J’invite ceux qui doutent encore de la pertinence des grands médias en cette ère de réseaux sociaux à jeter un œil au feuilleton du pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine.

Voilà un chantier prévu depuis 2019, sur lequel bien des experts, des fonctionnaires et des élus sont censés avoir planché afin d’éviter l’Armageddon routier à partir de lundi.

Et pourtant, si vous avez lu et regardé les reportages médiatiques sur la question depuis deux semaines, il est évident qu’ils étaient nombreux à dormir au gaz…

Pour que le président de la Chambre de commerce de Montréal s’improvise expert cinq jours avant le jour J, et que le premier ministre accueille avec « ouverture » son idée de covoiturage formulée à minuit moins une, il faut vraiment qu’on soit dans l’improvisation la plus totale.

Chaque jour, une nouvelle entrave à la circulation est révélée.

Chaque jour, on nomme un autre « partenaire » qui fait sa petite affaire de son côté sans se soucier de l’impact sur l’écosystème routier.

Chaque jour, on réalise un peu plus que la coordination de tous les acteurs impliqués n’est qu’une vue de l’esprit.

Tout ça, parce que chaque jour, les médias dits traditionnels dévoilent un peu plus le caractère totalement désorganisé de la fermeture partielle du pont-tunnel, qui débutera demain pour se terminer (on se le souhaite) en 2025.

Les élus se font rassurants sur toutes les tribunes, répétant que tout le monde collabore et que des mesures d’atténuation ont été planifiées, mais on peine à saisir qui avait les mains sur le volant et qui avait pour responsabilité de minimiser les dégâts.

On a appris en août dernier seulement que la moitié des voies du tunnel serait fermée.

La Ville de Montréal dit ne pas avoir eu assez d’information ni de prévisibilité de la part du gouvernement.

Une portion importante de la 132 sera complètement fermée à la circulation du 4 au 7 novembre.

La circulation sur le pont Victoria sera limitée à une voie jusqu’à la fin novembre.

Le REM ne sera pas sur les rails avant l’an prochain.

L’instance décisionnelle de Mobilité Montréal n’a eu qu’une rencontre dans les cinq dernières années.

Et la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, disait jeudi « réfléchir » à la question du camionnage…

Autant de choses que vous avez apprises dans les médias écrits, audio et télé ces dernières semaines.

Ça, et le caractère très attentiste des élus, tant à Québec qu’à Montréal, qui se disent prêts à ajouter des voies réservées, des voitures de métro additionnelles, des mesures supplémentaires… seulement si le besoin se présente une fois le chaos installé.

Il est par exemple difficile de saisir comment la ministre Guilbault peut penser que « des gens vont essayer de prendre leur auto » pour ensuite préférer le transport collectif… si elle attend de voir ce qu’ils vont faire pour bonifier le transport collectif !

Pourtant, tout ça était prévisible. Nous avions d’ailleurs déjà prévu, à La Presse, affecter un journaliste spécifiquement à cette question une fois les élections provinciales derrière nous.

Cela dit, en découvrant chaque jour un peu plus cette incurie gouvernementale et les répercussions à venir sur vous, les lecteurs, nous avons décidé d’en faire un peu plus pour vous accompagner, en lançant notamment une infolettre sur la circulation dans les prochains jours (voir encadré).

Car manifestement, lorsque le gouvernement nous dit avoir prévu et planifié la fermeture de trois des six voies du pont-tunnel, on peut s’interroger sur l’importance accordée en haut lieu à ce projet. Et, donc, sur l’impact réel que vous ressentirez dans vos déplacements.

Comment, en effet, peut-on affirmer que tout a été pensé en amont pour réduire l’effet des travaux quand on entend le premier ministre Legault inviter les entreprises à se montrer souples sur les horaires et le travail en présentiel, quelques jours à peine avant la fermeture ?

Comme si la majorité des entreprises et des gestionnaires pouvaient modifier leurs opérations du jour au lendemain par un simple courriel aux employés.

Comment comprendre que le parti au pouvoir ait consacré autant de salive, de promesses et de capital politique sur un projet de pont-tunnel à Québec qui pourrait ne jamais voir le jour… alors que la planification de la réfection imminente d’un tunnel existant à Montréal était aussi inadéquate ?

Comme si un projet spéculatif avait plus d’importance que celui qui forcera des centaines de milliers de citoyens à revoir leurs habitudes.

Comment peut-on nous faire croire qu’on a mis le paquet dans les solutions de rechange quand on entend la mairesse de Montréal dire qu’elle va attendre de voir la réaction des automobilistes avant d’ajouter des voitures de métro en dehors des heures de pointe ?

Comme si, finalement, la décision avait été d’attendre le pire pour réagir.

On vous accompagne

Vous avez pu lire les reportages d’Henri Ouellette-Vézina (et de Léa Carrier le week-end, entre autres) depuis la mi-octobre, afin de vous aider à vous préparer aux bouchons à venir… et d’aider les élus à réaliser l’ampleur d’un problème qu’ils semblent avoir sous-estimé.

Vous avez pu lire sur les entraves à prévoir, le manque de coordination, les solutions de rechange, les enjeux de communication, le télétravail, les navettes fluviales, le covoiturage, le camionnage, etc.

Et nous allons poursuivre cette couverture journalistique de manière intensive au cours des prochaines semaines. Nous allons vous accompagner en textes et en images grâce à nos reporters et photographes sur le terrain, à nos correspondants parlementaires à Québec, à nos analyses et éditoriaux.

Nous allons aussi lancer une nouvelle infolettre hebdomadaire cette semaine afin de vous aider à vous y retrouver dans les entraves et les dédales routiers du Grand Montréal.

Bref, nous allons continuer de vous accompagner au quotidien, comme nous le faisons de manière serrée depuis quelques mois sur les enjeux financiers qui affectent votre portefeuille.

Lisez le b.a.-ba de la fermeture du pont-tunnel