(Québec) Le gouvernement Legault révise la politique de financement des universités pour les inciter à répondre à la pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs. Elles toucheront 700 $ par étudiant inscrit et 9000 $ par diplômé dans des « domaines prioritaires ».

Ce qu’il faut savoir

  • Une révision importante du financement des universités sera annoncée bientôt.
  • Selon un document que La Presse a obtenu, Québec va verser aux universités 700 $ pour chaque étudiant inscrit et 9000 $ pour chaque diplômé dans des « domaines prioritaires ».
  • Les domaines ciblés sont le génie, l’enseignement, les technologies de l’information, la santé et les services sociaux.

Les domaines visés par Québec sont le génie, l’enseignement, les technologies de l’information, la santé et les services sociaux. Ce sont les mêmes domaines visés par le gouvernement avec ses bourses aux étudiants Perspective Québec, un programme lancé il y a deux ans et dont les résultats sont décevants, selon l’Université de Montréal.

La Presse a obtenu un document de présentation du ministère de l’Enseignement supérieur au sujet des « principales mesures » de la nouvelle politique de financement des universités qui sera dévoilée plus tard ce printemps. La ministre Pascale Déry a décliné une demande d’entrevue.

Tous les cinq ans, Québec revoit sa politique de financement et la répartition des quelque quatre milliards de dollars qu’il verse aux universités annuellement. Les nouvelles orientations sont très attendues.

Le gouvernement chiffre à 428 millions par année à terme, d’ici cinq ans, l’impact des « principales mesures prévues à la nouvelle politique de financement ».

La mesure la plus importante, estimée à 170 millions, vise à augmenter l’inscription et la diplomation d’étudiants dans des « domaines prioritaires ».

Nouvelles règles

D’une part, une nouvelle règle budgétaire sera créée « afin de soutenir l’augmentation des cohortes et la persévérance des personnes inscrites dans les programmes universitaires dans les domaines prioritaires ». Les programmes ciblés au baccalauréat sont dans les domaines « du génie, des technologies de l’information, de l’enseignement, et de la santé et des services sociaux ». La mesure concerne également la maîtrise en service social et le doctorat en psychologie.

« Pour chaque personne inscrite » dans l’un ou l’autre des programmes visés, « l’établissement reçoit la somme de 700 $ », peut-on lire dans le document. Québec estime que cette mesure incitative à l’inscription coûterait 50 millions par année à terme.

Le reste de l’enveloppe (120 des 170 millions) est consacré à une nouvelle règle budgétaire visant à « favoriser l’augmentation du nombre de personnes diplômées dans les domaines prioritaires ».

« L’allocation est calculée sur la base du nombre de personnes ayant obtenu un grade universitaire en complétant avec succès un programme d’un domaine prioritaire au cours de la dernière année civile déclarée, à raison de 9000 $ par baccalauréat, 9000 $ par maîtrise et 10 000 $ par doctorat. »

Des bourses efficaces ?

Ce n’est pas la première tentative du gouvernement visant à augmenter les inscriptions dans les secteurs en pénurie de main-d’œuvre.

Depuis deux ans, il verse une bourse de 2500 $ à chaque étudiant à temps plein inscrit dans les mêmes programmes « prioritaires », en vertu de son programme Perspective Québec.

Or, La Presse écrivait en novembre 2022 que certains établissements comme l’Université de Montréal avaient observé une diminution des inscriptions malgré les bourses1. Son recteur Daniel Jutras a confirmé la poursuite de cette tendance à la baisse dans une entrevue à Radio-Canada cette semaine.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Le recteur de l’Université de Montréal, Daniel Jutras, en février dernier

L’université est passée de 6600 étudiants inscrits en 2021 à 5402 en 2023 dans les programmes liés à l’enseignement, aux technologies de l’information, à la santé et aux services sociaux. Le recteur remet en question l’efficacité de la mesure.

Le gouvernement réplique que le nombre total d’étudiants universitaires ayant bénéficié d’une bourse est passé de 34 992 à l’automne 2022 à 37 231 à l’automne 2023. C’est une hausse de 2239 (ou 6,4 %). La bourse n’est pas versée automatiquement ; chaque étudiant doit en faire la demande.

Si l’on tient compte des cégépiens inscrits dans des domaines également visés par Québec, près de 400 millions ont été distribués depuis deux ans en bourses, sur un budget de 1,7 milliard en cinq ans.

Recruter et intégrer les étudiants étrangers

La nouvelle politique de financement prévoit une enveloppe de 100 millions de dollars par année, à terme, pour « soutenir les efforts des établissements universitaires francophones, principalement », pour recruter, accueillir et intégrer des étudiants canadiens non résidents du Québec et internationaux.

Cette mesure est financée directement par la nouvelle politique de tarification annoncée par Pascale Déry en décembre. Les droits de scolarité passeront de 9000 $ à 12 000 $ par an pour les étudiants canadiens non résidents du Québec l’automne prochain. Cette mesure touche McGill et Concordia – Bishop’s bénéficie d’une forme d’exemption. Les étudiants du reste du Canada qui vont étudier dans une université francophone continueront de payer 9000 $. Pour les étudiants étrangers, Québec a décidé de fixer un tarif plancher de 20 000 $, somme sur laquelle il percevra environ 3000 $.

La nouvelle politique de financement prévoit par ailleurs une « compensation temporaire » de 55 millions « afin d’assurer une transition harmonieuse entre l’ancienne et la nouvelle tarification ».

Des allocations revues

Québec modifie différentes allocations de l’ancienne politique de financement des universités et fait passer la cagnotte totale de 248 à 300 millions de dollars, une bonification de 52 millions.

En outre, Québec augmente le financement inconditionnel de toutes les universités pour les rendre moins dépendantes aux subventions basées essentiellement sur le nombre d’étudiants.

Des changements sont apportés aux allocations pour les universités en région, de petite taille ou à « missions particulières ».

Les « établissements régions ressources » – UQAR, UQAC et UQAT – toucheront six millions chacun « pour le maintien d’une offre de services sur l’ensemble du territoire québécois ». Les « établissements missions recherche » bénéficient d’une allocation spéciale (35 millions pour l’INRS, 2,5 millions pour l’UQAR et un million pour Bishop’s). Il y a une autre « allocation particulière pour les missions gouvernementales » : par exemple, le siège social de l’Université du Québec touchera six millions pour son fonctionnement et 20 millions pour le « rayonnement du réseau de l’UQ », qui compte 10 établissements.

Par ailleurs, une nouvelle règle budgétaire est mise en place, d’une valeur de 50 millions par année, pour augmenter le financement « des ressources informationnelles et de la transformation numérique ».

1. Lisez l’article « Lutte contre la pénurie de main-d’œuvre : des bourses d'études aux effets limités »
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    Taux d’indexation des droits de scolarité qui sera imposé aux étudiants cet automne. Cela correspond au plafond fixé dans la Loi limitant l’indexation de plusieurs tarifs gouvernementaux en vigueur depuis l’an dernier.
    Source : document du ministère de l’Enseignement supérieur obtenu par la presse