Ils planchent sur des vaccins et des médicaments, utilisent l’intelligence artificielle pour accélérer les découvertes, cherchent à mieux comprendre le virus, son mode de propagation et les meilleures façons de se protéger contre lui. Avec plus de 150 projets de recherche dans les cartons, les chercheurs québécois se mobilisent contre la COVID-19. Coup d’œil sur des recherches qui donnent espoir.

Une biobanque québécoise

Si vous êtes atteints de la COVID-19, on vous demandera peut-être la permission de prélever quelques millilitres de votre sang. Objectif : déployer la « Biobanque québécoise de COVID », qui contiendra des informations tant sur le virus que sur les patients infectés. « La biobanque répond à un besoin urgent, immédiat, critique. La recherche sur la COVID ne peut se faire sans accès à des données et des échantillons de qualité, et en grande quantité », explique le DVincent Mooser, directeur du projet et titulaire de la Chaire d’excellence en recherche du Canada en médecine génomique à l’Université McGill. Établir le profil génétique des patients qui souffrent de complications sévères à la COVID-19 ; étudier les mutations du virus pour s’assurer qu’un éventuel vaccin s’attaque à toutes les souches ; comprendre les mécanismes de l’inflammation qui rend les patients malades. Les informations recueillies serviront à plusieurs fins et seront mises à la disposition de l’ensemble des chercheurs. « Cette biobanque a été élaborée avec un sentiment aigu d’urgence, mais pour moi, il était essentiel qu’elle respecte un cadre légal et éthique extrêmement strict », affirme le DMooser, qui assure que les données récoltées seront traitées avec « sérieux et respect ». (P. M.)

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE L’UNIVERSITÉ MCGILL

Le DVincent Mooser

L’intelligence artificielle au cœur de la lutte

Le spécialiste de l’intelligence artificielle Yoshua Bengio, en collaboration avec le centre de recherche sur l’apprentissage profond et par renforcement, le Mila, tente d’utiliser l’intelligence artificielle pour trouver de nouvelles molécules qui pourraient aider à lutter contre le virus. L’objectif est d’utiliser l’apprentissage profond pour créer un « système de simulation physique » qui testera virtuellement l’efficacité probable de plusieurs milliards de molécules ou de combinaisons de molécules différentes. « Avec l’intelligence artificielle, on va pouvoir approximer les résultats pour que ce soit un million de fois plus rapide » qu’en faisant de la recherche de façon classique, explique M. Bengio. « On a déjà les outils prêts à utiliser et on commence à travailler sur les protéines du virus. » Les résultats ne viendront cependant pas avant « quelques mois », selon lui. Le Mila s’intéresse aussi à l’utilisation de l’intelligence artificielle pour entraîner des algorithmes à reconnaître la signature de radiographies de personnes atteintes afin de mieux prédire la gravité des cas. (T. P.)

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Le Dr Yoshua Bengio

Du cancer de la prostate à la COVID-19

La mise au point d’un test sanguin (sérologique) permettra de savoir exactement combien de personnes sont infectées, et de répondre aux questions sur le risque de réinfection. Jean-François Masson, de l’Université de Montréal, et Denis Boudreau, de l’Université Laval, y travaillent grâce à des subventions de recherche d’urgence des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC).

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L’UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL

Jean-François Masson, 
chercheur à l’Université de Montréal

« On travaille ensemble depuis 2005, disent les chercheurs. On a mis au point des tests diagnostiques sanguins pour le cancer de la prostate, avec la molécule APS, pour la détection des anticorps de réactions allergiques pour les patients en traitement de leucémie, et sur le méthotrexate, un agent de chimiothérapie pour lequel il est très délicat d’éviter le sous-dosage et le surdosage. » Ces trois tests sérologiques n’ont pas encore d’application clinique faute de partenaire commercial. « Quand la COVID-19 est sortie, on a décidé d’adapter la technologie », expliquent MM. Masson et Boudreau. Cette étape devrait prendre de trois à six mois. Puis il faudra avoir l’homologation de Santé Canada. Le test devrait donner des résultats en une quinzaine de minutes. Il ne détectera pas si une personne est infectieuse, mais plutôt si elle a déjà été infectée. (M. P.)

La peur à l’hôpital

Quels sont les facteurs qui influencent la réticence du personnel soignant à s’occuper des patients atteints de la COVID-19 ? Bruno Pilote, professeur en sciences infirmières à l’Université Laval, a reçu à la mi-mars des fonds d’urgence des IRSC pour étudier la question. « L’objectif est d’envoyer aux soins intensifs seulement les infirmières et médecins qui ne seront pas trop affectés par un contact direct avec la COVID-19, dit M. Pilote. Plus de la moitié de ceux qui ont été en contact avec les patients atteints du SRAS en 2003 ont eu de la détresse psychologique. À Toronto, certains soignants qui ont été en contact avec le SRAS en 2003 ont eu des séquelles post-traumatiques pendant deux ans. Ça a compliqué la gestion du système de santé pendant longtemps, en plus de créer des drames humains. On veut avoir les bonnes personnes aux bons endroits. Si on veut faire une analogie, c’est comme en temps de guerre, on veut des soldats d’élite, pas des Casques bleus. » Y a-t-il des hypothèses ? Le sexe, l’âge, le fait d’être parent ou en couple jouent-ils un rôle ? « Les études ont démontré que l’impact psychologique est plus grand chez les jeunes professionnels, dit M. Pilote. Mais il y a eu très peu de travail sur le sujet. On n’a pas pu faire d’étude prospective avec le H1N1, parce que ça a été moins grave qu’on craignait. » (M. P.)

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L’UNIVERSITÉ LAVAL

Le Dr Bruno Pilote

Percer le mécanisme de défense du virus

C’est le genre de retard qui fait mal. Quand quelqu’un contracte la COVID-19, il faut de trois à cinq jours au système immunitaire pour se mettre en branle. Pendant ce temps, le virus se multiplie allégrement. Et le patient, qui ne ressent pas de symptômes, peut transmettre la maladie. « Pendant cette période, le virus semble avoir un mécanisme pour supprimer la réponse immunitaire », explique le DChen Liang, du département de médecine expérimentale de l’Université McGill. Ce mécanisme, le Dr Liang veut le comprendre pour éventuellement le contrer. Dans un laboratoire de niveau 3 du Centre universitaire de santé McGill, il fait pousser le fameux SARS-CoV-2, puis le met en contact avec des cellules pour observer son modus operandi. Ce type de recherche prend du temps, et le DLiang estime qu’il faudra sans doute un an pour percer le secret du virus. Entre-temps, il se penche aussi sur la façon dont les protéines en forme de pic du virus lui permettent d’infiltrer les cellules respiratoires. Et dans ce cas, il espère des réponses d’ici quelques mois. (P. M.)

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE L’UNIVERSITÉ MCGILL

Le DChen Liang

D’autres projets d’envergure

Parmi les nombreux autres projets, rappelons que :

L’entreprise de Québec Medicago, de concert avec l’équipe du chercheur Gary Kobinger, travaille sur un éventuel vaccin contre la COVID-19.

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Le Dr Gary Kobinger 

Le Dr Michel Chrétien, de l’Institut de recherche clinique de Montréal, prévoit de tester un antiviral appelé quercétine en Chine. 

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PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Le Dr Michel Chrétien, de l’Institut de recherches cliniques de Montréal

L’Institut de cardiologie de Montréal a lancé une vaste étude clinique sur un médicament potentiel contre les complications graves de la COVID-19 et cherche toujours des patients.

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PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Le centre de recherche de l’Institut de cardiologie de Montréal

Plus de 150 projets soumis

Un groupe de travail lancé par les Fonds de recherche du Québec en santé (FRQS), le ministère de l’Économie et de l’Innovation et le ministère de la Santé et des Services sociaux a été mis en place pour coordonner les efforts de recherche québécois contre la COVID-19. « On fait le lien entre les besoins et les solutions », résume Carole Jabet, directrice scientifique du FRQS. Plus de 150 projets ont été soumis. « Tant du côté universitaire que dans les entreprises, les équipes répondent très fortement à l’appel. La mobilisation nous permet de trouver des solutions à court terme, mais aussi de bâtir une compétitivité de recherche à moyen et long terme », dit Mme Jabet. Plusieurs fonds de programmes existants sont utilisés pour des projets portant sur la COVID. Si cela s’avère impossible, le ministère de l’Économie et de l’Innovation du Québec peut intervenir. Du côté du fédéral, les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) ont accordé 99 subventions totalisant 54,2 millions de dollars, dont 18,2 millions attribués à 29 équipes comptant des membres québécois.