La CAQ accuse souvent ses adversaires de pelleter des chiffres en l’air avec leurs promesses de réduction de gaz à effet de serre (GES).

Écrire des annonces sur une feuille, c’est trop facile. L’important est d’obtenir des résultats, dit François Legault. Sinon, on alimentera le cynisme.

Ça devrait aussi valoir pour la préservation de la biodiversité et pour la création d’aires protégées. Le gouvernement caquiste n’est pas encore tout à fait à la hauteur de cet objectif.

Son bilan n’est pas mauvais, mais il ne peut pas encore s’en vanter non plus.

M. Legault et son ministre de l’Environnement, Benoit Charette, ont profité de l’ouverture de la COP15 à Montréal pour dévoiler un « Plan Nature » de 650 millions de dollars. Leur engagement : intervenir auprès des espèces menacées et vulnérables et protéger 30 % de notre territoire terrestre d’ici 2030.

Le Canada a la même cible, mais comme de nombreux autres pays, il est en retard sur le Québec. Avec cette annonce, le gouvernement caquiste est bien placé pour augmenter cette avance. Reste que ce n’est encore que de l’encre sur du papier.

D’un côté, on a envie de crier : ne le dites pas, faites-le.

De l’autre, le passé permet un optimisme prudent. Car il y a une différence majeure entre les GES et les aires protégées : dans ce dernier cas, le Québec a atteint sa cible en 2020 et la CAQ peut en revendiquer le mérite.

Quand M. Charette est devenu ministre en 2019, à peine 10 % de notre territoire était protégé. Ce taux est passé à 17 % avant la fin de son mandat.

Il y a un an, 82 sites avaient été identifiés pour une future aire protégée. Près de 20 ont déjà été choisis pour des projets en chantier. M. Charette a promis d’y ajouter une zone de 40,5 km⁠2 au mont Kaaikop dans les Laurentides – cet engagement a été pris dès le dépôt officiel du projet, lundi.

En deuxième moitié de mandat, M. Charette a adopté une loi pour créer un nouveau type d’aire protégée à « utilisation durable ». Il servira entre autres à Anticosti, où la population locale pourra maintenir certaines activités industrielles. Le ministre attend que l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) balise la catégorie avant de concrétiser ces projets.

Cela mérite une réaction quelque part entre la crédulité et la paranoïa. Un scepticisme de bonne foi, disons. Tout dépendra des petits caractères.

Le travail avance. Les caquistes ont identifié les projets et réservé les budgets. Mais pourquoi ne pas envoyer maintenant un message fort à ceux qui doutent du gouvernement ou de l’utilité de la COP15 ?

Par exemple, des rapports du BAPE ont déjà souligné que la rivière Magpie, sur la Côte-Nord, mériterait une protection. La MRC de la Minganie y est d’ailleurs favorable. Tout comme le Conseil des Innus d’Ekuanitshit, elle a adopté des résolutions pour accorder à cette rivière une personnalité juridique. Hydro-Québec avoue ne pas y avoir de projet à court ou moyen terme. Mais la société d’État n’exclut pas d’y construire une centrale hydroélectrique à long terme, et M. Legault paraît sensible à cet argument.

Même chose avec un autre projet d’aire protégée qui traîne, celui du réservoir Pipmuacan, qui borde la Côte-Nord et le Saguenay–Lac-Saint-Jean. C’était une recommandation pressante du rapport d’expert sur le caribou. Mais là encore, Québec attend.

La stratégie sur le caribou sera seulement dévoilée d’ici juin 2023. Un délai qui s’ajoute aux précédents, ce qui ne déplaît pas à l’industrie forestière.

La même logique vaut pour la protection des espèces menacées et vulnérables.

Quand M. Charette est arrivé en fonction, la grogne était vive.

En 2013 déjà, le comité qui recommande la désignation d’espèces animales menacées ou vulnérables dénonçait l’inaction du gouvernement libéral. Malgré ses rapports, rien ne se faisait.

Or, il ne s’est pas réuni depuis 2017, a révélé récemment mon collègue Éric-Pierre Champagne. Pire, l’identité de ses membres n’est pas divulguée et ses avis demeurent secrets.

M. Charette n’a pas créé ce problème, mais il ne l’a pas réglé non plus.

En juin, il a désigné 11 espèces de la flore comme vulnérables ou menacées. Et cet automne, il a donné ce statut à 27 espèces de la faune. Le geste est à la fois important et insuffisant.

La preuve, ce statut n’a pas empêché dans les dernières années la destruction de milieux humides qui abritent la rainette faux-grillon, dont le statut vient de passer de « vulnérable » à « menacée ». Et Québec comme Ottawa promeuvent un projet de port à Contrecœur au mépris du chevalier cuivré, une espèce menacée et endémique chez nous.

Une solution serait de renforcer la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables afin de rendre l’évaluation transparente et de mieux l’appliquer sur les terrains privés.

Là encore, le ministre ne l’exclut pas, sans s’y engager fermement non plus.

La CAQ se plaint que ses bons coups en environnement passent inaperçus, et elle n’a pas tort. Mais ce scepticisme ne vient pas de nulle part. Si elle veut le combattre, il ne lui reste qu’à achever le travail commencé. Car pour l’instant, elle trottine vers l’urgence.