À l’école secondaire Antoine-de-Saint-Exupéry à Saint-Léonard – qui compte quelque 3200 élèves –, une vingtaine de jeunes combattent l’envie de rester au lit et, tous les neuf jours, arrivent une heure avant le début des cours pour aider ceux qui ont des difficultés. Et à les écouter, ils en tirent beaucoup plus que leur billet de bal, leur récompense officielle.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

« Après le confinement, je m’étais promis de répondre aux demandes des élèves qui étaient nombreux à me dire qu’ils avaient besoin d’un endroit calme où étudier, à l’école. Qu’à la maison, il y a souvent beaucoup de monde, trop de bruit. On a donc mis en place un programme d’aide aux devoirs entre élèves », ajoute Suzanne Capraro.

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« Je suis arrivée d’Haïti à 6 ans. Je parlais très bien français, mais comme je n’avais pas le même accent que les autres, j’avais si peur d’être jugée que j’en bégayais, raconte Christa Faïna Rejuste. Dire qu’aujourd’hui, certains jeunes que j’aide me vouvoient ! Ça me donne un coup de vieux ! Quand je constate leurs progrès, ça me fait plaisir. Ça me donne l’impression d’être une vraie prof qui serait allée à l’université pour faire ça ! »

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« Moi, il y en a qui m’appellent “Madame” ! », lance sa sœur jumelle, Christie Vaïna Rejuste. « Avant de venir aider ceux qui ont des difficultés, j’étais très timide et ça m’a amenée à être plus ouverte. Et mes parents, qui sont des immigrants, ont été tellement fiers quand ils ont su que leurs filles étaient maintenant celles qui aidaient les autres à l’école ! » Les difficultés rencontrées par les élèves immigrants reviennent souvent au fil de la discussion. « Les nouveaux, on doit leur dire qu’ici, ce n’est pas une école comme dans les films américains, qu’on n’est pas en danger ! », dit Christa, ses camarades approuvant et rigolant en pensant à tous les stéréotypes qu’ils entendent sur leur école.

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L’inclusion et le sentiment d’appartenance aussi sont des thèmes évoqués par le groupe. « Avant, j’étais en sport-études, en soccer. Quand je suis sorti du programme, j’ai senti un vide. J’avais besoin de m’enraciner autrement à l’école, de m’y refaire ma place, d’être utile, témoigne Victor Chobadindegui. Ça fait du bien aux jeunes qu’on aide, aussi, de savoir qu’ils ne sont pas seuls à avoir du mal avec certaines notions, que l’année dernière, toute ma classe a eu de la misère avec le champ magnétique. » (Les jeunes lâchent un cri à l’unisson. Manifestement, le champ magnétique est un très mauvais moment à passer.)

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Certaines matières donnent plus de fil à retordre aux élèves immigrants que d’autres, comme l’explique Rym Safsaf (au premier plan) : « Je suis arrivée d’Algérie en 3e secondaire. L’an dernier, j’ai fait de l’aide en mathématiques, et maintenant, je donne un coup de main en histoire. Parce que quand on arrive d’un autre pays, c’est vraiment dans cette matière qu’on a de la difficulté. » (En 4e secondaire, les élèves ont un examen du Ministère qui porte sur l’histoire du Québec et du Canada.)

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Malak Miloud peut aussi en témoigner. « En plus du programme d’aide aux devoirs, je me suis aussi portée volontaire pour accueillir les nouveaux arrivants, leur faire visiter l’école, dit-elle. Et c’est ce que je leur dis toujours : en mathématiques, ça ira. Mais en histoire, ils doivent travailler fort. Depuis septembre, j’ai accueilli 16 nouveaux élèves ! Seize ! Ça m’a étonnée que j’en aie accompagné autant ! »

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« Pour les parents, quand ils viennent d’immigrer, c’est rassurant de savoir que leurs enfants ne sont pas livrés à eux-mêmes à l’école, qu’ils sont même accompagnés par des jeunes qui sont originaires du même pays qu’eux », affirme l’enseignante Nabila Hamiche. « Oui, confirme Malak, les parents sont inquiets et ils transmettent souvent leurs peurs à leurs enfants. En parlant avec les nouveaux élèves, je détruis souvent les préjugés que les jeunes ont sur le Canada. »

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« Oui, l’école Antoine-de-Saint-Exupéry, c’est une très grosse école. Bien sûr, tout n’y est pas parfait, nous ne mettons pas de lunettes roses, admet la directrice de l’école, Geneviève Dandurand. Mais il y a ici un sentiment d’appartenance hors du commun, y compris des enseignants – près d’une dizaine d’entre eux sont même d’anciens élèves qui ont l’école tatouée sur le cœur. Les jeunes qui ont reçu de l’aide ne l’oublient pas et ils tiennent à redonner au suivant. »