Je veux parler de cette considérable singerie annoncée par le gouvernement du Québec, ces 5 à 7 millions de l’argent des taxes consacrés à faire venir jouer les Kings de Los Angeles au Centre Vidéotron de Québec pour deux matchs… présaison.

Mais avant, permettez un détour par l’exploration du CV d’Eric Girard, notre ministre des Finances.

M. Girard a fait un bac et une maîtrise en économie. Il a été économiste à la Banque du Canada. Il a été vice-président de la Banque Nationale. Bref, ce n’est pas pour rien qu’il est ministre des Finances, et je le dis sans ironie.

Suggestion de lecture pour M. Girard, quand il aura une seconde. Il s’agit d’un site web américain du nom de Field of Schemes1, du journaliste américain Neil deMause, qui documente depuis des années le scandale du financement public des ligues de sport professionnel.

Neil deMause s’est donné une mission : éclairer le public sur le jeu de dupes du financement public des équipes de sport professionnel. Car partout en Amérique du Nord, des ligues tentent de siphonner les fonds publics pour se faire financer des constructions ou des rénovations de stades.

Soccer, basket, baseball, hockey, football : le modus operandi est toujours le même, ou presque. Les propriétaires de club font un chantage au déménagement ou font miroiter un déménagement pour soutirer le maximum de fonds publics pour leurs stades.

C’est un scandale à deux égards.

Un, le sport-spectacle est un business hyperlucratif. La NFL a engrangé des revenus de 18,6 milliards l’an dernier. Le baseball majeur : 10 milliards. La NBA : 10,6 milliards.

La LNH : 6 milliards de dollars.

Bref, ces équipes ont suffisamment de revenus pour se payer des stades et pour les rénover. Et les Kings ont les moyens de venir jouer à Québec sans toucher d’argent public.

Ça n’empêche pas les pouvoirs locaux de détourner des revenus des taxes et impôts pour les dieux du stade : le Nevada vient de donner 380 millions US pour que les A’s d’Oakland viennent jouer au baseball à Las Vegas.

Deuxième scandale : subventionner le sport professionnel n’est jamais une bonne idée. C’est le consensus assourdissant chez les économistes qui font métier d’étudier l’industrie du sport-spectacle. Les « retombées » ? C’est un mirage commode inventé par des milliardaires qui veulent faire jouer leurs millionnaires dans des stades payés par la classe moyenne.

Je répète le nom du site, qui serait une excellente lecture pour M. Girard : Field of Schemes. On y trouve à la fois ces études scientifiques que j’évoquais et la chronique quotidienne de tous les stratagèmes (d’où le mot schemes) des équipes professionnelles d’Amérique du Nord pour siphonner de l’argent public.

OK, je conclus ce petit détour par un cri du cœur, si vous permettez…

Je suis tanné de cette fiction qui justifie toutes sortes de singeries sous nos latitudes, alors permettez que je le dise haut et fort : Les Nordiques ne reviendront jamais.

La LNH a eu plusieurs occasions de revenir à Québec. À chaque occasion, elle a dit Fuck you à Québec.

Quand le gouvernement Charest a accepté de financer un aréna de calibre LNH à Québec, le commissaire Gary Bettman a été clair : Vous aurez beau le bâtir, rien ne garantit que vous aurez un club.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Le commissaire de la LNH, Gary Bettman

Quand la LNH s’est mise à la recherche de deux marchés pour élargir ses cadres et que seules deux villes se sont portées volontaires – Las Vegas et Québec –, la ligue a finalement décidé de sélectionner une seule ville… Qui ne fut pas Québec.

Puis la LNH a décidé d’octroyer une franchise sans appel de candidatures à Seattle. Le Kraken est ainsi né.

Les Coyotes ont mille problèmes à s’enraciner en Arizona. Ils ont été évincés de leur aréna : la LNH a préféré laisser les Coyotes jouer dans un aréna de 5000 places… plutôt que de déménager l’équipe à Québec.

Tout ça est connu.

Espérer le retour des Nordiques, à ce point-ci, c’est comme un gars qui espère que sa femme qui l’a quitté pour un autre homme en 1995 va finir par revenir vers lui… Alors que ladite ex-conjointe est désormais en couple avec une femme.

Mais le proverbial « retour des Nordiques » est invoqué par le premier ministre Legault lui-même pour justifier cette considérable singerie qu’est le financement public d’une escale de deux matchs présaison des Kings de Los Angeles au Centre Vidéotron de Québec.

Je cite François Legault, vendredi : « Il est temps que la LNH accepte de donner une franchise à Québec, donc d’avoir le retour des Nordiques. […] On espère que M. Bettman va venir nous visiter pour ces games-là. »

Le PM n’est pas un con.

Le PM sait compter.

Le PM a (déjà eu) du flair politique.

Partant de ces trois constats, on ne peut pas penser que François Legault est sérieux quand il fait un lien entre ces 5 à 7 millions donnés à Québecor (qui administre le Centre Vidéotron) et le début d’une vague d’enthousiasme au sein de la LNH qui culminera miraculeusement par le retour triomphal des Bleus à Québec.

On peut critiquer Gary Bettman pour beaucoup de choses. Mais j’estime que le commissaire de la LNH n’a jamais pris les Québécois pour des cons. Il a toujours été brutalement honnête quant aux chances de Québec de retrouver son club de la LNH, perdu en 1995.

Mais il y a quelqu’un qui prend les Québécois pour des cons dans ce dossier du « retour des Nordiques ».

De qui s’agit-il ?

Un indice…

C’est celui qui a prononcé la phrase suivante vendredi : « C’est important aussi d’investir dans le loisir. »

C’est François Legault qui a prononcé ces mots.

1. Consultez le site Field of Schemes (en anglais)