Toutes les écoles publiques de la province sont fermées ce vendredi en raison des grèves. Pendant ce temps, des centres de services scolaires publient des offres d’emploi pour tenter de trouver des enseignants.

Ce qu’il faut savoir :

  • Même en période de grève dans le secteur public, des centres de services scolaires affichent des offres pour trouver des enseignants en vue d’un prochain retour en classe.
  • Selon le dernier bilan du ministère de l’Éducation, il manquait 934 enseignants au Québec en date du 20 novembre.
  • Selon des intervenants du milieu, grève ou pas, il est difficile de trouver des candidats au poste d’enseignant.

Au centre de services scolaire des Draveurs, par exemple, on cherche en ce moment une dizaine d’« enseignant(e)s passionné(e)s » pour combler plusieurs tâches à temps complet dans des classes du primaire (1re, 2e, 5e et 6année, notamment), mais aussi au secondaire.

Un scénario qui n’est pas exclusif à l’Outaouais et se répète un peu partout au Québec. Selon les dernières données du ministère de l’Éducation, il y avait, le 20 novembre dernier, 934 postes d’enseignants à pourvoir. Plus de la moitié était à temps complet.

Chercher du personnel en temps de grève est une « stratégie peu appropriée », selon Mélanie Laroche, professeure à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal.

C’est sûr que ça envoie un message qui est peut-être heurtant pour des grévistes. Mais en même temps, il y a des besoins opérationnels, probablement.

Mélanie Laroche, professeure à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal

Mme Laroche participait, jeudi, à un webinaire sur les négociations dans le secteur public organisé par le Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le travail (CRIMT).

Au centre de services scolaire des Draveurs, on indique que les offres publiées cette semaine « ne résultent pas de départs dus à la grève ».

« Elles sont plutôt une réponse aux besoins normaux […] à ce moment-ci de l’année scolaire », écrit Andréanne Desforges, conseillère en communications.

Elle précise que « les personnes embauchées pendant les moyens de pression actuels reçoivent une promesse d’embauche pour la fin du conflit ».

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Des enseignants affiliés à la Fédération autonome de l’enseignement ont manifesté jeudi à Montréal.

La Fédération des centres de services scolaires du Québec explique elle aussi qu’un candidat « peut être embauché sur-le-champ, et ce, même en temps de conflit, mais il entrera en fonction après la grève ou à une date ultérieure convenue avec son employeur ».

Le président de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement (FQDE), Nicolas Prévost, dit lui aussi que la grève n’empêche pas d’embaucher des enseignants.

« Il y a toujours un délai avant [qu’un enseignant] ne paie sa cotisation syndicale, le temps de mettre la mécanique administrative en place, mais les centres de services vont jouer de prudence : il ne faudrait pas mettre un nouvel enseignant en porte-à-faux avec ses futurs collègues », souligne Nicolas Prévost.

Un défi constant, grève ou pas

La recherche d’enseignants en période de grève est-elle plus ardue ?

Parmi les quelques centres de services auxquels nous avons posé la question, seul celui des Draveurs nous a répondu qu’il était « pour l’instant » difficile de se prononcer sur le sujet. « À première vue, ça ne semble cependant pas le cas », ajoute Andréanne Desforges.

À la Fédération des centres de services scolaires du Québec, on nous répond qu’en « contexte de pénurie de main-d’œuvre, le recrutement représente un défi constant tout au long de l’année, avec ou sans grève ».

C’est aussi l’avis de Nicolas Prévost, qui dit que, grève ou pas, il serait « surpris » que les candidats affluent à la suite de ces publications d’offres d’emploi.

Il n’y a plus personne qui répond à l’appel. On avait déjà remarqué avant la grève qu’il n’y avait plus personne qui est intéressé. C’était commencé bien avant.

Nicolas Prévost, président de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement

Bien des annonces ont été faites dans les dernières années pour tenter d’attirer de nouveaux candidats dans les écoles. Par exemple, des incitations financières ont été offertes par Québec aux retraités de l’enseignement et on invite ceux qui ne détiennent pas de brevet à envoyer leur candidature pour des postes généralement réservés à des enseignants qualifiés.

Professeure au département de gestion des ressources humaines de l’Université du Québec à Trois-Rivières, Chloé Fortin-Bergeron a elle aussi participé au webinaire du CRIMT. Elle estime que ce sont les conditions de travail qui nuisent au recrutement.

« Le gouvernement veut ouvrir des postes d’aide-enseignante, ça fait partie de ses offres […], mais si les gens ne postulent pas sur ces postes, qu’est-ce que ça donne ? », demande-t-elle.

Le « désengagement envers la profession enseignante » est au « plus profond », estime-t-elle aussi.

De son côté, Nicolas Prévost observe que la pénurie « s’accentue de semaine en semaine ».

Avec Ariane Krol, La Presse