L’administration Plante recule sur sa promesse de mettre en place un registre obligatoire des loyers à Montréal, mais souhaite que Québec le fasse et assure qu’elle protégera mieux les locataires en détectant les logements insalubres et en punissant les propriétaires négligents.

Plutôt que d’instaurer son propre registre pour permettre aux locataires de connaître le loyer payé par l’occupant précédent, Montréal appuie financièrement celui qui a été créé par l’organisme Vivre en Ville, même s’il s’agit d’un outil strictement volontaire, a indiqué mercredi la mairesse Valérie Plante en conférence de presse.

« Nous sommes toujours en faveur d’un registre des loyers national, qui pourrait aller encore plus loin, mais nous avons un partenaire, Vivre en Ville, qui a mis en place un outil qui répond au même objectif », a-t-elle expliqué, en annonçant qu’une somme de 30 000 $ serait attribuée à l’organisme.

Inspections préventives

La mairesse a surtout insisté sur l’annonce du programme Propriétaire responsable, qui prévoit des inspections préventives des immeubles de six logements et plus pour débusquer ceux qui sont mal entretenus par leurs propriétaires. Des inspecteurs du Service de l’habitation et d’autres dans les divers arrondissements se chargeront de ces examens, avec un objectif de 10 000 visites en 2024.

Chaque fois qu’on entend l’histoire d’une famille prise en otage dans un logement insalubre ou qu’on rencontre des gens qui sont fâchés face à des propriétaires récalcitrants qui ne s’occupent pas de leur bloc appartements, on comprend les locataires d’être fâchés parce qu’on l’est aussi.

Valérie Plante, mairesse de Montréal

« On veut rendre les propriétaires plus imputables. Avant, les locataires avaient le fardeau de porter plainte contre un propriétaire. On veut renverser ce fardeau. Tous les résultats d’inspection seront accessibles publiquement, pour aider les locataires à défendre leurs droits. »

Les créanciers informés

En plus de remettre sur-le-champ des constats d’infraction aux propriétaires, variant entre 500 $ et 10 000 $, la Ville inscrira au registre foncier les « avis de détérioration » des immeubles en mauvais état, ce qui informera les prêteurs et les assureurs de la situation.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Benoit Dorais, responsable de l’habitation au comité exécutif

« Avec cette inscription, on alerte les créanciers. Un immeuble qui se détériore, la banque n’aime pas ça. Il y aura certainement des appels pour régulariser la situation, sinon des prêteurs pourraient rappeler l’hypothèque, alors les propriétaires devront prendre leurs responsabilités », explique le responsable de l’habitation au comité exécutif de la Ville, Benoit Dorais.

En parallèle, la mairesse Plante a révélé être en discussion avec le gouvernement du Québec pour augmenter les montants des amendes remises aux mauvais propriétaires, « actuellement insuffisantes », a-t-elle dit.

Les inspections préventives ont déjà commencé en janvier dernier : 45 immeubles de 100 logements et plus ont été visités, et sept d’entre eux présentaient des signes d’insalubrité, ce qui mène à des inspections plus approfondies, à la fois dans les espaces communs et dans les appartements.

Trop peu d’inspecteurs, dit l’opposition

Ces vérifications détaillées sont réalisées par 18 inspecteurs du Service de l’habitation de la ville-centre ; Montréal a embauché deux inspecteurs supplémentaires dans le cadre de ce projet.

Selon l’opposition à l’hôtel de ville, ce nombre est largement insuffisant pour l’ampleur de la tâche : il en faudrait au moins 50 pour inspecter les 19 000 immeubles de six logements et plus à Montréal, selon Julien Hénault-Ratelle, porte-parole du parti Ensemble Montréal en matière d’habitation.

« Avec les ressources actuelles, il faudrait 60 ans pour faire toutes les inspections des immeubles de six logements et plus, ce qui est inacceptable », dénonce-t-il, malgré le fait que l’administration ait expliqué qu’elle ciblera les édifices et les secteurs les plus à risque.

Il déplore aussi l’abandon par l’administration de sa « promesse phare » de mettre en place un registre des baux obligatoire, se contentant d’accorder 30 000 $ à Vivre en Ville, « des pinottes », dit M. Hénault-Ratelle, alors que la hausse des loyers atteint des niveaux records.

La mairesse Plante rétorque qu’en raison de problèmes légaux, la Ville n’aurait pas pu créer un tel registre sans des changements législatifs du côté du gouvernement du Québec, ce qui aurait pu prendre beaucoup de temps.

Un registre national ?

D’ailleurs, le directeur de l’habitation chez Vivre en Ville, Adam Mongrain, s’est réjoui de l’appui de l’administration montréalaise, ce qui pourrait mener, espère-t-il, à l’« institutionnalisation » du registre par le gouvernement du Québec.

Le partenariat avec la Ville de Montréal renforce le message au gouvernement du Québec pour que le registre obligatoire prenne vie. Notre but depuis le début, c’est que le gouvernement en prenne le contrôle. On présente ça comme un cadeau au gouvernement, qui a dit en 2022 qu’un tel registre coûtait trop cher.

Adam Mongrain, directeur de l’habitation chez Vivre en Ville

Le registre, monté depuis 2023 grâce à une subvention de 2,7 millions de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), compte actuellement 20 000 inscriptions pour l’ensemble de la province.

Par ailleurs, questionnée sur la baisse de 37 % du nombre d’habitations mises en chantier à Montréal en 2023, selon les données de la SCHL, la mairesse Valérie Plante a mentionné que la Ville examinerait ce qu’elle peut faire de plus pour renverser la tendance.

« Mais j’aimerais savoir ce qu’on peut avoir comme réflexion un peu plus large, plutôt que seulement ville par ville, sur ce qui peut être mis en place par les gouvernements supérieurs », dit-elle.