La promesse reste, mais la justification change. En campagne électorale, la CAQ s’engageait à baisser les impôts afin de lutter contre l’inflation.

Dans sa mise à jour économique, le ministre des Finances, Eric Girard, a adapté cet engagement au goût du jour. Il le qualifie désormais de mesure pour compenser le ralentissement économique appréhendé. L’allègement est encore prévu pour le prochain budget, en mars. Il servira alors à stimuler l’économie.

Le risque de récession a augmenté. Durant la campagne électorale, Québec évaluait la probabilité à une chance sur trois. C’est désormais pile ou face.

On ne peut pas reprocher à un gouvernement de tenir parole. Reste que la question demeure : pourquoi avoir fait cette promesse ?

La réponse courte : parce que c’était populaire. Notre rapport avec la fiscalité est émotif. Près de la moitié des Québécois qui gagnent moins de 20 000 $ estiment payer trop d’impôt, même s’ils en versent peu ou pas. Autre fait étonnant, l’insatisfaction fiscale est presque aussi grande chez les contribuables qui gagnent entre 20 000 $ et 40 000 $ que chez ceux dont le revenu dépasse 100 000 $⁠1.

Cela peut se comprendre. Après tout, les Québécois sont les plus taxés en Amérique du Nord. Et c’est également aux deux premiers paliers d’imposition – pour les revenus de 15 700 $ à 92 000 $ – que l’écart est le plus grand entre le Québec et ses voisins. Voilà pourquoi les libéraux, les conservateurs et les caquistes voulaient baisser les impôts.

Une autre question consiste à se demander si l’État en a les moyens. M. Girard répond que les diverses mesures d’aide (13,2 milliards) sont inférieures à la hausse des revenus découlant de l’inflation (14 milliards).

C’est toutefois un polaroïd. Si on prend la photo l’année prochaine, l’image sera différente. M. Girard se privera de ces recettes fiscales au moment même où l’État verra ses revenus se contracter à cause du ralentissement de l’inflation, et alors que ses dépenses vont bondir en raison de l’indexation des différentes prestations du filet social (6,4 %) et de la hausse des salaires de la fonction publique – un nouveau cycle de négociation de conventions collectives s’amorcera bientôt.

Pour se défendre, M. Girard rappelle qu’il s’est gardé une marge de manœuvre en cas de récession. Il ajoute que la baisse d’impôt stimulera la croissance. C’est vrai, mais cet effet ne compensera pas la baisse des revenus. Sinon, on n’aurait qu’à sabrer les impôts pour s’étouffer dans notre richesse…

Son argument économique ressemble plutôt à une justification a posteriori pour vendre une promesse qui ne vieillit pas si bien.

Si on veut réduire les inégalités et aider les gens qui souffrent le plus, certaines mesures de la mise à jour économique sont meilleures que d’autres.

Pour le versement de 400 $ à 600 $ envoyé récemment, un symbole fait mal. Des députés de l’Assemblée nationale y étaient admissibles, car ils déclareront un revenu inférieur à 100 000 $. Pourtant, sans être riches, ils ne font pas pitié. Un couple formé de deux personnes ayant chacune un salaire de 100 000 $ n’avait pas davantage besoin de cet argent.

Mais cette aide, qui fait couler beaucoup d’encre, n’est pas la seule mesure du bouclier anti-inflation.

Il y a aussi la hausse plafonnée à 3 % des tarifs des services gouvernementaux, ce qui est préférable au gel qui ne ferait que reporter un choc tarifaire.

Et il y a la bonification du soutien aux aînés, un gros morceau du plan. Elle coûtera 8 milliards pour le prochain mandat. Soit nettement plus que le « chèque » envoyé cet automne (3,5 milliards).

Voilà la mesure phare, et elle est bien ciblée. Elle est offerte aux 70 ans et plus à revenu faible et modeste. Les plus nantis en sont donc exclus. La majorité de l’enveloppe ira à des gens dont le revenu est inférieur à 25 000 $.

D’ailleurs, le principal reproche des groupes de lutte contre la pauvreté est que cette mesure bienvenue ne s’applique pas à encore plus de gens. Ils voudraient la voir élargie aux 65 à 69 ans.

Il y a un dernier angle d’analyse de la mise à jour économique. On peut l’aborder de façon moins technique et plus subjective, en se demandant qui a le plus besoin d’aide. Pour une personne nantie, une somme de 500 $ ne changera pas grand-chose. Mais pour une personne dans le besoin, cela peut carrément réduire la faim.

La fréquentation des banques alimentaires a augmenté de 33 % depuis trois ans, et de 9 % depuis un an. De l’aveu même de François Legault, il est difficile de vivre avec un salaire de 18 $ l’heure. Sa mise à jour économique en fait un peu pour eux, mais le saupoudrage aurait pu être davantage concentré.

C’est une mise à jour économique très caquiste, au fond. Ni à gauche ni à droite, avec un buffet de mesures pour plaire à tous. Mais en offrant de petites bouchées à tout le monde, certains resteront sur leur faim.

1. Consultez l’étude de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke