Les Canadiens ont tranché. Stephen Harper demeure premier ministre, toujours à la tête d'un gouvernement minoritaire. Le bloquiste Gilles Duceppe a réussi à barrer la route vers une majorité pour le conservateur Harper, en raflant 49 circonscriptions au Québec.

Les électeurs ont renvoyé les partis politiques à la case départ après 37 jours d'une campagne électorale souvent acrimonieuse.

À 22h pile, Radio-Canada a annoncé que M. Harper conservait le pouvoir. Quarante-cinq minutes plus tard, nouvelle annonce : le conservateur sera minoritaire.

Le paysage électoral ressemble à celui esquissé au scrutin de 2006. À minuit, le portrait donnait :

- le Parti conservateur du Canada, vainqueur, avec 143 sièges;

- le Parti libéral du Canada, deuxième, avec 77 sièges;

- le Nouveau parti démocratique du Québec a maintenant 37 députés;

- le Bloc québécois, avec ses 49 élus, devance le NPD;

- le Parti vert a été blanchi d'un bout à l'autre du pays;

- et deux indépendants ont été élus.

L'appui des Ontariens a fourni à la formation de Stephen Harper les bases de ce presque succès électoral. Dans le nord de l'Ontario, en particulier, les libéraux ont perdu pied, principalement au profit des candidats de M. Harper. Les Ontariens envoient une majorité conservatrice (51 députés) à Ottawa.

Les libéraux n'en conservent que 38 sur les 57 de 2006.

Sans surprise, les Prairies et la Colombie-Britannique ont massivement voté conservateur. L'Alberta, où est élu le député Stephen Harper, a plébiscité le PCC. Ses 28 élus étaient en passe d'être tous conservateurs. Douze des 14 représentants de la Saskatchewan le sont. Et 24 des 34 députés de la Colombie-Britannique se retrouvent sous cette bannière.

Au Québec, le Parti conservateur a subi une défaite particulièrement douloureuse. Le sénateur et ministre Michael Fortier, battu sans appel par le bloquiste Melli Faille dans Vaudreuil-Soulanges, a payé cher la charge qu'il a menée contre les bloquistes et la soi-disant «facture» que doivent payer les Québécois pour les élire.

En revanche, le ministre du Travail Jean-Pierre Blackburn, qui s'est querellé avec le maire de Québec Régis Labeaume, a remporté facilement la victoire dans Jonquière-Alma, tandis que Josée Verner s'est imposée sans surprise dans Louis-Saint-Laurent.

Si le PCC ne peut régner seul, c'est parce que le Bloc québécois a maintenu pour l'essentiel ses positions. «Nous avons atteint notre objectif», a lancé M. Duceppe à ses partisans, en fin de soirée. «Sans le Bloc, Stephen Harper formerait un gouvernement majoritaire.»

L'élan des derniers jours, qui semblait porter les bloquistes vers une récolte record en fin de campagne, s'est cependant brisé. Ils seront quand même 49 bloquistes à siéger à Ottawa, un de plus qu'en 2006.

Les conservateurs ont clairement sauvé les meubles dans la grande région de Québec. Ils ne perdent que Louis-Hébert, où Luc Harvey termine troisième. Dans la région de Montréal, Justin Trudeau, le fils du défunt premier ministre fédéral que les souverainistes ont aimé détester, Pierre Elliott Trudeau, a battu la bloquiste Vivian Barbot.

À minuit, les libéraux avaient toujours 13 députés, le même score qu'au dernier scrutin.

Mais visiblement, les Québécois francophones n'ont pas encore pardonné aux libéraux le scandale des commandites.

Leur chef Stéphane Dion, lui, doit maintenant se préparer à affronter une tempête dans ses propres rangs. Le meneur du Parti libéral du Canada a balayé du revers de la main pendant toute la campagne les sondages le donnant perdant.

Hier soir, ses prédictions ne se sont pas matérialisées. Son Tournant vert a effrayé une partie de l'électorat. Il conserve à peine 75 députés. Une perte d'une vingtaine de députés. Il faut remonter à 1984 pour constater pire résultat. À l'échelle du pays, le PLC n'avait retenu que 40 sièges lorsque le conservateur Brian Mulroney avait accédé au pouvoir.

Le Nouveau Parti démocratique a réussi une petite percée. Mais il est bien loin des prétentions de son chef Jack Layton qui se voulait un prétendant au poste de premier ministre du Canada. Le NPD compte maintenant 37 élus, huit de plus qu'en 2006. De ce nombre, 17 représentent des circonscriptions ontariennes. Et au Québec, il a failli perdre son seul élu. Le flamboyant Thomas Mulcair, après avoir tiré de l'arrière pendant toute la soirée dans Outremont, a finalement remporté la victoire. Néo-démocrates et verts» restent des joueurs de second ordre au Québec.

La soirée a pourtant mal débuté pour les conservateurs. La campagne anti-Harper du premier ministre terre-neuvien, Danny Williams, a porté fruit. Le PCC est rayé de la carte de cette province qui ne compte que six circonscriptions.

Les «bleus» de Stephen Harper ont fait à peu près jeu égal avec les «rouges» de Stéphane Dion ailleurs dans les Maritimes. Le PCC a arraché une circonscription au PLC dans l'Île-du-Prince-Édouard. Et deux au Nouveau-Brunswick, dont Fredericton, detenu par les libéraux depuis des lustres.

Le tout premier résultat de la soirée a d'ailleurs confirmé une victoire de l'influent ministre conservateur Peter MacKay aux dépens de la chef du Parti vert du Canada, Elizabeth May, en Nouvelle-Écosse, dans Central Nova.