Le gouvernement Charest a donné une tribune en or aux provinces qui s'opposent au gouvernement de Steven Harper. D'une seule voix, les provinces ont dénoncé hier les compressions de 45 millions décrétées par Ottawa dans les subventions destinées aux artistes.

«Ce qui est important, c'est de faire la démonstration que c'est dans tout le pays que ces coupes inquiètent. Le Québec et toutes les autres provinces sont unis, les provinces sont touchées partout, de Terre-Neuve à la Colombie-Britannique», a soutenu hier la ministre québécoise Christine St-Pierre, à l'issue d'une conférence de deux jours des ministres provinciaux responsables de la culture au pays.

 

Onze des 13 provinces et territoires ont assisté à la conférence. Leur déclaration commune condamne sans appel la décision fédérale. Brillaient par leur absence la très conservatrice Alberta ainsi que la Colombie-Britannique, qui a adopté comme règle de ne pas participer à ces conférences durant une campagne électorale.

La réunion, prévue depuis l'été, devait être une conférence fédérale-provinciale. Elle aurait normalement dû être annulée à cause de la campagne électorale. Québec a toutefois décidé de maintenir le cap et de transformer la réunion en conférence des provinces.

Deux provinces littéralement en guerre contre le gouvernement fédéral, l'Ontario et Terre-Neuve, n'ont pas raté l'occasion offerte par Québec. Aux côtés de Mme St-Pierre se trouvaient la ministre ontarienne Aileen Caroll, du très libéral gouvernement de Dalton McGuinty, et Clyde Jackman, de Terre-Neuve, dont le premier ministre conservateur, Danny Williams, fait campagne contre Stephen Harper. Avec Hédard Albert, du Nouveau-Brunswick (autre gouvernement libéral), les provinces ont vertement critiqué la décision fédérale défendue par Josée Verner.

Dans leur déclaration commune, les gouvernements représentés à la conférence n'y vont pas par quatre chemins: «La décision du gouvernement fédéral compromet des années de travail de la part d'artistes, de fonctionnaires, de diplomates et d'élus afin de développer et faire rayonner notre secteur de la culture.»

Rappelant la «vive inquiétude» suscitée par ces compressions, les gouvernements demandent à Ottawa «de renverser sa décision de réduire les investissements dans les programmes importants».

Les ministres St-Pierre et Caroll se sont bien gardées de recommander explicitement aux électeurs de ne pas cautionner les conservateurs à cause de cette décision. Le Terre-Neuvien Jackman a été plus direct: les gens doivent tenir compte de ce genre de décision «au moment de mettre leur X», a-t-il dit.

Plus d'un million d'emplois

Au Canada 1,1 million d'emplois dépendent du secteur culturel, qui génère 7% du PIB, a souligné Mme St-Pierre.

«La culture fait travailler beaucoup de monde, des coiffeurs aux menuisiers. La quincaillerie qui vend des clous et des planches pour construire un décor est bien contente, c'est plus de 175 000 personnes qui, au Québec, tirent un revenu de l'industrie culturelle», a dit Mme St-Pierre.

Pour elle, les propos que Normand Latourelle, promoteur de Cavalia, a publiés hier dans les quotidiens ne pèsent pas lourd comparés à la montagne des créateurs inquiets devant les coupes. M. Latourelle a invité hier les créateurs à cesser de critiquer la revue des programmes faite par Ottawa, avec l'espoir qu'ils seraient remplacés par d'autres mesures, administrativement moins lourdes.