Mandaté en avril dernier pour tirer au clair les allégations de Marc Bellemare sur l'influence politique dans la nomination des juges, Michel Bastarache compte remettre mercredi son rapport au gouvernement Charest.

Il devrait être rendu public presque immédiatement - l'entourage du premier ministre ayant déjà fait savoir qu'il comptait en diffuser les conclusions dans les heures suivant le dépôt du document de 300 pages.

Les employés de la commission ont mis la dernière main au rapport, qui était prêt pour l'impression dès dimanche. Le porte-parole Guy Versailles doit aujourd'hui donner le scénario qui sera adopté pour le rendre public. Des décisions finales restent à prendre, mais une lecture à huis clos pour les journalistes est envisagée, avec la participation de procureurs de la commission qui répondraient aux questions.

Le premier ministre Charest a toutefois fait passer le message qu'il souhaiterait que l'ancien juge aille lui-même présenter ses conclusions aux médias - cela avait été le cas pour la commission présidée par Pierre-Marc Johnson sur l'effondrement du viaduc de la Concorde, rappelle-t-on.

Blanchis? Pas si vite!

On sait déjà que l'ex-juge Bastarache ne compte formuler aucun «blâme» formel à l'endroit de qui que ce soit, puisqu'il n'a fait parvenir aucun préavis en ce sens au premier ministre Charest, à Marc Bellemare, de même qu'aux financiers du PLQ Charles Rondeau ou Franco Fava.

Mais il ne faut pas pour autant conclure que tout le monde s'en sortira indemne, ont confié à La Presse des sources informées du contenu du rapport. La semaine dernière, plusieurs médias avaient déduit que Marc Bellemare et Jean Charest sortiraient «blanchis» de l'exercice compte tenu de l'absence de blâme, une conclusion bien précipitée semble-t-il.

En vertu de son mandat, le juge Bastarache doit se prononcer sur les allégations lancées par Marc Bellemare au printemps dernier. Ce dernier avait soutenu que des responsables du financement au PLQ avaient une influence sur le choix des magistrats. Devant la commission, fin août, il avait accusé Jean Charest de lui avoir donné l'ordre d'obtempérer aux demandes de ces financiers. Me Bellemare avait soutenu que plusieurs membres de son personnel étaient informés de ces pressions. La plupart, sauf un sous-ministre adjoint, George Lalande, étaient venus contredire sa version.

Du côté du gouvernement, on s'attend à ce que le juge observe qu'aucun fait n'est venu appuyer la version de l'ancien ministre de la Justice et que, du coup, sa crédibilité s'en trouve passablement amochée.

Quant au rôle de Jean Charest, les audiences de la commission ont démontré clairement que le processus de nomination des juges avait été modifié avec l'arrivée du PLQ au pouvoir en 2003. À la différence de ses prédécesseurs péquistes, le premier ministre Charest était informé des candidatures au préalable, et d'autres ministres que le responsable de la Justice pouvaient intervenir dans le processus de sélection. Chantal Landry, employée politique, notait même l'allégeance politique des candidats à l'aide de Post-it!

Il n'était pas possible hier soir de connaître le verdict du juge Bastarache sur ce changement de processus. Mais il était clair aux audiences que ces réflexions sur l'étanchéité du processus de sélection des magistrats étaient du plus haut intérêt pour l'ex-juge de la Cour suprême du Canada.

Avec le dépôt du rapport, ce sera la fin d'un processus douloureux pour le juriste acadien. Dès sa nomination en avril, les liens de son bureau, Heenan Blaikie, avec le gouvernement avaient fait la manchette. Son refus d'accepter le Parti québécois comme «participant» à la commission lui avait valu une autre volée de bois vert dans les médias. Par la suite, le procureur en chef, Me Pierre Cimon, démissionna, dégoûté qu'on ait mis en cause son impartialité pour des contributions au Parti libéral du Québec.