Trois ans après le début de la pandémie, la COVID-19 n’a pas dit son dernier mot. Elle demeure présente au Québec, bien qu’elle se fasse discrète. Des avancées de la science ont permis de limiter son impact, mais la menace de nouveaux variants plane toujours.

Les menaces encore réelles

Des centres de soins encore fragiles

Certaines mesures, qui permettraient pourtant d’éviter la transmission de différentes maladies respiratoires, tardent encore à être instaurées dans les établissements de santé et les CHSLD. « Avoir des chambres individuelles diminue la transmission. Pourtant, on fait des maisons des aînés qui sont magnifiques, mais après ça, en CHSLD, il y a encore des chambres pour deux », déplore le DQuoc Nguyen, gériatre du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM). Il est également primordial d’avoir suffisamment de personnel dans les centres de soins, soutient-il.

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Le DQuoc Nguyen, gériatre du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM)

On ne peut pas avoir toujours le strict minimum, parce que quand surviennent des crises, comme une pandémie, l’élastique va se déchirer.

Le DQuoc Nguyen, gériatre du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM)

En revanche, on a progressé dans la mesure où la pandémie a permis de mieux saisir « l’importance du contrôle des infections dans les centres de soins », dit le DNguyen. « Je constate que tout le monde fait plus attention au potentiel de transmission des maladies », notamment en évitant d’aller travailler quand on est malade. « Les travailleurs sont un vecteur important de transmission de maladies. On l’a appris à la dure pendant la pandémie. » Le port du masque a aussi largement été adopté dans les centres de soins.

La COVID-19 est omniprésente

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Près de 450 Québécois sont encore hospitalisés en raison de la COVID-19. Un nombre qui reste stable depuis des mois.

Contrairement à l’influenza, qui provoque des pics soudains avant de disparaître pendant des mois, la COVID-19 reste omniprésente. En témoigne le taux de positivité des tests de dépistage, qui oscille depuis des mois autour des 10 %.

Bien que l’impact de la COVID-19 sur les hôpitaux soit nettement moins lourd qu’au début de la pandémie, on compte encore près de 450 Québécois hospitalisés en raison de la COVID-19, un nombre qui reste stable depuis des mois. La COVID-19 continue à provoquer de trois à cinq décès par jour, suffisamment pour demeurer parmi les principales causes de décès. Plus que les accidents de voiture ou les suicides.

Cela dit, les Québécois sont nettement moins préoccupés par la maladie. D’ailleurs, depuis maintenant un an, pas moins de 9 personnes sur 10 estiment que le pire de la crise est désormais derrière nous, selon les sondages menés par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).

La COVID-19 longue reste un mystère

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La Dre Emilia Falcone, de la clinique de recherche post-COVID-19 de Montréal à l’Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM)

À l’heure actuelle, des milliers de Québécois sont atteints de COVID-19 longue, puisqu’ils vivent avec des symptômes pendant des mois, voire des années, après leur infection au virus. Pourtant, aucun traitement spécifique n’existe pour les soigner et le diagnostic reste difficile à poser. « Nous avons encore beaucoup à apprendre au sujet [du déclenchement de la maladie] afin d’améliorer la prise en charge », déclare la Dre Emilia Falcone, qui a mis sur pied la clinique de recherche post-COVID-19 de Montréal à l’Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM).

Depuis le début de la pandémie, les connaissances sur cette maladie ont toutefois évolué. Désormais, on saisit beaucoup mieux les facteurs de risque, l’impact de la vaccination et des variants sur les risques de souffrir de COVID-19 longue, les symptômes et la prévalence, énumère la Dre Falcone.

L’immunité collective n’arrivera pas

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L’immunité collective tant espérée ne s’est jamais concrétisée.

« Au tout début de la pandémie, on avait espoir de développer une immunité collective. On est conscient aujourd’hui que le concept d’immunité collective ne se concrétisera pas », indique Alain Lamarre, professeur-chercheur spécialisé en immunologie et virologie à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS). L’immunité collective se produit notamment lorsqu’une proportion suffisante de la communauté est vaccinée et que le vaccin limite la transmission. Les personnes qui ne reçoivent pas le vaccin sont alors indirectement protégées par les autres.

On a vu malheureusement rapidement que ce n’était pas le cas et qu’il y avait des infections même chez la population vaccinée.

Alain Lamarre, professeur-chercheur spécialisé en immunologie et virologie à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS)

Dans les trois premières années de la pandémie, on a tout de même appris « beaucoup de choses en matière d’immunité », soutient la pédiatre Caroline Quach, microbiologiste et infectiologue au CHU Sainte-Justine. « On sait maintenant qu’une immunité qu’on dit hybride est la meilleure et nous permet d’être beaucoup mieux protégés contre les infections sévères », dit-elle. Cette immunité hybride, induite à la fois par la vaccination et par l’infection au virus, permet généralement de protéger contre les infections graves pendant plus d’un an, indique M. Lamarre.

Les avancées

Les médicaments

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Le Paxlovid est arrivé au Québec au début de l’année dernière.

Les soins offerts aux patients atteints de la COVID-19 ont beaucoup évolué depuis mars 2020. « Au début de la pandémie, il n’y avait aucun traitement », rappelle Jean-François Tessier, pharmacien de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont. Les progrès ont toutefois été rapides. « Dès mai 2020, on a eu le premier médicament, le remdésivir, qui s’est avéré bénéfique pour les patients qui avaient une pneumonie à COVID-19 et qui étaient hospitalisés », dit-il. Au début de 2022, le médicament Paxlovid, qui diminue la capacité du virus à se répliquer et freine la progression de la maladie, a fait son arrivée au Québec. « On a été la première province qui a permis de prescrire ce médicament-là sans avoir un rendez-vous avec un médecin », se réjouit M. Tessier.

Toutefois, certains traitements se révèlent désormais inefficaces. C’est le cas des anticorps monoclonaux, qui ont commencé à être utilisés à l’hiver 2021. Ces traitements, qui neutralisent la protéine S du coronavirus, « ont perdu leur efficacité [à cause des mutations présentes chez les nouveaux variants], et maintenant, on ne peut plus vraiment les utiliser », déplore M. Tessier.

Le vaccin

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En moins d’un an, les scientifiques ont réussi à développer un vaccin contre la COVID-19.

Les avancées scientifiques sont venues chambouler le cours de la pandémie, pour le mieux. Le vaccin contre la COVID-19, « c’est probablement la meilleure nouvelle de la pandémie », dit la Dre Quach. En moins d’un an, les scientifiques ont développé un vaccin efficace pour limiter les formes graves de la maladie et qui peut être adapté rapidement en fonction de l’évolution des virus, soutient M. Lamarre.

Or, avec l’apparition des nouveaux variants, le vaccin ne s’est pas avéré efficace pour limiter la transmission de la COVID-19 dans la population, comme on l’avait espéré. « Le virus continue de circuler et de muter et il pourrait éventuellement réapparaître sous la forme d’un variant encore plus contagieux et potentiellement plus virulent », explique M. Lamarre. Pour éviter qu’un tel scénario se produise, des chercheurs de partout dans le monde s’efforcent de mettre au point de nouveaux types de vaccins et d’autres moyens de l’administrer sous forme d’aérosol, par voie intranasale ou orale.

Avec Pierre-André Normandin, La Presse