(Montréal) Une campagne nationale visant à contrer les violences à caractère sexuel dans les milieux d’enseignement supérieur a été lancée, mardi matin, par le Centre d’études sur l’apprentissage et la performance (CEAP) de l’Université Concordia.

La campagne, intitulée « On s’écoute : le consentement, ça s’apprend », offre une formation clé en main sur le consentement sexuel dans une vidéo d’une vingtaine de minutes animée par l’autrice québécoise et l’idéatrice de la campagne, Léa Clermont-Dion. En plus d’aborder la notion de consentement, la formation déconstruit certains mythes et préjugés portant sur les violences sexuelles.

Rappelons qu’une personne sur trois rapporte avoir subi au moins une forme de violence sexuelle depuis son arrivée dans un établissement d’enseignement, selon l’Enquête sexualité, sécurité et interactions en milieu universitaire (ESSIMU).

Le harcèlement sexuel est la forme la plus fréquente de violence sexuelle en milieu universitaire et collégial. Le plus souvent, il s’agit de gestes non désirés, non consentants et offensants.

D’emblée, Mme Clermont-Dion reconnaît que 20 minutes ne sont pas suffisantes pour apprendre le consentement sexuel, mais elle souligne qu’il ne s’agit que d’une introduction et que même une courte entrée en matière peut avoir un impact.

Le projet de sensibilisation s’étale sur quatre ans, précise Mme Clermont-Dion, qui est aussi associée de recherche postdoctorale au CEAP. L’an prochain, il est prévu de s’attaquer aux mêmes types d’enjeux qui sévissent dans les milieux sportifs académiques.

« Cette campagne, elle est essentielle parce qu’on ne s’écoute plus. On est dans un contexte de polarisation, il y a une toxicité ambiante qui est vraiment déplorable », dénonce Mme Clermont-Dion. Elle mentionne que la précédente campagne « Sans oui, c’est non » promue dans le contexte #moiaussi a été une inspiration pour ce projet.

PHOTO RYAN REMIORZ, LA PRESSE CANADIENNE

Léa Clermont-Dion

Dans une vidéo préenregistrée diffusée lors du lancement de la campagne à l’Université Concordia, la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, a reconnu que ces dernières années, le mouvement de dénonciation des violences sexuelles « n’a cessé de prendre de l’ampleur ».

« On assiste déjà à un changement de culture dans nos établissements, mais il reste encore du travail à faire pour garantir un environnement sécuritaire sur nos campus », a déclaré la ministre.

La campagne nationale du CEAP fait partie des mesures du ministère de l’Enseignement supérieur dans son Plan d’action visant à prévenir et à contrer les violences à caractère sexuel en enseignement supérieur 2022-2027.

Cette initiative a pour but d’appuyer les établissements d’enseignement dans la mise en place d’activités de formation obligatoires pour les étudiants ainsi que les membres du personnel. Les milieux scolaires ont l’obligation d’assurer de telles activités en vertu de la Loi visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d’enseignement supérieur.

Bien que la mise en place de ces formations soit obligatoire, les établissements scolaires ne sont pas obligés d’en faire la promotion.

Selon Léa Clermont-Dion, 64 % des institutions universitaires ont fait savoir qu’elles avaient l’intention de promouvoir la campagne nationale. Avec son équipe, l’autrice a l’intention de faire des conférences et formations dans plusieurs écoles, plus spécifiquement celles qui n’ont pas garanti qu’elles mettraient de l’avant la formation. Des milieux traditionnellement masculins « plus difficiles à aller chercher » sont aussi visés par ces conférences sur le terrain.

La nouvelle campagne fait également la promotion de capsules vidéo présentant des témoignages de victimes de violences à caractère sexuel et des expertes partagent leur savoir sur ces enjeux.

Les vidéos abordent plusieurs aspects, notamment la prévalence chez certains groupes marginalisés, le contexte d’alcool et de drogue ainsi que le rapport à l’autorité.

« Toute la notion de consentement dans le contexte d’alcool, elle est très floue. Sur les campus, sur le terrain, il y a de gens qui nous disent qu’il ne le savait pas qu’une personne en état d’ébriété ne peut pas donner son consentement libre et éclairé », s’étonne Mme Clermont-Dion.

Elle a rencontré des représentants d’associations étudiantes qui lui auraient dit qu’éduquer sur le consentement dans un contexte d’alcool, « ce n’était pas gagné d’avance ».

« Je pense qu’il ne faut pas être naïf, les violences vont toujours exister, mais on peut aider en offrant de l’aide. On peut aussi tenter de prévenir certains gestes », estime la codirectrice de la campagne.

Elle souligne qu’en contexte d’enseignement supérieur, des violences sont perpétuées quand une personne est en situation d’autorité « et ces situations sont totalement et toujours inacceptables ».

« C’est important d’en parler parce que c’est tabou », dit-elle.

Une carte interactive qui rassemble des ressources pour les victimes est par ailleurs disponible sur le site web onsecoute.com, ainsi que la formation et les capsules vidéo de témoignages.

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