Les universités anglophones du Québec ont fait une proposition qualifiée de « bonifiée » au gouvernement Legault concernant les hausses de frais de scolarité pour les nouveaux étudiants étrangers et d’autres provinces canadiennes.

Le gouvernement provincial a annoncé le 13 octobre que les étudiants canadiens qui entameront leurs études à l’automne 2024 paieront l’équivalent de ce que leur formation coûte au gouvernement, soit 17 000 $ par année, au lieu des 9000 $, actuellement.

Les étudiants internationaux devraient quant à eux débourser 20 000 $ de frais de scolarité.

Samedi matin, les universités Bishop’s, Concordia, et McGill ont présenté au gouvernement caquiste une nouvelle offre qui propose des augmentations de frais de scolarité des étudiants canadiens hors Québec en fonction des différentes disciplines d’étude.

Concrètement, la proposition suggère que les étudiants en arts, sciences, éducation, sciences infirmières, psychologie et agriculture – qui représente 79 % des étudiants hors Québec – paient 9000 $ de droit de scolarité.

Lors d’une conférence de presse samedi matin, Fabrice Labeau, premier vice-principal exécutif adjoint à l’Université McGill, a indiqué que les frais pour ces programmes dans les autres provinces s’élevaient à environ 6000 $ par an.

Dans la proposition des universités anglophones, les étudiants en génie, informatique, et administration devraient payer 14 000 $. Ce groupe représente 16 % des étudiants canadiens hors Québec dans les universités concernées. À titre comparatif, les étudiants des universités de Toronto et de la Colombie-Britannique doivent payer respectivement 14 500 $ et près de 8000 $.

Le plus haut palier qui vise les étudiants en médecine, médecine dentaire, droit et pharmacie s’élèverait à 20 000 $, soit bien en dessous des frais des autres provinces, reconnaît M. Labeau, qui souligne toutefois qu’ils ne représentent que 5 % de leur clientèle canadienne hors Québec.

Lors de l’annonce du gouvernement en octobre, la ministre de l’Enseignement supérieur Pascale Déry avait précisé qu’il s’agissait d’un tarif plancher, les universités conservant le droit de facturer des montants discrétionnaires.

Mais selon les universités McGill, Concordia et Bishop’s, il est presque impossible d’attirer des étudiants hors Québec si les frais s’élèvent à 17 000 $.

Ils affirment que les frais de scolarité moyens sont déjà plus élevés au Québec qu’ailleurs au pays, à 9000 $ contre 7500 $. Ils soulignent par ailleurs que les droits de scolarité sont les mêmes pour toutes les disciplines au Québec contrairement au reste du Canada.

« La différence entre les frais chargés au Québec et dans les autres provinces devient telle qu’il est quasiment impossible d’imaginer que des étudiants viendraient encore au Québec s’ils viennent d’autres provinces », a déclaré M. Labeau.

Chute des inscriptions

Les universités anglophones affirment que l’annonce du gouvernement provincial sur les augmentations potentielles a déjà des impacts sur les demandes d’admissions des étudiants canadiens hors Québec. L’Université McGill a fait savoir que celles-ci ont chuté de 20 % comparé au même moment l’an dernier et l’Université Concordia de 16 %.

M. Labeau a indiqué que l’université avait le son de cloche des parents d’étudiants qui se désistent. « Cette incertitude, cette possibilité de devoir payer jusqu’à trois fois plus que ce qu’ils devraient payer s’ils vont à l’université de Toronto, […] il n’y a aucun doute sur la provenance de [cette baisse des inscriptions] », a-t-il souligné.

Par ailleurs, l’agence de cotation Moody’s, qui évalue notamment la capacité financière des universités, a publié un communiqué de presse cette semaine en plaçant les universités McGill et Concordia à risque de voir sa cote de crédit se dégrader. « Cela affecte inévitablement les coûts de financement pour nos universités », a affirmé samedi Deep Saini, principal et vice-chancelier de l’Université McGill.

« L’heure est grave pour McGill, Concordia et Bishop’s et c’est également grave pour les autres universités du Québec. La hausse des droits de scolarité pour les étudiants canadiens non résidents du Québec annoncés par la ministre Déry aura des effets catastrophiques pour McGill et pour le Québec », a déclaré M. Saini.

Améliorer le français

Les universités McGill, Concordia et Bishop’s soutiennent que leur proposition est un « compromis visant à atteindre les objectifs de promotion et de protection de la langue française ».

Pour ce faire, ils comptent déployer un programme de francisation qui vise à ce que 40 % des étudiants non francophones au premier cycle atteignent un niveau 6 en français à leur diplomation, considéré comme un niveau intermédiaire selon l’Échelle québécoise des niveaux de compétence en français.

Dans une proposition que les universités anglophones ont présentée au gouvernement le 6 novembre, ils détaillaient la façon dont ils voudraient améliorer le français.

D’abord, en rendant les cours de français langue seconde plus accessibles en les intégrant dans les programmes. Les universités McGill et Concordia ont affirmé qu’ils seraient prêts à rendre obligatoire des cours de français pour les étudiants canadiens hors Québec.

Ils suggèrent aussi de bonifier l’offre de stage en français et souhaitent offrir des « d’activités de nature à favoriser une meilleure compréhension de la culture québécoise ».

Par rapport à la rétention des étudiants, les universités ne possèdent pas de données en la matière. « Ça fait partie de nos propositions, a mentionné M. Labeau. On veut un cadre d’étude pour connaître la rétention des étudiants. Avant de se lancer dans des politiques qui sont basées sur cette hypothèse que tout le monde repart, il faudrait qu’on ait des données ».

Il estime qu’améliorer la connaissance de la culture québécoise et de la langue française contribuera à retenir davantage les étudiants de l’extérieur du Québec dans la province.

« Le Québec est un pôle d’attraction, on a la force d’attirer des étudiants de partout dans le monde, y compris de partout au Canada, parce qu’entre autres Montréal est une des villes universitaires les plus vivantes du monde. On est la deuxième ville universitaire la plus grande après Boston, en Amérique […] on a tous ce qu’il faut pour retenir les gens ici », a conclu M. Labeau.