Des professeurs de l’UdeM estiment que les « déclarations alarmistes » de Québec ralentissent les négociations

Les politiciens devront se tenir « éloignés des micros » pour faire avancer les négociations en cours dans le secteur public, jugent six professeurs spécialisés en relations industrielles et en droit du travail de l’Université de Montréal.

Ces professeurs estiment que les négociations se dérouleraient plus facilement « si les dirigeants des parties cessaient de réagir publiquement dans une logique de confrontation », lit-on dans un communiqué diffusé mardi.

L’Université de Montréal a annoncé la tenue prochaine d’un webinaire sur les négociations dans le secteur public. Y seront présents les professeurs de l’École de relations industrielles Mélanie Laroche, Gregor Murray, Patrice Jalette, Dalia Gesualdi-Fecteau et Mélanie Dufour-Poirier, ainsi que la professeure à la faculté de droit Renée-Claude Drouin.

En entrevue, Mélanie Laroche dit que les sorties publiques du gouvernement ne servent personne.

On utilise le micro et les médias pour faire des déclarations alarmistes et aller chercher l’appui de la population. On se rend compte que ça n’aide pas aux tables de négociation, ça crée des braquages et des gens en colère.

Mélanie Laroche, professeure à l’École de relations industrielles

PHOTO FOURNIE PAR MÉLANIE LAROCHE

Mélanie Laroche, professeure à l’École de relations industrielles

Ces déclarations, poursuit Mme Laroche, ne rendent pas compte de toute la complexité qu’il y a derrière le travail de négociations. « Ce n’est jamais aussi simple », dit-elle, en citant par exemple la question des affectations des profs, qui sont faites en août plutôt qu’en juin.

Elle fait observer que depuis que le Front commun a demandé la nomination d’un conciliateur, « le jeu s’est calmé » et peu de détails ont filtré sur la place publique.

Ces professeurs de l’Université de Montréal jugent également qu’il sera impossible de régler en quelques semaines et de manière centralisée les questions d’organisation du travail.

Le gouvernement ne « peut avoir des solutions de surface, cette fois-ci », dit Mélanie Laroche.

« Ils doivent avancer des solutions qui vont réellement améliorer les conditions de pratique », poursuit la professeure.

« Ça va être difficile », reconnaît-elle toutefois. « Ce sont des enjeux qui traînent depuis plusieurs années, qui reviennent de ronde de négociation en ronde de négociation et qui ne sont pas simples à régler », dit Mélanie Laroche.

« Les deux parties ont gros à jouer »

Les 66 000 profs affiliés à la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) qui sont en grève générale illimitée depuis le 23 novembre sont sans fonds de grève, rappelle la professeure Dalia Gesualdi-Fecteau. Ils ne peuvent donc demander aux membres d’aller obligatoirement sur les lignes de piquetage.

« Quand on n’a pas de fonds de grève, on a des enjeux qui se posent pour assurer cette présence, cette mobilisation soutenue, cette démonstration de solidarité. Il y a toute la question de la capacité financière des membres de se maintenir dans le conflit », dit Mme Gesualdi-Fecteau.

PHOTO FOURNIE PAR DALIA GESUALDI-FECTEAU

Dalia Gesualdi-Fecteau, professeure à l’École de relations industrielles

Jusqu’à maintenant, ajoute Mélanie Laroche, le syndicat enseignant « a bien réussi le pari » de la mobilisation.

« Je n’ai pas l’impression que [le conflit] va durer encore très longtemps. Il y a un certain essoufflement de la part des salariés et de l’autre côté, il y a le gouvernement qui descend en flèche dans les intentions de vote. Les deux parties ont gros à jouer », dit Mme Laroche.

Sa collègue juriste est de cet avis. « Tout le monde a beaucoup à perdre que le conflit se maintienne et beaucoup à gagner que le conflit se résolve », dit Dalia Gesualdi-Fecteau.

Et puis, rappellent-elles, dans la négociation en cours, les parties s’entendent au moins pour dire qu’il faut un règlement avant Noël.

S’il y a entente de principe, encore doit-elle être entérinée par les membres, rappellent les professeures Gesualdi-Fecteau et Laroche.