Les parents et les enseignants les réclament, le gouvernement Legault les voit dans sa soupe. Voilà qu’à son tour, le président de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) change son discours sur les programmes particuliers au secondaire (en danse, en musique, en soccer, etc.), juge « réducteur » d’en parler encore comme d’une « troisième vitesse » et considère le dossier comme une priorité qui sera au cœur de son congrès de juin.

Ce qu’il faut savoir

Pour concurrencer l’école privée, le réseau public offre depuis quelques années des concentrations sportives, artistiques, culturelles ou scientifiques.

Ces programmes, souvent offerts uniquement aux élèves ayant de bonnes notes, ont souvent été critiqués et qualifiés de « troisième vitesse ».

Le plus gros syndicat en éducation s’y montre maintenant nettement plus ouvert.

En entrevue avec La Presse, Éric Gingras admet qu’il y a un « changement dans la posture syndicale ».

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Éric Gingras, président de la Centrale des syndicats du Québec

Il y a 30 ans, affirme-t-il, son syndicat aurait dit des programmes particuliers « qu’il faut complètement les tasser ». « Mais là, les professeurs, le personnel reconnaît que c’est intéressant » et que les élèves y trouvent une source d’inspiration.

Comme l’explique M. Gingras, ces programmes particuliers au secondaire ont été mis en place pour concurrencer l’école privée, qui base une bonne partie de son marketing sur ces concentrations.

À plusieurs endroits, ces programmes particuliers ont redoré le blason d’écoles publiques, des reportages louangeurs vantant leurs mérites.

Leur effet pervers demeure, cependant. Comme plusieurs d’entre eux sélectionnent les élèves sur la base des notes, les programmes réguliers sont souvent vidés de leurs meilleurs élèves et ceux qui s’y trouvent toujours se sentent stigmatisés.

Quand ils sont inscrits au secteur régulier, relève M. Gingras, les jeunes disent quand on les interroge : « Moi, je ne suis dans rien. »

Le privé en bonne santé

Audrée Gilbert Couture, dont la fille Marion (en 5année) réfléchit à fond sur son choix d’école secondaire, le résume bien. « De nos jours, envoyer nos enfants au régulier, c’est presque considéré comme les négliger. »

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Audrée Gilbert Couture et sa fille Marion, élève de 5e année

Que cherche-t-elle tant elle-même dans un programme particulier à l’école secondaire ? « La discipline, l’encadrement », répond-elle.

Tenir sa fille occupée autant que possible, c’est pour elle « un filet de sécurité » contre le flânage ou les mauvaises fréquentations.

Dans cette famille, c’est donc du sérieux : sa fille visitera en tout sept ou huit écoles et elle sera inscrite dans plusieurs d’entre elles en même temps. Mme Gilbert Couture s’est fait un fichier Excel consignant les différentes facettes des écoles privées ou publiques envisagées. « Je prévois consacrer 1000 $ en frais d’inscription », dit-elle.

Le public, pour cette famille comme pour tant d’autres, reste dans l’équation, en raison de leurs programmes particuliers. Les écoles privées craignent-elles de perdre leur avantage concurrentiel ?

David Bowles, président de la Fédération des établissements d’enseignement privé du Québec, assure que non. « Il y a dix ans, on avait plus de difficultés à remplir nos groupes, mais ce n’est plus le cas. »

Au Collège Charles-Lemoyne, qu’il dirige aussi, il indique avoir une liste d’attente de 200 élèves.

M. Bowles souligne lui-même l’attrait des programmes particuliers, le hockey scolaire étant particulièrement recherché, les parents trouvant que cela allège beaucoup l’emploi du temps familial.

Les chiffres d’Hockey Québec confirment cet engouement. En 2018-2019, 4207 étaient inscrits dans le hockey scolaire. En 2022-2023, ce chiffre a bondi à 7640 jeunes.

Pour Éric Gingras, de la CSQ, il reste qu’il faut éviter le « mur-à-mur », penser à tort que les programmes particuliers sont la solution à tout. Ceux-ci doivent surtout être accessibles à tous, sans égard aux notes des élèves ou à la capacité de payer des parents.

Et « il ne faut pas que ce qui est offert ne soit que des programmes sportifs », dit-il.

Miser sur le parascolaire

Suzanne-G. Chartrand, professeure à la retraite de l’Université Laval et fondatrice du mouvement Debout pour l’école !, pense de même et ajoute que les concentrations – un terme qu’elle préfère – doivent être « de qualité ». « Il ne faut pas que ça soit du n’importe quoi. »

Il serait aussi très regrettable, à son avis, que toutes les autres possibilités soient évacuées. Elle plaide notamment pour davantage d’activités parascolaires, une option trop souvent négligée, selon elle. Les jeunes du secondaire sortent souvent de l’école peu après 15 h, « puis ils sont sur leur tablette », se désole-t-elle.

Des activités à l’école, mais hors horaire, auraient aussi l’avantage, conclut-elle, « de ne pas enlever d’heures à l’enseignement régulier », comme c’est le cas quand les écoles offrent des concentrations.

En savoir plus
  • 75 %
    Taux de participation des élèves du secondaire public (cible de 2026-2027) à un programme particulier
    Source : Plan stratégique 2023-2027 du ministère de l’Éducation