(Québec et Montréal) Face aux avancées dans les négociations avec Québec, la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) évalue ses options. Parmi celles-ci : suspendre la grève générale illimitée ou demander l’intervention d’un conciliateur. François Legault affirme que la négociation « va bien » avec les enseignants, et met la pression sur le syndicat des infirmières.

Comme chaque semaine, le Conseil fédératif de négociation de la FAE, qui regroupe les exécutifs des syndicats membres, se réunissait jeudi. Entre autres options, celui-ci pourrait décider de poursuivre la grève, de la suspendre ou encore de demander l’intervention d’un conciliateur, comme l’a fait le Front commun.

En fin de soirée, la FAE a indiqué que la réunion allait se poursuivre ce vendredi, ce qui n’est toutefois pas exceptionnel puisqu’elle avait débuté jeudi plus tard qu’à l’habitude.

Le ministre de l’Éducation dit avoir « espoir » que la grève sera suspendue.

« C’est à eux de prendre cette décision, mais s’ils annonçaient qu’ils vont suspendre la grève, ce serait une très bonne chose pour les enfants, leurs parents et évidemment pour le personnel scolaire qui trouve ça difficile », a déclaré le ministre Bernard Drainville.

« Avant de dire comment se fera le rattrapage, il faut voir combien de temps va durer la grève. Je le dis et je le répète, je souhaite que l’on conclue des ententes le plus vite possible », a plaidé de son côté le premier ministre. M. Legault s’est d’ailleurs montré optimiste : « Je trouve que ça va bien avec les enseignants. »

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Le premier ministre du Québec, François Legault

La présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, a brièvement indiqué jeudi que « les canaux de communication » ont toujours été ouverts, y compris avec la FAE. « Maintenant, ils ont des instances à faire aujourd’hui, alors on va les laisser faire leurs discussions », a-t-elle dit.

Mercredi, la présidente de la FAE disait souhaiter que Québec intensifie les pourparlers pour arriver à une entente avant Noël. « Ça ne va pas bien aux tables [de négociation], on n’avance pas », avait déclaré Mélanie Hubert.

Les enseignants « tiennent le coup »

Jeudi matin, devant l’école Marie-Anne à Montréal, les grévistes semblaient plus déterminés que jamais à ne pas lâcher le morceau.

« On tient le coup parce qu’il le faut », a dit Amy Lincourt, enseignante de cette école. Elle a dit souhaiter une résolution rapide du conflit, notamment pour ses élèves, des raccrocheurs âgés de 16 à 21 ans, mais a néanmoins souligné qu’elle n’était « pas à rabais ».

« On va rester aussi longtemps qu’il le faut pour qu’il y ait de vrais changements », a ajouté l’enseignante, qui termine sa maîtrise qualifiante pour obtenir son brevet d’enseignement.

Et financièrement ? « Je me suis préparée parce qu’on nous avait avertis. La cause justifie ce type de sacrifice. On en fait sans arrêt en classe, que ce soit maintenant au niveau financier, c’est la suite logique des choses », a dit Mme Lincourt.

Sur ses patins à roues alignées, l’enseignant Tuan Bui circulait entre les voitures qui klaxonnaient, rue Sauvé.

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Sur ses patins à roues alignées, l’enseignant Tuan Bui circulait entre les voitures qui klaxonnaient, rue Sauvé.

Il en est à sa 18année comme prof et insiste sur les conditions de travail qui doivent être améliorées, notamment en ce qui a trait à l’intégration des élèves. « Le retour des vraies classes d’adaptation rendrait les classes régulières plus légères », a dit celui qui a beaucoup travaillé dans les écoles primaires. « La tâche est lourde », a ajouté M. Bui.

Père de famille âgé de 40 ans, il est prêt à rester dans la rue tant qu’il le faudra. « On vide le CELI, a-t-il dit en riant. Il faut le faire, sinon qui va le faire ? »

Pression sur la FIQ

Jeudi, François Legault a mis la pression sur la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), qui, comme la FAE, ne fait pas partie du Front commun intersyndical. Si le premier ministre a affirmé que la négociation « va bien » avec les enseignants, elle est plus « compliquée » avec le plus important syndicat d’infirmières. « Avec les infirmières et la FIQ, c’est plus compliqué », a-t-il lancé.

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La FIQ, qui réunit 80 000 professionnelles en soins, sera de nouveau en grève du 11 au 14 décembre.

« Je trouve que ça n’a pas de bon sens qu’un syndicat puisse bloquer, par exemple, une prime qu’on veut donner à une infirmière de nuit parce qu’il nous en manque de nuit, ou une prime qu’on veut donner à une infirmière qui accepte d’aller travailler dans une région où il manque beaucoup d’infirmières », a souligné M. Legault à son arrivée à la période des questions, jeudi à l’Assemblée nationale.

Ça n’a pas de bon sens que la FIQ dise : “Moi, je veux continuer d’être capable de bloquer cette flexibilité.” On n’arrivera jamais, jamais à améliorer les services en santé si on n’a pas de la flexibilité de la part du syndicat de la FIQ.

François Legault, premier ministre du Québec

La FIQ a vivement réagi aux propos du premier ministre : « Y a des limites à dire des faussetés. Des primes, il y en avait dans la convention. Ce n’est pas une nouveauté. Actuellement, la FIQ se bat pour que le salaire des professionnelles en soins qui travaillent la fin de semaine soit majoré de 50 % du taux normal et c’est le gouvernement qui bloque », a répliqué la présidente du syndicat, Julie Bouchard, dans un communiqué.

Selon elle, il y a « des avancées à la table de négociation », contrairement à ce que laisse entendre M. Legault. « On n’a pas encore fait de gains réels, mais le dialogue est meilleur et il y a de l’ouverture de part et d’autre. On ne comprend vraiment pas pourquoi le premier ministre nous blâme ainsi sur la place publique ce matin. Ce n’est pas une représentation fidèle de ce qui se passe dans la négociation », a ajouté Mme Bouchard.

La FIQ, qui réunit 80 000 professionnelles en soins, sera de nouveau en grève du 11 au 14 décembre. Le syndicat réclame notamment une loi sur des « ratios sécuritaires » en soins de santé au Québec et diverses mesures pour améliorer la conciliation vie personnelle-travail.

Avec la collaboration de Vincent Larin, La Presse