L'opposition péquiste s'est attaquée au ministre de la Justice Jean-Marc Fournier, jeudi, estimant qu'il a été désavoué par les cafouillages qui ont finalement forcé le gouvernement à doter la commission Charbonneau des pleins pouvoirs d'enquête sur le milieu de la construction.

La députée Véronique Hivon a laissé entendre que M. Fournier a perdu l'autorité morale d'exercer ses fonctions, ce que le principal intéressé a réfuté de manière laconique en Chambre, suscitant les applaudissements dans les rangs libéraux.

Mme Hivon, porte-parole péquiste en matière de justice, a soutenu que M. Fournier a été désavoué par la communauté juridique en servant les intérêts politiques du premier ministre Jean Charest plutôt que ceux des institutions judiciaires.

«Les applaudissements et la crédibilité, c'est deux choses bien distinctes, a-t-elle dit. Malheureusement, le gouvernement continue la partisanerie.

«Le premier ministre et son ministre de la Justice pourraient peut-être avoir un petit peu plus de sérieux et un petit peu plus d'égard pour toute la communauté juridique qui a désavoué, le Barreau en tête, le ministre de la Justice.»

Le leader parlementaire Stéphane Bédard a pour sa part déclaré que la volte-face finale du gouvernement est un véritable cafouillage.

«Le PM aujourd'hui doit nous dire qui est responsable, a-t-il dit. Est-ce que c'est lui qui s'est entêté à placer ses intérêts au-dessus de l'intérêt public ou son ministre de la Justice qui s'est laissé instrumentaliser, qui a manqué à ses devoirs, qui a servi de pantin pour défendre l'indéfendable.»

Fournier a manqué de dignité, dit Deltell

Le chef adéquiste Gérard Deltell a estimé que M. Fournier a manqué de dignité en raison de la partisanerie qu'il a démontrée dans ce débat.

«Le ministre de la Justice n'est pas un ministre comme les autres, a-t-il dit. La justice doit être administrée de façon neutre et objective et surtout pas partisane.»

Exposant les initiatives gouvernementales pour lutter contre les malversations dans la construction, M. Fournier a repoussé les accusations de M. Deltell.

«Franchement, je trouve ça un petit peu, beaucoup exagéré», a-t-il dit.

Le ministre a expliqué que le gouvernement s'en est ultimement remis à la juge à la Cour supérieure France Charbonneau pour décider de l'opportunité de recourir aux pleins pouvoirs d'enquête.

M. Fournier a annoncé mercredi que Mme Charbonneau disposera de tous les pouvoirs en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête.

La mise sur pied de la commission il y a trois semaines avait soulevé la controverse puisqu'elle n'était pas régie par la Loi.

M. Charest avait soutenu alors que Mme Charbonneau ne pourrait contraindre les témoins, afin d'éviter que des personnes visées par des enquêtes policières puissent être blanchies grâce à l'immunité reçue devant la commission.

Le Barreau du Québec avait refusé de cautionner l'exercice, réfutant les arguments du gouvernement pour expliquer les pouvoirs limités accordés à Mme Charbonneau.

M. Charest a ensuite fait volte-face, offrant les pleins pouvoirs, ce que Mme Charbonneau a réclamé dans une lettre lundi, forçant le gouvernement à annuler son premier décret pour en produire un nouveau.

Jeudi, il restait à savoir si Mme Charbonneau pourra formuler des blâmes dans son rapport, ce qui était interdit dans le premier décret.

Une porte-parole de la magistrate, Sophie Allard, a affirmé que cette question est encore à déterminer, le mandat de la commission «n'étant pas encore finalisé».

Le nouveau décret prévoit simplement que la commission soumettra «son rapport final et ses recommandations au plus tard le 19 octobre 2013».