idéologique. Dans ce climat délétère, où le spectre de la droite triomphante en inquiète plus d'un, l'électorat paraît volatil. Il n'est pas impossible que le NPD y devienne une valeur refuge!

Martin Cauchon

Candidat libéral dans Outremont

UN ÉLECTORAT VOLATIL

D'abord et avant tout, Angus Reid confirme la volatilité de l'électorat québécois. Hier, Ekos-CBC donnait libéraux et bloquistes nez-à-nez dans les intentions de votes, et, aujourd'hui, nous serions troisièmes. D'ailleurs, Angus Reid note que 50% des gens prêts à voter NPD pourraient encore changer d'opinion d'ici le 2 mai prochain. Pourquoi cette volatilité? Parce que la campagne électorale rempli sa fonction en permettant aux partis de débattre des idées et aux électeurs d'envisager avec lucidité le choix auquel ils sont confrontés. Il me paraît clair à cet égard que les Québécois commencent à entrevoir le vrai visage de Stephen Harper... un Stephen Harper méprisant, cachotier et surtout divisif. En même temps, la campagne leur offre l'opportunité de s'interroger sur le sens d'un vote en faveur d'un parti qui les condamne à l'opposition. Finalement, le sondage Angus Reid donne des motifs d'encouragement à tous les libéraux. Il nous dit que les Québécois cherchent une alternative aux conservateurs. C'est à nous de travailler fort au cours des trois prochaines semaines pour les convaincre que le Parti libéral du Canada peut leur donner un gouvernement qui corresponde à leurs priorités et à leurs aspirations.

Le Soleil, Jean-Marie Villeneuve

L'ancien député du PLC Martin Cauchon

Thomas Mulcair

Candidat du NPD dans Outremont

UNE ALTERNATIVE AUX VIEUX PARTIS

Le sondage publié dans La Presse confirme la progression du NPD observée dans de nombreux sondages ainsi que par les résultats électoraux depuis l'arrivée de Jack Layton à tête du parti. De plus, depuis notre victoire dans Outremont en 2007, les Québécois ont la preuve que le NPD est sérieux lorsqu'il propose une alternative aux vieux partis fédéralistes que les électeurs rejettent de plus en plus. Nous avons l'intention de faire des gains dans toutes les villes et régions de la province afin que les Québécois puissent bénéficier d'un gouvernement qui représente leurs valeurs à Ottawa. Le NPD propose un projet politique et des choix sociaux qui plaisent aux Québécois et au reste du Canada. Les gens savent que pour les libéraux et les conservateurs, c'est blanc bonnet, bonnet blanc. Ces deux partis ont voté ensemble à plus de 100 reprises dans des votes de confiance provoquant notamment même un recul des droits en matière d'équité salariale ainsi que la prolongation de la mission militaire en Afghanistan. En effet, les gens veulent être représentés par un gouvernement qui véhicule leurs valeurs, en qui ils ont confiance, et qui agira avec principes à Ottawa. Nous l'avons démontré, ce choix c'est le NPD.