(Québec) Le gouvernement Legault piétine et demeure très loin d’atteindre son objectif de fournir à tous les enfants une place en garderie subventionnée pour 2025.

Le Parti québécois (PQ) en est arrivé à ce constat en colligeant les données émanant du réseau.

En octobre 2021, la Coalition avenir Québec (CAQ) s’était engagée à créer 37 000 places subventionnées d’ici au 31 mars 2025, pour un coût de 3 milliards. Le premier ministre avait même manifesté alors son impatience et son empressement en laissant entendre qu’il trouvait l’échéance trop lointaine.

Or, en février dernier, la liste d’attente était encore de 30 660 enfants dont l’accès à une place était souhaité avant le 31 octobre 2023, sans même tenir compte des 34 000 autres dont la date de fréquentation souhaitée était ultérieure au 31 octobre.

Selon le ministère de la Famille, 14 596 places ont été réalisées au 31 décembre 2023, soit en un peu plus de deux ans et à 15 mois de l’échéance. Il en resterait donc 22 400 à créer d’ici au 31 mars 2025.

« C’est mission impossible », évalue le porte-parole du PQ en matière de Famille, Joël Arseneau, en entrevue avec La Presse Canadienne.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Le porte-parole du PQ en matière de Famille, Joël Arseneau

Du 31 janvier 2023 au 31 janvier 2024, 6048 nouvelles places subventionnées ont été créées au net : 2418 places en Centre de la petite enfance (CPE), plus 5907 places en garderies privées subventionnées, auxquelles il faut cependant soustraire 2277 places qui existaient déjà dans le privé non subventionné, mais qui ont été converties en privé subventionné.

Cela donne environ 500 places créées par mois. À ce rythme, de février 2024 à mars 2025, 6500 nouvelles places subventionnées auront été créées, encore loin du compte.

Si on prend un autre indicateur plus récent, dans un tableau du ministère de la Famille, daté du 31 janvier 2024, on indique que 15 366 places subventionnées en installations, CPE ou privé, ont été réalisées.

On rapporte également que 6190 places subventionnées ont été ajoutées en garderies en milieu familial, entre octobre 2021 et janvier 2024.

Le total serait alors de 21 556 places réalisées depuis que la CAQ a pris son engagement en octobre 2021 jusqu’au 31 janvier 2024 — même si dans son tableau le gouvernement ne semble pas prendre en compte les données des places subventionnées en milieu familial dans son calcul pour réaliser son engagement de 37 000.

L’écart entre 21 556, une donnée plus avantageuse, et l’objectif final de 37 000 places au 31 mars l’an prochain resterait tout de même de 15 444.

« Il faudrait plus que doubler la cadence » de création de places subventionnées pour que le gouvernement réalise son engagement, a évalué M. Arseneau.

L’opposition péquiste a effectué une projection à partir des données disponibles pour estimer le plus précisément possible quels seraient l’objectif et la cadence pour la prochaine année.

Le PQ a ajouté aux 6048 places subventionnées réalisées en installations (CPE et privé) en un an au 31 janvier 2024 les 1994 places réalisées en milieu familial dans la même période, ce qui donne 8042 places en un an.

Cela donne une moyenne de 670 places réalisées par mois.

Si on prend les 15 444 places qui restaient à créer le 31 janvier dernier et qu’on soustrait les 1340 places présumées créées à cette cadence en février et mars de cette année, on arriverait à 14 104 places subventionnées qui resteraient alors à créer d’ici à 31 mars 2025.

Or si 8042 places ont été créées un an de janvier 2024 à janvier 2025, il faudrait de beaucoup hausser le rythme pour arriver à réaliser 14 014 places supplémentaires, a fait remarquer M. Arseneau.

« C’est le minimum des minimums à créer », a-t-il estimé. Mais la marche pourrait bien être « encore plus haute », poursuit-il.

Car, en effet, cela demeure néanmoins plus optimiste que les 21 678 places qu’on dit être à l’étape « en réalisation » au 31 janvier 2024 qui apparaissent le tableau de bord du gouvernement, une mesure que l’opposition trouve imprécise parce qu’elle n’indique pas l’état d’avancement de la réalisation de ces places.

« On ne connaît pas la méthodologie gouvernementale et les partenaires [du milieu] disent aussi avoir du mal à interpréter les données [du tableau de bord]. »

Néanmoins, concrétiser les 21 678 places à l’étape « en réalisation » en un peu plus d’un an semble « hautement improbable », conclut le PQ.

À l’encontre de la loi

D’ailleurs, le PQ déplore que le gouvernement aille ainsi à l’encontre de sa propre loi.

En effet, Québec est tenu de prioriser les CPE dans l’attribution des places. Or la création des places actuellement favorise « très clairement » le développement du privé au détriment des CPE.

Il devrait d’abord s’adresser aux détenteurs de permis de CPE ou aux demandeurs de permis de CPE, a expliqué M. Arseneau, mais ce n’est pas le cas, parce qu’il y a beaucoup de places créées en installations privées subventionnées qu’en CPE.

Il n’y a même pas une seule mention des CPE dans le document du budget qui compte pourtant 434 pages, déplore le PQ.

« On ne va pas dans la bonne direction », a conclu M. Arseneau.

Le gouvernement a fait des promesses importantes par la voix du premier ministre et on est en train de conclure que ça n’arrivera pas.

Joël Arseneau, porte-parole du PQ en matière de Famille

Pas plus tard que jeudi, la question des places en garderie a fait l’objet d’échanges à la période de questions.

La députée libérale Jennifer Maccarone déplorait qu’au net, il se fût perdu 7000 places dans le réseau de garde subventionnées entre 2020 et 2024.

Pour sa part, la ministre de la Famille, Suzanne Roy se vantait d’avoir converti 9000 places en garderies privées non subventionnées en places subventionnées.