La fermeture ici et là de programmes de musique dans les écoles publiques du Québec porte à penser qu’ils sont en voie de disparition. Vérification faite, les statistiques n’indiquent pas d’hémorragie.

Ces dernières années, des coupes dans des programmes de musique – celui de musique-études à l’école La Camaradière de Québec, notamment – ont fait grand bruit. Mais les statistiques obtenues auprès des autorités scolaires témoignent d’une stabilité.

Au centre de services scolaire de Montréal (le plus gros au Québec), on indique que l’offre se maintient, avec 97 écoles qui offrent de la musique au primaire et 15 au secondaire. « Nous avons 150 spécialistes [en enseignement de la musique] au primaire et 45 au secondaire », indique le porte-parole Alain Perron.

Au ministère de l’Éducation, Esther Chouinard, responsable des communications, note qu’il y a cinq ans, 9333 élèves suivaient un programme particulier de musique, qu’il s’agisse d’enrichissement en arts ou d’un programme arts-études. En 2022-2023, on en est à 11 250 élèves.

Marc Hervieux, directeur du Conservatoire de musique et d’art dramatique, dit pour sa part qu’il y a eu une explosion de demandes d’admission cette année – une hausse de quelque 25 %, à la suite d’une campagne de publicité.

Le Conservatoire de musique et d’art dramatique, qui accueille à l’heure actuelle 840 étudiants, espère en admettre 1000 d’ici cinq ans. Les demandes sont là, mais le Conservatoire n’a pas encore la capacité d’atteindre le millier d’étudiants.

La campagne de publicité n’était sans doute pas inutile. Car qui sait que le Conservatoire n’est pas seulement pour des jeunes très avancés en musique désireux de faire carrière dans le domaine, mais qu’il offre aussi des cours aux jeunes d’âge primaire et secondaire (au coût moyen de 350 $ par année) ?

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Jonathan Bolduc, directeur à l’Université Laval du programme qui forme les futurs enseignants de musique au primaire et au secondaire

Jonathan Bolduc, directeur à l’Université Laval du programme qui forme les futurs enseignants de musique au primaire et au secondaire, se réjouit pour sa part que le nouveau programme préscolaire (maternelle 4 ans) comprenne deux périodes de 30 minutes par semaine de musique. « C’est une excellente chose : entre 4 et 7 ans, c’est la période la plus propice pour le développement musical. »

Une offre souvent intermittente

Cela ne signifie pas que tout soit idéal en musique dans les écoles.

L’enseignement artistique offert aux élèves du primaire doit inclure deux des quatre arts (musique, arts plastiques, théâtre ou danse), et l’un d’entre eux doit être donné en continuité de la première à la sixième année.

Or, indique M. Bolduc, cette structure est souvent négligée et manque de continuité, les directions d’école papillonnant trop d’une forme d’art à l’autre sans respecter ce qui est prescrit.

Autre enjeu : les baisses d’inscriptions à l’université en enseignement de la musique. M. Bolduc l’explique par le fait qu’il y a une telle pénurie que les étudiants potentiels sont happés par des « offres d’emploi très alléchantes des centres de services scolaires dès la fin du diplôme d’études collégiales [en musique]. Beaucoup de centres de services scolaires sollicitent nos étudiants qui sont nombreux à avoir des enfants et à décider de mettre leurs études sur pause pour avoir plus de revenus ».

« Pendant la pandémie, beaucoup de musiciens se sont réorientés »

La pandémie est aussi passée par là. « Avec la COVID-19, il n’était plus question de souffler dans des flûtes ! note Isabelle Héroux, professeure au département de musique de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Plusieurs enseignants de musique sont alors devenus titulaires de classes régulières. »

À l’Université de Montréal, les constats sont les mêmes.

Francis Perron note lui aussi la discontinuité dans l’enseignement de la musique, qu’il regrette. Si on veut faire carrière en musique, « il faut commencer jeune. La musique, c’est comme un sport. On ne peut pas rattraper 10 ans d’instrument [facilement] ».

Dans cet établissement, 730 étudiants (temps partiel et temps complet) s’étaient inscrits en 2014 en musique. En 2023, il y en a 574.

Francis Perron note aussi que les Québécois sont moins portés à s’inscrire en musique à l’université, une baisse au moins en partie compensée par des admissions d’étudiants étrangers, notamment français.

« Pendant la pandémie, beaucoup de musiciens se sont réorientés. Ça a peut-être rendu des jeunes plus frileux à l’idée de faire carrière en musique. »